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Marine, victime de Michel de Ravel de l’Argentière: «je n’ai que faire de ses excuses !»
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Marine, victime de Michel de Ravel de l’Argentière: «je n’ai que faire de ses excuses !»
C’est avec déception que Marine, une des victimes de Michel de Ravel de l’Argentière, a appris qu’il échappait à la prison. Même une peine de six mois aurait suffi, confie-t-elle…
Comment accepte-t-on de voir son agresseur libre comme l’air ? Alors qu’elle a subi ses assauts quand elle n’avait que neuf ans… Marine, désormais 28 ans, est la première victime de Michel de Ravel de l’Argentière à témoigner à visage découvert.
«On pensait qu’il allait payer sa dette envers la société, mais non. On a plutôt ressenti, ce jour-là (NdlR, le jour de l’énoncé de la sentence), une grosse colère.» Car, dit Marine, «j’ai attendu pendant sept ans que justice soit faite».
L’ancien homme d’affaires, qui était poursuivi pour abus sexuels sur huit mineures, a échappé à la prison, mercredi, écopant à la place de deux cautions de bonne conduite pour une période de trois ans. Au cas contraire, il devra purger trois mois de prison. Un jugement qui, pour Marine n’est pas à la hauteur des actes qu’il a commis.
C’est après ses 20 ans qu’elle l’a dénoncé. Pourquoi avoir attendu tout ce temps ? La femme entrepreneur raconte que c’était surtout parce qu’elles étaient plusieurs à avoir été les victimes de Michel de Ravel. «Nous n’avions pas eu de contact avec Michel de Ravel mais il avait appelé mes parents pour s’excuser. Il avait demandé pardon pour ses actes.» De ses excuses, elle n’en a que faire.
Marine ainsi que les sept autres victimes, âgées de 4 à 15 ans lors des faits, avaient bon espoir que Michel de Ravel de l’Argentière soit puni pour ce qu’il leur avait fait subir entre 1980 et 2004. Surtout lorsque, l’année dernière, la magistrate Niroshni Ramsoondar l’a reconnu coupable sous les 21 chefs d’accusation. «C’était le moment du soulagement parce que cela démontrait que l’agresseur est à sa place et les ex-victimes à leurs places. Chacun est reconnu devant la justice à sa juste place», explique la jeune femme. Les victimes voulaient toutes «vraiment une peine d’emprisonnement» pour leur agresseur. Qu’importe la durée. Même si cela n’avait été que de six mois, dit-elle, elle aurait été satisfaite.
En 2012, une fois les dénonciations faites, toute la procédure a été enclenchée. Accompagnées de leur watching brief, Me Yanilla Moonshiram, les victimes ont porté plainte au Central Criminal Investigation Department (CCID). Et cela a été un moment éprouvant, souligne Marine. Non seulement elle croisait Michel de Ravel de l’Argentière ou sa femme dans la localité où elle habite, mais elle a aussi dû le confronter en cour intermédiaire. «J’étais tétanisée au début de le voir en face de moi et je quittais la place où je me trouvais.» Le moment le plus intimidant pour elle a été quand elle a été appelée à la barre des témoins. «Cela a été très dur, mais je ne me suis pas laissé submerger par les émotions. Je devais me battre pour les autres victimes aussi.» Aujourd’hui, cette peur de se retrouver face à son agresseur s’est dissipée. «Maintenant, je ne sens plus rien.»
Qu’a-t-elle pensé du fait que Michel de Ravel de l’Argentière ait eu le soutien de son épouse en cour ? Marine ne cache pas sa surprise. «On ne sait pas ce qui se passe dans leur couple mais le plus décevant, c’est de voir le soutien de sa femme qui a une fille de notre âge.»
Puis, il y a la position de la cour. «On ne s’attendait pas qu’elle minimise les conséquences des actes de l’accusé», dira Marine. Pour elle, c’était aussi une occasion en or de passer un signal fort à la société.
«Se raccrocher à la vie et se battre»
Mais un regain d’espoir est toutefois possible. «Tout est entre ses mains», confie la jeune femme en évoquant le fait que le DPP a interjeté appel, hier, de la sentence infligée à Michel de Ravel, 58 ans.
Malgré ce revers avec la libération de Michel de Ravel, Marine confie aborder l’avenir, plus forte que jamais et rassérénée. Elle explique avoir parcouru le chemin de la guérison, notamment grâce au procès et un suivi psychologique, et qu’aujourd’hui, elle se sent bien dans sa peau.
«Je suis épanouie.» Et c’est le message qu’elle veut faire passer aux autres victimes : qu’importe les épreuves, qu’importe les déceptions, il ne faut pas se laisser aller au découragement mais plutôt se raccrocher à la vie et se battre.
