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Une démocratie de l’ombre

10 février 2025, 05:18

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Il y a des mots qui brillent et résonnent, mais dont l’écho se perd dans le silence des actes. À chaque discours, les promesses s’élèvent : faire de Maurice une «démocratie exemplaire», comme hier on disait que «Maurice est le pays le mieux géré au monde». Mais l’illusion est tenace. La vérité, elle, se niche ailleurs. Au fond des salles où quelques hommes, seuls maîtres de leur destin, s’arrogent le droit de parler pour tous.

Depuis des décennies, nous assistons à une mascarade bien rodée. Les partis politiques se prétendent les dépositaires de notre souveraineté, mais en réalité, ils sont devenus des machines de domination. La démocratie ne s’épanouit pas sous leur ombre, elle s’y éteint. Car peut-on seulement espérer l’éclosion de la démocratie nationale quand elle est étouffée au sein même de ces partis politiques ? Non, la pensée libre y est une faute. L’hérésie, un crime. Et les dissidents, ceux qui refusent de plier, se voient tôt ou tard expulsés du temple du pouvoir, bannis comme des parias, un peu comme Franco Quirin.

Paul Bérenger, autrefois figure centrale du jeu politique, en sait quelque chose. Lui, le «militant», a été tour à tour trahi et traître, obligé de fuir le confort du Conseil des ministres face à SAJ ou à Ramgoolam. Mais l’ironie de l’histoire, c’est qu’il a lui-même usé du même sceptre d’autorité. Hervé Masson, Jack Bizlall, Amédée Darga, Jean-Claude de l’Estrac, Ivan Collendavelloo, Steve Obeegadoo… tous ces hommes, épris d’idéal, se sont heurtés à la forteresse de son pouvoir. Il n’y a pas de différence. Tous les partis, à divers moments de notre histoire, ont broyé ceux qui refusaient la soumission.

La démocratie mauricienne est une mosaïque d’héritages, d’idéaux brisés et de trahisons. Le rêve du mauricianisme s’effondre chaque fois qu’un politicien se présente d’abord sous l’étiquette de sa communauté ou de son clan. Ces hommes, esclaves de leur parti, sacrifiant leur dignité pour un siège, saluent avec déférence leur leader en échange d’une Mercedes ou d’un privilège éphémère. Mais ce jeu de dupes a un coût : celui de la confiance perdue.

Dans les quartiers, les tabagies, sur les bancs des places publiques, le peuple murmure avec amertume : «Zot tou parey… enn kou dan lopozisyon, enn kou dan gouvernman.» Les citoyens se détournent de ceux qui prétendent les représenter, car il n’y a plus de cohérence, plus d’idéal, plus de lutte. La politique est devenue une farce tragique où chacun s’aligne au gré des opportunités.

Pourtant, nous avons besoin des partis. Ils devraient être ces passerelles entre le peuple et ses institutions, ces lieux où la diversité des attentes et des espoirs trouve enfin une voix. Mais ils se comportent comme des machines de guerre, capturant l’espace démocratique au profit d’une caste. Comment pourrait-il en être autrement quand les Liders Maximo, figures immuables, monopolisent le pouvoir en excluant toute remise en question ?

Il est temps d’ouvrir les fenêtres de notre démocratie, d’y laisser entrer l’air de la méritocratie et du débat libre. Il faut réapprendre à s’opposer sans détruire, à dialoguer sans soumission. Car si nous échouons, nous continuerons de dériver, otages de ces factions qui se partagent le pouvoir comme un butin. La démocratie ne se donne pas, elle se conquiert chaque jour, dans l’épreuve et le courage. Elle est un cri qui refuse de mourir. Elle est une dynamique.

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