«Non, rien de rien…» David Lee n’est pas en train de remixer la chanson culte d’Edith Piaf. Des regrets, cependant, le gérant de snack en a plein. La politique à Maurice, dit-il, est loin d’être aussi propre qu’un bol de mines après qu’un client affamé en a avalé le contenu.

Ils affluent justement, les affaires ont bon goût. Au menu également : les discussions autour des élections générales du 7 novembre. Mais David, lui, n’accepte pas qu’on le mène à la baguette. Il a 34 ans et pas question qu’il aille voter. Les critiques sur le fait qu’il doit accomplir son devoir civique, il les essuie d’un revers de la main, portant des traces de la sauce soja. «Tou séki vini, parey sa. Nou pa pou gagn nanyé nou. Zot bizin nou zis pou met lakrwa sa do…»

Désabusé, dépité, il affirme qu’il a mieux à faire que d’écouter «sa bannla kozé». Il ne faut pas prendre les Mauriciens pour des nouilles. «Bann politisien koumadir 6e boulet dan enn bol 5.» David n’est pas le seul à en avoir ras-le-bol.

Dans les rues de la capitale, en ce vendredi après-midi, il y a comme un air de «je-n’en-ai-rien-à-faire», restons politiquement corrects. Un refrain revient sans cesse – comme les promesses que répètent les politiciens sur les estrades. «Pa koné kisana pou al voté. Tou parey mem sa. Me pou seré san fwa-la», confient plusieurs passants.

Trottoirs, ruelles, sentiers grouillent de monde à travers cette circonscription, habituellement acquise à la cause mauve et rouge. Les lieux phares – dont Champ-de-Mars, Ward IV, la gare Victoria, en pleine mutation avec l’arrivée du Metro Express – sont chargés d’histoires passées, futures.

…Et présentes. La réalité frappe de plein fouet. SDF, «ti madam démann sarité» côtoient les cadres en tailleur, en costume- cravate. À Vallée-Pitot, Tranquebar, les commerces sont nombreux. Boutiques, tabagies, magasins, échoppes, c’est la foire au bazar.

Retour dans le centre-ville. Quelques allées de slips, de lunettes de soleil, plus tard, un marchand de jeans qui n’a pas l’intention de retourner sa veste. Nasser Oomar a son stand au marché sis à côté du jardin de la Compagnie. Le farceur, «clown» comme le surnomment ses amis, dit qu’il a 38 ans, on dit qu’il en a 60… «Mo ti pou bien kontan éna sa lazla. Gagn pansion plis ki Rs 13 000. Mo konsey bann zenn fi rod enn vié dimounn mem si li péna lédan pa fer nanyé…»

La pension de vieillesse, un des grands dossiers brûlants qui revient sur la table en cette période de campagne électorale. Avec l’économie, la drogue, le manque de loisirs pour les habitants du n°2. «Mwa, normal mo pou al voté. Bann dépité ek minis bizin pros ek bann mandan. Mé kouma éleksion fini, népli trouv zot bout lor térin», lâche l’homme à la tempe grisonnante et au sourire en coin. «Apré bizin aret sa politik ti kopin, ti kopinn, ti kouzinn la hein…»

Lui aussi est tout petit, mais par la taille seulement. Abdoolah, haut comme trois pommes, a de grandes ambitions. Son rêve, à lui, c’est de devenir mécanicien. La politique, c’est le cadet des soucis de cet ado de 18 ans. «Pa swiv mem mwa.» Deux cerises sur le gâteau : il se fend la poire.

«Mo pou démann mo papa…»

Engoncé dans sa chemise bien repassée, Abdoolah distribue des tracts à ceux qui veulent bien en attraper au vol. Helper dans un magasin, il est content de ne pas être au chômage. Ce jeune est-il bien conscient du fait qu’il s’agit d’un des enjeux majeurs des élections ? Qu’il y va de son avenir ? «Oui, mo pou al voté.» Se basera-t-il sur quelque programme électoral ? Pour qui, quoi, ira-t-il voter ? «Pa koné, mo pou démann mo papa…»
    
Le ciel s’assombrit, tout le monde est pressé de rentrer. En face, un musicien de rue espère attirer le regard, les oreilles, des passants généreux. Il ne souhaite pas parler de politique… Il connaît la chanson, le tonton.

Un peu plus loin, à quelques pas des Casernes centrales, une sentinelle fait les cent pas. Meenakshi, elle, vend des dizaines de rotis et de dholl-puris à la minute. Ces gestes sont précis, bien rodés. Ce que cette mère de famille trentenaire par contre ne maîtrise pas, ce sont les rouages de la politique. «Pa koné mem kisannla kandida isi mwa.»

Quid des enjeux pour les femmes, pour les entrepreneures, les mamans comme elle ? «Pouvi nou bien.» Oui, elle ira accomplir son devoir civique. Comment fera-t-elle son choix ? «Séki mo misié dir mwa samem…»

Au n°2, certains ont ainsi déjà arrêté leur choix quant aux 3…

Circonscription N°2

Nombre d’électeurs 24 238
Élus en 2014
1) Reza Uteem ( PTr-MMM )
2) Roubina Jadoo-Jaunbocus ( Alliance Lepep )
3) Osman Mahomed ( PTr-MMM )

Localités

• Tranquebar
• Vallée-Pitot
• Champ-de-Mars
• Ward IV 
• Bangladesh
• Gare Victoria
• Centre-Ville