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«E-health»

Une nécessité pour réduire les erreurs et améliorer les soins

5 septembre 2024, 22:00

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Une nécessité pour réduire les erreurs et améliorer les soins

En remplaçant le système papier par une solution numérique efficace, , le projet «e-Health» vise à résoudre les problèmes liés à la gestion des dossiers et à améliorer l’accès aux soins.

Alors que de nombreux pays intègrent de plus en plus l’«e-Health», le système de santé public mauricien continue de faire face à des défis majeurs liés à la gestion papier des dossiers médicaux. En 2022, il y a eu environ neuf millions de visites dans les hôpitaux et dispensaires, qui ont généré une énorme quantité de documents. Actuellement, le ministère de la Santé gère près de cinq millions de dossiers actifs et neuf millions de cartes de rendez-vous, en plus de traiter environ 20 000 tests par jour. Cette gestion papier entraîne des erreurs, des retards dans les traitements et a un impact environnemental important. Pour résoudre ces problèmes, le ministère, en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), mettra en œuvre un projet national d’«e-Health».

Défis du système papier

L’utilisation du papier dans les services de santé constitue un défi majeur pour les professionnels. La gestion des dossiers médicaux exige un temps considérable aux médecins et au personnel soignant, qui doivent chercher, organiser et mettre à jour les informations des patients. Ce processus manuel augmente le risque d’erreurs, comme des saisies incorrectes ou des documents égarés, ce qui peut entraîner des traitements retardés ou inappropriés, compromettant ainsi la qualité des soins.

Pour un membre du personnel de santé, qui a souhaité garder l’anonymat, «la gestion des dossiers papier est devenue de plus en plus complexe. Nous rencontrons fréquemment des problèmes de classement et de perte de documents. Chaque erreur dans un dossier papier nécessite un processus long et compliqué pour être corrigée.» La situation est similaire pour d’autres professionnels du secteur.

Pour les patients, ces erreurs sont source de frustration et de stress, suscitant des inquiétudes quant à leur prise en charge. «La dernière fois que je suis allée à l’hôpital pour mes examens, il y a eu une confusion par rapport à mon dossier. Ils ont perdu mes résultats de laboratoire, ce qui a entraîné un retard dans mon traitement. J’ai dû faire le va-et-vient plusieurs fois. Ce système est vrai- ment inefficace et stressant. La numérisation des dossiers serait une grande amélioration pour éviter ces problèmes», raconte cette habitante de Beau-Bassin. Même constat pour Stéphane : «L’ancien système papier m’a causé beaucoup de soucis. Lors de ma visite pour un suivi médical, j’ai découvert que mon dossier avait été mal classé et que certaines informations cruciales étaient manquantes. Je pense que la numérisation des dossiers est essentielle pour améliorer la gestion des informations et éviter ce genre de désagréments.»

L’impact environnemental est également préoccupant. Près de 20 000 tests sont effectués chaque jour, générant autant de documents papier, ce qui alourdit l’empreinte écologique du secteur. La consommation excessive de ressources naturelles et la gestion des déchets entraînent des coûts supplémentaires et des effets environnementaux significatifs.

Une réponse numérique attendue

Pour pallier ces défis, le projet national e-Health a pour objectif de centraliser les informations médicales dans un dossier électronique. La première phase du projet débutera en novembre à l’hôpital Jawaharlal Nehru, avant de s’étendre aux hôpitaux sir Anerood Jugnauth, Dr A.G. Jeetoo, sir Seewoosagur Ramgoolam National et Victoria. Cette phase initiale comprendra la numérisation des dossiers des patients et des résultats de laboratoire, ainsi que la création d’un portail pour les patients. Le projet mettra en place le concept «un patient, un dossier», visant à réduire les délais de traitement et à améliorer la qualité des soins en facilitant l’accès aux données médicales. Le coût estimé de cette phase est d’environ Rs 200 millions, financé par le gouvernement. Les applications seront disponibles sur l’App Store et Play Store.

La deuxième phase s’étalera sur deux ans, et introduira des modules supplémentaires pour les professionnels de santé et couvrira d’autres domaines. Les 14 000 employés des hôpitaux recevront une formation approfondie via des laboratoires d’accélération e-Health, assurant une formation continue sans interruption des services. Des «champions» de la formation seront désignés dans chaque région afin de faciliter l’intégration aux systèmes de laboratoire et aux équipements médicaux.

