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Question à...Fabien De Marassé Enouf
«Une réduction du marché mondial du sucre ne devrait pas être à l’ordre du jour pour la récolte 2023»
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Question à...Fabien De Marassé Enouf
«Une réduction du marché mondial du sucre ne devrait pas être à l’ordre du jour pour la récolte 2023»
Fabien De Marassé Enouf, «Chief Executive Officer» (CEO) d’Alteo.
L’industrie sucrière mauricienne bénéficie actuellement de vents favorables malgré les défis. Fabien de Marassé Enouf, CEO d’Alteo et président du Mauritius Sugar Syndicate (MSS), partage sa perspective sur la récolte record de 2022 et les implications mondiales. Alors que les prix internationaux du sucre augmentent, il souligne l’importance de diversifier les revenus de l’industrie, de valoriser les sous-produits et de rester flexible pour faire face à l’évolution du marché. En tant que nouveau président du MSS, il aspire à consolider la position de Maurice en tant qu’origine de sucre de qualité et durable.
Pouvez-vous nous expliquer comment cette récolte record de 2022, avec un prix de Rs 25 554 la tonne, a été atteinte et quelles en sont les implications pour l’industrie sucrière à Maurice ?
Je voudrais tout d’abord préciser que la récolte 2022 n’a rien d’exceptionnel : les rendements ont été relativement faibles en raison des cyclones qui ont sévi début 2022 et de la sécheresse qui a frappé le pays pendant la seconde moitié de la campagne. Il est certain en revanche que nous avons bénéficié d’un prix exceptionnel à la suite de circonstances favorables. Pendant plusieurs années consécutives, la scène économique mondiale a été marquée par un déficit, principalement attribuable à une baisse de la production de sucre en parallèle à une augmentation constante de la demande. Récemment, cette situation s’est exacerbée avec les difficultés rencontrées par deux des plus importants producteurs et exportateurs mondiaux, l’Inde et l’Indonésie, qui ont subi des récoltes médiocres. Parallèlement, le Brésil a réalisé une récolte abondante, mais des problèmes logistiques entravent l’exportation rapide de son sucre. En conséquence, les prix mondiaux du sucre ont atteint des sommets historiques.
Il faut aussi rappeler qu’en Europe, marché principal pour les sucres mauriciens, la production de sucre a baissé malgré une hausse de prix majeure de la betterave sur les dernières années, résultant en un besoin accru d’importation de sucre. Les coûts de raffinage ont aussi augmenté à la suite du conflit russo-ukrainien qui a causé une hausse du prix moyen de l’énergie. La combinaison de cette augmentation de coûts en Europe et un cours mondial relativement fort a eu pour conséquence une hausse notable de la parité à l’import et donc, un meilleur prix pour les pays ACP/PMA avec accès préférentiels comme Maurice. Évidemment, c’est un concours de circonstances qui est de très bon augure pour nous : cela donne les moyens aux producteurs de rattraper les retards de replantation, de revenir aux bonnes pratiques de fertilisations et d’accélérer l’investissement dans la mécanisation.
Le prix du sucre sur le marché international connaît une tendance à la hausse. Pouvez-vous nous donner des détails sur les facteurs qui y contribuent et comment cela pourrait-il influencer les exportations de sucre mauricien ?
Le MSS garde une grande flexibilité par rapport à son market mix et à son product mix, ce qui nous permet d’adapter notre production afin de répondre aux besoins des marchés et de réagir rapidement à leur évolution. Avec les prix élevés du sucre actuellement en Europe, nous avons favorisé le sucre blanc raffiné à destination de nos principaux marchés européens, et nous avons donc moins exporté vers les pays de la région, comme le Kenya.
Les 10 000 hectares de terres précédemment utilisées pour la culture de la canne à sucre sont maintenant à l’abandon. Comment le MSS envisage-t-il de réactiver ces terres pour contribuer à la production de sucre et aux revenus de l’industrie sucrière ?
