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Chagos
Vers une rediscussion de certains points de l’accord
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Chagos
Vers une rediscussion de certains points de l’accord
Le gouvernement mauricien, dirigé par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, se réunit aujourd’hui pour examiner l’avenir d’un accord historique signé par l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth avec le Royaume-Uni sur les îles Chagos. Cet accord prévoit le transfert de la souveraineté britannique à Maurice tout en garantissant l’utilisation de la base militaire stratégique de Diego Garcia par le Royaume-Uni et les États-Unis pour au moins 99 ans.
Dans une déclaration à l’express cette semaine, Navin Ramgoolam a exprimé des réserves sur cet accord. Il a ainsi demandé davantage de temps pour en analyser les termes avec son équipe légale, ainsi qu’avec son Premier ministre adjoint, Paul Bérenger. Lors de la campagne électorale, il avait qualifié l’accord de «haute trahison», critiquant notamment la possibilité qu’il prolonge indéfiniment l’influence britannique sur Diego Garcia. Cette partie-clé concernant le bail sur Diego Garcia pourrait être revue à la lumière des nouvelles discussions entre le nouveau gouvernement mauricien et Harriet Mathews, Director General, Africa, the Americas and Overseas Territories at the Foreign, Commonwealth & Development Office, font ressortir des sources proches du dossier.
Sur la scène internationale, l’accord fait face à de vives critiques, notamment de l’administration Trump, qui s’apprête à prendre ses fonctions en janvier. Marco Rubio, futur secrétaire d’État américain, a décrit l’accord comme un «risque majeur pour la sécurité», évoquant la possibilité que la Chine utilise les îles pour étendre son influence dans l’océan Indien. À Londres, l’opposition dirigée par Kemi Badenoch accuse le gouvernement de Sir Keir Starmer de ne pas défendre les intérêts britanniques, tandis que des groupes représentant les Chagossiens, déplacés de force dans les années 1960, dénoncent leur exclusion des négociations.
Le Premier ministre britannique, Sir Keir Starmer, et son ministre des Affaires étrangères, David Lammy, ont affirmé que la restitution des îles Chagos était nécessaire pour répondre à une décision de la Cour internationale de justice (CIJ), qui avait jugé illégale la présence britannique sur l’archipel. Lammy a défendu l’accord, le qualifiant de «bon compromis» garantissant l’accès à Diego Garcia pour les 99 prochaines années, tout en refusant de dévoiler les détails ou les coûts de l’entente.
La réunion du cabinet mauricien intervient alors que des tensions diplomatiques s’intensifient. Jonathan Powell, conseiller à la sécurité nationale de Starmer, est actuellement aux États-Unis pour tenter de convaincre l’administration Trump de ne pas bloquer l’accord. Des sources à Washington indiquent que l’équipe de transition de Trump a demandé un avis juridique au Pentagone, tandis que Nigel Farage, figure du Brexit, aurait influencé Trump en soulignant les risques pour la souveraineté américaine.
Mercredi soir, Lisa Nandy, ministre britannique de la Culture, a tenté de minimiser les inquiétudes, déclarant qu’elle était convaincue que «l’administration Trump comprendrait que cet accord est dans notre intérêt mutuel». Cependant, l’opposition conservatrice britannique, par la voix de James Cartlidge, a averti que si l’accord échoue, ce serait une «humiliation totale» pour Starmer et Lammy, dont le gouvernement subit déjà des pressions pour répondre aux critiques nationales et internationales.
La décision du gouvernement mauricien pourrait être un tournant dans cette affaire. En jeu : la ratification ou la renégociation d’un accord qui, malgré sa portée historique, divise l’opinion. Initialement perçu comme une victoire diplomatique pour les petits États, l’accord est désormais au coeur de débats politiques nationaux et internationaux.
Les îles Chagos, séparées de Maurice en 1965 lors de l’indépendance du pays, représentent un enjeu symbolique et stratégique majeur. Leur restitution à Maurice mettrait fin à l’un des derniers vestiges de l’empire colonial britannique, mais la base militaire de Diego Garcia, essentielle pour les États-Unis et leurs alliés, reste un point de tension. Pour Ramgoolam, dont le gouvernement vient de prendre ses fonctions, la gestion de ce dossier complexe sera cruciale pour établir sa crédibilité sur la scène internationale.
L’avenir de l’accord, prévu pour être finalisé d’ici l’été 2025, reste incertain. Mais une chose est claire : la réunion de vendredi déterminera si Maurice poursuit cet engagement controversé ou cherche à en renégocier les termes. Au-delà de Maurice, cette affaire illustre les défis auxquels font face les petits États dans leurs relations avec les grandes puissances. En invoquant le droit international et en mobilisant des soutiens diplomatiques, Maurice a obtenu la restitution des Chagos, une étape saluée comme un succès postcolonial.
Cependant, l’influence persistante des grandes puissances, comme le montrent les objections américaines et la pression britannique, souligne les limites du multilatéralisme dans un système encore largement dominé par la géopolitique. La décision du Cabinet mauricien sera scrutée de près, tant par les Chagossiens que par les acteurs internationaux, comme un test de la capacité des petits États à défendre leur souveraineté tout en naviguant dans des eaux diplomatiques complexes.
