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Anse-La-Raie, 500 arbres menacés: la colère gronde

2 novembre 2018, 20:00

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Anse-La-Raie, 500 arbres menacés: la colère gronde

Une route sera construite pour rallier cette région à Cap-Malheureux avec une bretelle donnant directement accès à la plage d’Anse-La-Raie. Mais pour ce faire, il faudra couper des centaines d’arbres. Des habitants se mobilisent.

Nichée au nord-est de l’île, une plage que l’on connaît comme Anse-La-Raie a jusqu’ici gardé son cachet pittoresque. Mais depuis quelques jours, elle attise la curiosité voire l’inquiétude des passants, des habitués des lieux et même des parlementaires du gouvernement. Des centaines d’arbres ont été marqués d’un trait blanc depuis plusieurs jours. Les citoyens de la région en ont dénombré 500 au total. Selon des renseignements recueillis sur place, des arbres «centenaires» seront bientôt déracinés pour laisser place à du goudron.

Le gouvernement a prévu une route de contournement (bypass) devant rallier cette région à Cap-Malheureux, avec une bretelle donnant directement accès à la plage d’Anse-La-Raie. Une idée qui est loin de plaire aux habitants, aux travailleurs sociaux, à un ancien président du village mais aussi aux parlementaires de la majorité. Ce projet d’infrastructures entrepris par la Road Development Authority (RDA) laisse les députés Sangeet Fowdar et Sudesh Rughoobur sans voix. Ils affirment ne pas en être au courant.

«Je vais suivre cette situation de près avec mes colistiers et voir si ce projet va être réalisé au détriment de l’environnement et des habitants», laisse entendre Sangeet Fowdar. De son côté, Sudesh Rughoobur déclare que si ces arbres sont abattus, ce serait «une catastrophe écologique». «D’ailleurs, j’étais très en colère lorsqu’on a abattu les arbres à Riche-Terre pour construire la troisième voie. Là c’est inacceptable. Je suis agacé par ce qui est en train de se passer et s’il le faut, je soulèverai ce problème au Parlement», dit-il.

Le marquage des arbres à Anse-La-Raie fait penser à l’épisode Roland Armand, à Rose-Hill, où des arbres «centenaires» ont été sacrifiés au profit du projet Metro Express. Des citoyens et des travailleurs sociaux s’organisent déjà à rallier le maximum de gens pour contester l’abattage des arbres à Anse-La-Raie. Une manifestation est en gestation et c’est sur le réseau social Facebook que la résistance s’organise à travers une page fraîchement créée «Protect Anse-La-Raie» qui appelle à la sensibilisation de la population mauricienne.

«Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Ce n’est pas normal ce qui se passe ici. Ils couperont des arbres et puis quoi encore ? Déjà que le gouvernement est en train de goudronner tout. Maurice est bétonné, on a besoin de respirer et les arbres sont là pour ça !» soutient Catherine Giraud, habitante du Nord. Avec quelques habitants et conseillers du village, elle organise prochainement une manifestation sur la plage d’Anse-La-Raie.

Catherine Giraud, habitante.

Un peu plus haut, vers l’hôtel Tui Sensimar Lagoon Mauritius, les ouvriers de la société Transinvest Construction Ltd sont déjà à l’oeuvre. L’appel d’offres pour ce projet a été lancé en 2017 par la RDA. L’infrastructure routière devrait relier la route Vingt Pieds (B45) à son intersection avec la route Union (B121) et la route Mon-Choisy-Cap-Malheureux (B13) à Anse-La-Raie. Dans les Budget estimates 2018-2019, le gouvernement a prévu une enveloppe de Rs 200 millions avec un décaissement en trois tranches.

Huberlain Parsad, ancien président du village, nous explique que le projet de route de contournement était au début celui de l’ancien régime. «Ce projet devait être réalisé à St- François et non pas ici. Ce gouvernement a tout changé. Cette fois, nous avons appris qu’un rond-point sera construit à Anse-La-Raie et le bypass passera sur les terres appartenant à d’anciens sucriers pour donner un accès direct à la plage», déplore l’ancien président.

Huberlain Parsad, ancien président du village.