La mission première du MSS est la commercialisation du sucre et la gestion de la redistribution des recettes entre producteurs. Nous avons plusieurs objectifs clés pour réussir cette mission. Tout d’abord, nous visons à maximiser les revenus des planteurs et des usiniers en prenant des décisions stratégiques qui tiennent compte des marchés et des types de sucre les plus rentables. De plus, nous cherchons à développer de nouveaux marchés niche à plus forte valeur ajoutée. Nous nous engageons également à réagir de manière proactive et dynamique aux évolutions des conditions du marché. Enfin, nous avons pour ambition de valoriser davantage les caractéristiques distinctives des sucres mauriciens en mettant en avant des labels de qualité tels que Pure Canne, Fairtrade, Bonsucro, origine Maurice… Le MSS travaille aussi en étroite collaboration avec les institutions de l’État et la communauté des producteurs pour la préservation des terres sous culture et la remise en culture de terres abandonnées.
En plus du sucre, la bagasse et la mélasse semblent également jouer un rôle dans les revenus des planteurs. Pouvez-vous nous parler de l’importance de ces sous-produits dans l’économie sucrière et comment ils sont commercialisés ?
Valoriser les sous-produits est primordial pour la filière sucrière car cela permet de complètement déconnecter une partie du revenu des producteurs du cours mondial ou européen du sucre, qui reste une commodité quand on parle de sucre blanc raffiné ou de sucre roux de base… Et qui dit commodité dit forte volatilité. La bagasse est valorisée en étant utilisée pour la production d’électricité alors que la mélasse est principalement distillée localement pour produire de l’alcool. Il faut aussi faire ressortir que la bagasse est essentielle à la production d’énergie verte dans le pays; elle est la seule ressource majeure à ce jour qui peut encore être maximisée pour une production base load.
Comment le MSS prévoit-il de maintenir la rentabilité et la compétitivité de l’industrie sucrière mauricienne à l’heure où les prix internationaux du sucre sont en hausse et où la demande mondiale évolue ?
Nous sommes bien conscients qu’il ne suffit pas de se reposer sur ses lauriers, mais que nous devons profiter des bonnes tendances actuelles pour continuer à asseoir nos bases tout en se préparant. Cela passe par plusieurs choses. Nous devons continuer à développer de nouveaux marchés, comme cela s’est fait récemment avec la Chine et l’Inde. Nous souhaitons nous rapprocher davantage des consommateurs pour mieux capter les tendances, les besoins et être capables de réagir rapidement. Il faut davantage valoriser l’appellation «origine Maurice» et la traçabilité de nos sucres afin de se différencier de la concurrence. Enfin, il est essentiel de continuer à optimiser les opérations de logistique et de fret pour augmenter le revenu net des producteurs.
Avec la tendance à la hausse des prix du sucre sur les marchés internationaux, comment le MSS compte-t-il préparer l’industrie sucrière à l’éventualité d’une réduction future du marché mondial du sucre ? Quelles stratégies sont mises en place pour diversifier les revenus de l’industrie au-delà du sucre traditionnel ?
Une réduction du marché mondial du sucre ne devrait pas être à l’ordre du jour pour la récolte 2023. Toutefois, nous envisageons déjà divers scenarii, raison pour laquelle nous travaillons depuis longtemps sur la valorisation des sous-produits et la production de différents types de sucres. Au final, le maître mot est la flexibilité : nous devons pouvoir immédiatement répondre à de nouvelles tendances de marché en termes de mix produit.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre vision en tant que nouveau président du MSS pour l’avenir du secteur sucrier à Maurice et de ses relations internationales ? Quels sont les défis et les opportunités qui se profilent à l’horizon ?
En tant que nouveau président du MSS, je compte bien sûr continuer le bon travail de mes prédécesseurs en termes de consolidation de la marque «origine Maurice», de la qualité de nos sucres ainsi que le développement de nouvelles niches et de nouveaux marchés, et l’optimisation de la logistique.
Mais en effet, les défis ne manquent pas. Les plus importants sont, d’une part, le manque de main-d’œuvre accru pour le petit planteur, et d’autre part, la nécessité de stabiliser les surfaces sous culture de canne, d’augmenter les rendements agricoles, et d’accélérer le processus de mécanisation pour consolider et pérenniser les opérations agricoles.
Enfin, à moyen terme, pourquoi ne pas envisager de faire du sucre mauricien un sucre reconnu pour sa grande qualité mais aussi son faible bilan carbone, et donc faire de Maurice une appellation d’origine durable via un label comme Bonsucro ou autre !
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