Deux applications seront disponibles : la Patient App, permettant aux patients de s’inscrire, de consulter leurs ordonnances et résultats de laboratoire, de prendre des rendez-vous et de soumettre des avis ou plaintes, et la Blood Donor App, offrant une carte de donneur électronique, des informations sur les dons de sang et des documents éducatifs pour sensibiliser le public.

Assurances médicales

L’informatisation des services de santé dans le secteur privé connaît déjà un essor significatif, permettant une gestion optimisée des dossiers médicaux et une amélioration des soins aux patients. On compte plus d’une trentaine de cliniques privées dans le pays et ces établissements ont non seulement adopté des systèmes informatiques avancés pour gérer les données des patients, mais ils continuent également à intégrer les dernières technologies afin d’élever constamment la qualité des services offerts. Cette transition vers le numérique, qui englobe la gestion des antécédents médicaux, les résultats d’examens, les traitements, et le compte rendu d’hospitalisation, a profondément transformé la façon dont les soins sont administrés.

L’un des principaux avantages de l’informatisation des dossiers médicaux réside dans l’accès rapide et facile aux informations critiques pour le médecin traitant. Par exemple, souligne un responsable des urgences, en situation d’urgence, la disponibilité immédiate des antécédents médicaux d’un patient peut non seulement lui sauver la vie mais aussi permettre une prise en charge plus adaptée.

Les cliniques privées, grâce à leurs investissements continus dans des systèmes informatiques robustes et sécurisés, ont ainsi réussi à garantir une meilleure coordination des soins. Dans les cliniques où les patients sont souvent pris en charge par des compagnies d’assurances, une gestion efficace des dossiers est cruciale pour garantir un traitement rapide et précis des demandes de remboursement et des autorisations préalables pour les traitements.

Un médecin du secteur privé souligne l’importance de cette informatisation, en particulier dans le contexte des assurances santé. La gestion numérique des dossiers permet une prise en charge plus rapide des patients, ce qui est essentiel lorsqu’il s’agit de pathologies couvertes par une assurance. «Contrairement aux hôpitaux publics, les cliniques privées traitent un nombre de patients relativement moins important, ce qui facilite la mise en place et la maintenance de systèmes informatiques sophistiqués. De plus, ces systèmes sont conçus pour être non seulement efficaces, mais aussi hautement sécurisés, minimisant ainsi les risques liés à la confidentialité des données», dit-il.

Il fait ressortir que la situation est différente dans le secteur public, où le nombre de dossiers à gérer est bien plus élevé, et qu’il faut être prudent. L’ampleur de la tâche dans un tel environnement soulève des défis considérables, notamment en termes de sécurité et de gestion du flux des données. Le médecin évoque ici une préoccupation majeure : avec l’augmentation des échanges informatiques, les données des patients pourraient circuler plus librement, échappant ainsi au contrôle direct du patient. La multiplication des destinataires potentiels de ces données, ajoute-t-il, accroît également le risque de violation de la confidentialité, un enjeu éthique et légal qui doit être abordé avec la plus grande prudence.

Pour ce médecin spécialiste, il est impératif que les systèmes mis en place soient non seulement performants mais aussi adaptés aux réalités du terrain, où le volume des données à traiter peut rapidement devenir écrasant.

Maintenance

Notre interlocuteur évoque également la nécessité d’une maintenance rigoureuse pour éviter les échecs à long terme. Un exemple frappant, dit-il, est le système de prise de rendez-vous en ligne mis en place à l’hôpital Bruno Cheong. Bien que cette initiative ait été accueillie favorablement à son lancement, permettant aux patients de réserver leurs consultations sans avoir à se déplacer, le système a cessé de fonctionner après quelques mois, faute d’une maintenance adéquate.

«Ce dysfonctionnement a contraint à revenir à l’ancien système, impliquant de longues files d’attente pour les patients avant qu’ils n’obtiennent un rendez-vous, ce qui a annulé les bénéfices de la digitalisation. Il est donc impératif que les autorités prennent en compte non seulement l’application mais aussi l’entretien à long terme des systèmes numériques», souligne ce médecin en faisant ressortir que, dans le privé, la maintenance est toujours de mise afin d’éviter ce genre de dysfonctionnement, qui pourrait compromettre les soins.