De plus, selon les conseillers du village, l’ancienne route côtière sera fermée après la construction de la nouvelle infrastructure. Ils se demandent ce que cela peut bien cacher et soupçonnent que des hôteliers y voient un intérêt, interdisant ainsi l’accès à une bonne partie de la plage au public. Sans compter que certains affirment que le ministre des Infrastructures publiques Nando Bodha, qui aurait des terres dans la région de St-François, tirerait des bénéfices de cette route en construction.

Nous avons approché Nando Bodha par le biais d’un courriel électronique. Son service de presse nous a assurés de la réception de la correspondance. «Le ministre ne possède aucun terrain à St-François. C’est ce qu’il a confirmé», indique une source de sa section de communication. Le Registrar indique, lui, que le ministre possède bien un terrain de 633m² à Calodyne, acheté en 1997. Quant à la RDA, nous sommes toujours en attente de réponses de sa part.

L’express a également sollicité le ministre de l’Environnement Étienne Sinatambou au sujet des arbres qui seront coupés. Si dans un premier temps, le ministre nous a demandé de nous adresser à son collègue Nando Bodha, il est, par la suite, revenu vers nous pour nous indiquer qu’une demande de permis Environmental Impact Assessment (EIA) a été formulée par la RDA pour ce projet.

«Il s’agit d’un réalignement du chemin à Anse-La-Raie. Nous avons imposé des conditions à la RDA. D’abord, la RDA doit s’assurer d’avoir le feu vert du conservateur des forêts. Ensuite, nous avons pour principe de demander que trois arbres soient replantés pour chaque arbre qui est coupé. L’autre condition imposée à la RDA, c’est que des arbres soient replantés tout au long de la route et que le landscaping doit se faire de concert avec les services forestiers. Nous avons aussi demandé que les plans soient soumis au ministère pour un suivi», affirme Étienne Sinatambou. Il précise que l’étude EIA est toujours en cours d’inspection mais que ces conditions ont déjà été formulées.

 

La plage change de nom

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="330" src="/sites/lexpress/files/images/ramjattun-.jpg" width="620" />
		<figcaption>Seenarain Ramjuttun, travailleur social, est catégorique:<br />
			les autorités doivent revoir cette décision.</figcaption>
	</figure>
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<p style="text-align: justify;">Un autre point suscite la colère des habitants: le <em>&laquo;changement&raquo; </em>de nom de la plage qu&rsquo;ils connaissent comme Anse-La-Raie pour Union-Ribet. La <em>Beach Authority</em> a en effet installé un panneau indiquant le nouveau nom. Anse-la-Raie fait-il désormais partie du passé ? En tout cas, les habitants veulent comprendre pourquoi leur plage a changé de nom. Qui a pris cette décision ? Seenarain Ramjuttun, travailleur social, est catégorique: les autorités doivent revoir cette décision. <em>&laquo;Ce n&rsquo;est que le début. Il y a tout un gros travail lié à ce changement de nom. Anse-La-Raie fait partie de l&rsquo;histoire de notre pays et cela ne peut pas disparaître ainsi. Union-Ribet est situé à 1,5 km d&rsquo;ici, donc je ne vois pas la connexion !&raquo;</em> lance-t-il. Il raconte que l&rsquo;endroit est encore imbibé de son riche passé, du temps où le gouverneur recevait ses invités dans sa résidence située au bord de la mer. Résidence qui est aujourd&rsquo;hui un autre patrimoine oublié et laissé à l&rsquo;abandon au profit de quelques usagers de drogue qui y ont trouvé un refuge. <em>&laquo;L&rsquo;endroit porte son nom du fait qu&rsquo;auparavant les raies étaient nombreuses à venir ici. Son nom ne peut pas juste disparaître sans raison&hellip;&raquo;</em> poursuit le travailleur social. Nous avons sollicité Dhuneeroy Bissessur, directeur de la <em>Beach Authority</em>, pour une explication officielle sur le nom de cet endroit. Il nous explique que la décision vient du ministère du Logement et des terres. <em>&laquo;Nous avons eu le document officiel avec le nom Union-Ribet et cela a été décidé par le ministère et aussi gazetted. Nous avons seulement placé le panneau&raquo;,</em> justifie-t-il. De son côté, le ministre du Logement et des terres, Mahen Jhugroo, dit ne pas être au courant de cette situation mais qu&rsquo;il compte s&rsquo;en enquérir.</p>