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Banque de Maurice
Une gestion des réserves qui soulève plus de questions que de certitudes
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Banque de Maurice
Une gestion des réserves qui soulève plus de questions que de certitudes

La Banque de Maurice a accru la performance de ses réserves, mais…
Le dernier rapport annuel de la Banque de Maurice (BoM) affiche un bénéfice de Rs 3,3 milliards, un résultat que l’institution attribue à une stratégie «revitalisée» de gestion des réserves. Selon l’ancien First Deputy Governor, M. Kona, cette approche, combinant diversification et solutions de gestion des risques, aurait amélioré les rendements ajustés au risque sur les réserves en devises étrangères. De plus, les réserves officielles brutes auraient dépassé US$ 8 milliards au cours de l’exercice 2023-2024.
Mais ces annonces, présentées comme des succès, laissent place à une question majeure : si cette nouvelle stratégie d’investissement était aussi efficace qu’annoncé, pourquoi les pénuries de devises étrangères ont-elles continué à affecter le marché local durant la même période ? Si la Banque de Maurice a effectivement accru la performance de ses réserves, pourquoi n’a-t-elle pas davantage soutenu la roupie mauricienne face à la pression persistante sur le marché des changes ?
Ce que M. Kona omet de mentionner, c’est que les marchés financiers mondiaux ont connu une phase exceptionnellement favorable entre juillet 2023 et juin 2024. Toutes les classes d’actifs ont enregistré des performances remarquables, offrant aux investisseurs institutionnels – y compris les banques centrales – une opportunité unique d’optimiser leurs portefeuilles.
Prenons les obligations mondiales : l’indice Bloomberg Global Aggregate Bond a progressé de 5,7 % sur l’ensemble de l’année 2023. Les rendements des bons du Trésor américain (US T-Bills) sont restés dans une fourchette de 5,25 % à 5,5 % depuis juillet 2023 jusqu’à septembre 2024. Or, les banques centrales allouent traditionnellement une part significative de leurs réserves de change aux obligations et Bons du Trésor américain. Mais qu’en est-il des actions ? Certaines banques centrales ont stratégiquement alloué une petite fraction de leurs réserves aux marchés actions pour maximiser leurs rendements ajustés au risque. En 2023, les actions mondiales (l’indice MSCI World) ont généré un rendement de 24 % suivi de 19 % en 2024.
Alors, la BoM a-t-elle pleinement profité de cette conjoncture exceptionnelle ? A-t-elle mis en place une gestion réellement fondée sur l’expertise et la prise de décisions stratégiques, ou s’est-elle simplement laissée porter par la tendance du marché ?
Si la diversification avait été aussi efficace que suggéré, alors pourquoi les rendements ne sontils pas plus élevés ? Une stratégie d’investissement performante aurait pu générer des bénéfices bien plus importants – potentiellement des dizaines de milliards de roupies – renforçant ainsi les réserves spéciales de la banque, augmentant les dividendes reversés à l’État et améliorant la capacité de la BoM à stabiliser le MUR et à atténuer la pénurie de devises.
Si les réserves brutes dépassent bien les US$ 8 milliards, le bilan de la BoM révèle toutefois des fragilités notables. Ses engagements, s’élevant à Rs 134 milliards (environ US$ 3 milliards), sont principalement composés d’emprunts en devises auprès d’institutions internationales. De plus, un flux de trésorerie opérationnel négatif de Rs 9 milliards expose des vulnérabilités persistantes.
Peut-on en déduire que la gestion précédente des réserves internationales a été inadéquate? Certains éléments suggèrent que des décisions discutables ont affaibli la position financière et la capacité d’intervention de la Banque centrale. L’érosion progressive de la roupie, les pénuries persistantes de devises étrangères et l’efficacité réduite de la politique monétaire en sont les conséquences les plus visibles.
Le nouveau management hérite donc d’une Banque de Maurice structurellement affaiblie, avec des risques élevés de liquidité dans ses réserves de change – ce qui expliquerait pourquoi l’institution ne peut pas intervenir de manière plus agressive sur le marché local.
Faut-il en conclure que l’ancienne direction a sous-estimé ou mal évalué les risques associés à sa «nouvelle» stratégie d’investissement ? Cette question mérite d’être posée, car les décisions prises hier déterminent aujourd’hui la marge de manœuvre de la Banque centrale. Dans un contexte où la roupie continue de subir une pression intense, le véritable test pour la BoM ne sera pas la publication de ses profits, mais sa capacité réelle à garantir la stabilité monétaire et à protéger l’économie mauricienne contre les chocs extérieurs.
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