Le DPP fait appel et cite deux raisons
Il demande à la Cour suprême de renverser la sentence de la cour intermédiaire. Hier, le Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Satyajit Boolell, a interjeté appel de la sentence dont a écopé Michel de Ravel de l’Argentière. L’appel a été déposé au greffe de la Cour suprême par Me Karen Parson, Senior State Attorney. Le DPP évoque deux raisons pour contester la sentence imposée par la magistrate. Il soutient que celle-ci était excessivement clémente et mauvaise en principe. Le second point mis en avant par Me Satyajit Boolell est que la magistrate se trouve dans l’erreur car elle n’a pu faire la distinction entre le fait que l’accusé ait plaidé coupable et non coupable.
Pourquoi Michel de Ravel a évité la prison
Pour décider de la sentence, la magistrate Niroshni Ramsoondar a pris en considération l’état de santé de l’accusé. Un médecin avait, en effet, déposé en cour intermédiaire et expliqué que Michel de Ravel est gravement malade. Ajoutant qu’un suivi médical constant est nécessaire dans son cas. Par ailleurs, la magistrate a pris note du fait qu’il a plaidé coupable sous 14 chefs d’accusation. Ainsi que le laps de temps entre les faits et le procès, soit 39 ans. Par ailleurs, Joseph Michel de Ravel de l’Argentière détient un casier judiciaire vierge. Des éléments qui ont amené la magistrate à lui infliger deux cautions de bonne conduite. «After taking into consideration Dr Boodhoo’s unrebutted testimony, the Court is satisfied that Accused’s illness is to be considered as a life-threatening ailment which would warrant the imposition of a lesser sentence as an act of mercy.»
Une autre victime : «ce jugement est une honte pour notre pays»
<p style="text-align: justify;">L’annonce de la sentence infligée à Michel de Ravel l’a révoltée. Et pour l’une de ses victimes, <em>«il n’y a pas de justice dans ce pays»</em>. Avec le jugement de la cour intermédiaire, cette jeune femme se demande si l’île Maurice est un pays qui prône l’impunité pour des pédophiles avérés. Elle s’est laissé aller sur la page <em>Facebook</em> de<em> Pedostop</em>. La cour intermédiaire a pris en considération la santé fragile de l’accusé pour lui éviter la prison. Or, lance la victime, qui était en bas âge au moment des faits, cette sentence a sûrement dû rendre malades les victimes qui ont souffert en silence pendant des années.<em> «Ne portons-nous pas toute notre vie le couperet de leurs actes vils, ne nous battonsnous pas pour vivre, survivre malgré tout, entre dépressions, développement de symptômes contre lesquels nous nous battons ? Et lui, va s’en sortir comme ça ?»</em> Pour la jeune femme, cette décision est un mauvais signal envoyé aux pédophiles. <em>«Je pleure, je pleure toute la souffrance de ces jeunes femmes, de ces enfants, de leur combat pour arriver à dénoncer, à se reconstruire, à survivre, car toute victime d’abus est une survivante, et aujourd’hui lire, entendre ce jugement est une honte pour notre pays et sa justice.»</em><br />
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Déclarations
Gavin Glover, avocat de Michel de Ravel de l’Argentière
«C’était à prévoir. À partir de là, la justice suit son cours», a-t-il déclaré, au sujet de l’appel du DPP.
Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition
«Le DPP a bien raison de faire appel. La sentence prononcée n’est pas appropriée aux actes commis. Les parents et les victimes ont totalement raison d’être déçus.»
Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for children
«Il faut que l’enfant victime d’abus soit encouragé à dénoncer dans les plus brefs délais. Mais dans le cas de de Ravel, les victimes n’avaient pas l’encadrement nécessaire. Par rapport à la décision du DPP, cela montre que Maurice est un État de droit.»
«Souffrant», Michel de Ravel «ne peut pas parler»
<p style="text-align: justify;">Nous nous sommes présentés au domicile de Michel de Ravel de l’Argentière, à Tamarin, hier matin. Son jardinier est venu à notre rencontre.<em> «Monsieur ne peut pas parler, il est souffrant»</em>, a-t-il déclaré. Pourtant, suivant l’énoncé de la sentence de la magistrate de la cour intermédiaire, c’est tout sourire que l’homme de 58 ans avait quitté le tribunal, malgré les insultes de ses victimes. L’épouse de Michel de Ravel a, elle, tout bonnement refusé de nous recevoir. </p>
<p style="text-align: justify;">C’est en 2012 que Michel de Ravel de l’Argentière a vu son statut d’homme d’affaires réputé prendre un sale coup. Dans un premier temps, cinq jeunes femmes, accompagnées de Me Yanilla Moonshiram, ont porté plainte contre lui au <em>Central Criminal Investigation Department.</em> Arrêté, il était passé aux aveux et avait affirmé qu’il était suivi par un psychologue pour vaincre son attirance pour les petites filles. Lors du procès, il avait même déclaré qu’il avait été victime d’abus lorsqu’il était enfant.</p>
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