Un petit état défie une grande puissance
Les îles Chagos, historiquement des territoires dépendants de Maurice, faisaient autrefois partie de l’empire français avant de passer sous domination britannique en 1814. Diego Garcia, la plus grande île de l’archipel, a été louée aux États-Unis pour y établir une base militaire. En 1965, alors que Maurice accédait à l’indépendance, les îles Chagos ont été séparées de son territoire et maintenues sous contrôle britannique. Entre 1967 et 1973, en raison des travaux militaires sur Diego Garcia, les habitants autochtones des îles ont été déplacés de force vers Maurice et les Seychelles. Maurice a longtemps contesté le contrôle britannique sur les îles Chagos, mais ses efforts ont été systématiquement repoussés par le Royaume-Uni.
Une victoire juridique et diplomatique
Le différend a connu un tournant ces dernières années. Le 25 février 2019, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu un avis consultatif déclarant que l’occupation continue des îles Chagos par le Royaume-Uni était illégale. Par 13 voix contre 1, la CIJ a jugé que le Royaume-Uni devait mettre fin «le plus rapidement possible» à son administration de l’archipel. Bien que cet avis ne soit pas juridiquement contraignant, il a offert à Maurice une base morale et juridique solide pour poursuivre sa revendication.
Suite à cet avis, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution affirmant que les îles Chagos «font partie intégrante du territoire de Maurice» et exigeant que le Royaume-Uni «retire son administration coloniale… sans condition dans un délai de six mois».
Au total, 116 gouvernements ont soutenu la résolution, 55 se sont abstenus, et seulement cinq ont voté en faveur du Royaume-Uni. Cette résolution, bien qu’elle ne soit pas contraignante, a encore isolé le Royaume-Uni sur la scène internationale, augmentant la pression pour qu’il respecte les normes internationales.
Après deux années de négociations, le Royaume-Uni a accepté de restituer les îles Chagos à Maurice. Si l’accord permet à la base militaire américaine de continuer à fonctionner, il représente néanmoins une victoire historique pour Maurice.
Maurice a déplacé le différend de la sphère bilatérale au domaine du droit international, cherchant une validation juridique et mobilisant un soutien international pour contraindre le Royaume-Uni.
En invoquant les principes du droit international, notamment l’autodétermination et la décolonisation, Maurice a fait valoir que la séparation des îles Chagos était illégale et que le processus de décolonisation restait incomplet sans leur restitution.
Violation de la souveraineté mauricienne
De plus, la séparation des Chagos de Maurice représentait l’un des derniers vestiges de l’autorité coloniale britannique, en violation de la souveraineté mauricienne. Ces arguments ont trouvé un écho fort auprès de nombreux États, en particulier parmi les anciennes colonies.
Maurice a également bénéficié du soutien d’organisations internationales, notamment l’ONU et la CIJ, qui ont soutenu sa revendication, considérant son combat comme symbolique de la lutte postcoloniale pour l’autodétermination et la souveraineté.
En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, le Royaume-Uni devait peser le coût diplomatique et réputationnel de l’ignorance des normes internationales.
La restitution des îles Chagos à Maurice n’est pas seulement une victoire pour une petite nation, mais représente un changement plus large dans les relations internationales.
Alors que les grandes puissances peuvent encore prendre des mesures unilatérales, elles doivent désormais composer avec les contraintes du droit international et de la diplomatie mondiale, conscientes que le non-respect entraîne des coûts diplomatiques et réputationnels.
Cependant, les conflits actuels, comme la guerre entre la Russie et l’Ukraine ou le conflit israélo-palestinien, montrent que cette évolution reste incomplète et inégale. L’avenir de la société internationale pourrait dépendre du renforcement des cadres juridiques et des mécanismes d’application pour combler l’écart entre les idéaux normatifs et les réalités pratiques, résume Wang Yuchen, chercheur à la S. Rajaratnam School of International Studies, Nanyang Technological University, Singapour.
Un tournant dans les relations internationales ?
En octobre, le Royaume-Uni a décidé de restituer les îles Chagos à Maurice, marquant une étape critique dans les relations internationales, en particulier pour les petits États cherchant à affirmer leur souveraineté face aux anciennes puissances coloniales. La résolution de ce différend de plusieurs décennies soulève des questions clés sur la capacité des petits États à utiliser le droit international, la diplomatie multilatérale et le soutien des organisations internationales pour défier des États plus puissants. Elle met également en lumière les dynamiques changeantes de la gouvernance mondiale et les possibilités de justice postcoloniale.
finalement restitué les îles Chagos à Maurice. Le 3 octobre 2024, les Premiers ministres du Royaume-Uni et de Maurice ont publié une déclaration commune, concluant un différend territorial qui durait depuis plusieurs décennies entre les deux nations.
Le gouvernement travailliste britannique a souligné que sans cet accord, l’exploitation sécurisée de Diego Garcia, la base militaire américaine située dans l’archipel des Chagos, serait menacée, avec des contestations de souveraineté et des défis juridiques devant diverses juridictions internationales.
La restitution des îles Chagos à Maurice a été considérée comme un triomphe diplomatique pour les petits États. En invoquant le droit international et en obtenant le soutien des organisations internationales, les petits États peuvent exercer une pression collective sur les grandes puissances pour limiter les politiques de puissance et freiner les actions unilatérales.
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