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Circonscription n°14: bus snack, Malin et Chucky

28 octobre 2019, 14:28

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Circonscription n°14: bus snack, Malin et Chucky

Les roues avalent les kilomètres, les yeux dévorent les paysages. Plus loin, à Baie-du-Cap, au détour d’un virage, le one and only Bus Snack. Arrêt sur images. Il a viré du rouge au vert, sponsor oblige. Mala et sa belle-fille Varsha, elles, n’ont pas changé. Au menu : gentillesse, sourire et salmi serf, entre autres douceurs.

À l’intérieur du véhicule, les sièges d’autobus accueillent Les clients affamés. La radio diffuse des tubes à la sauce mauricienne. Ça fait des années qu’elles habitent ici, qu’elles y travaillent. «Finn éna boukou sanzman, avan tousala ti lamar. Aster simé inn koltaré, ena parking tou.» Mala est enthousiaste.

Varsha l’est moins. «Inn ena 1-2 ameliorasion. Ena stasion lapolis inn aranzé, simé bien zoli…» Dehors, en face de la mer turquoise, un gamin dans son T-shirt bleu. Il erre à droite, à gauche. «Péna boukou lwazir pou bann zenn isi…» À part le terrain de pétanque, pas d’autre terrain de jeu en vue.

Les politiciens non plus ne jouent pas le jeu, poursuit Varsha, grimaçant comme si elle venait d’avaler un bout de margoz cru. «Pa konn zot figir mem. Zot pa vinn get nou mem.» Ira-t-elle voter ? «Wi mé ar mwa zot dal pa pou kwi…»

Nous reprenons la route, accompagnés par le gazouillis des oiseaux. Soudain, une apparition, une hallucination, auraiton attrapé une insolation ? Il s’agit de M. Malin, dans la Malin-mobile, reconnaissable entre toutes.

Pavillons au vent, enceintes chantant à tue-tête, il sillonne la circonscription en compagnie d’un des candidats de son parti, Georges Laplanche, 64 ans. Plus sérieux qu’un croque-mort sur le point d’embaumer un cadavre, sa réserve contraste avec l’exubérance de Malin. «Mé nou pans parey. Nou anvi sanzman, samem mo donn mo kamarad enn koudmé», lance Georges, sans esquisser un sourire.

Des appels de phares, des salutations, des sourires, là où Malin passe, la tristesse trépasse. À Bel-Ombre, ses fans le somment de s’arrêter, le mini one-man-show peut commencer. Il enfile le masque de clown, sort l’index, son larynx-haut-parleur fait le reste. Parmi ses promesses faites aux élekter ek elektriste de l’île Moriste : la pension à Rs 25 500.

Difficile d’oublier le politicienhumoriste. Eux, habitent la cité des oubliés… À résidence Kennedy, un groupe d’hommes fait un brin de causette de fin d’après-midi. Assis à côté d’eux, Chucky leur tient compagnie. Ils ne souhaitent pas parler à visage découvert, ils ont de choses à dire.

Des questions à poser. Pourquoi Kennedy a-t-elle été catapultée au no14 alors qu’elle est à deux pas du 18 – Belle-Rose-Quatre-Bornes ? «Nou santi nou rézété mem isi, mantalité pa ankor sanzé… Pou gagn travay, ou bizin koz manti dir ou res Sodnac ou bien Quatre - Bornes

Parmi ces pères de famille, des cordonniers, des maçons, des peintres. «Mé enn travay fix pa gagné. Samem zenes isi tom dan ladrog…» Le fléau est toujours là, même pas tapi dans l’ombre. Il fait peur, «pli per ki fim Chucky».

Anil et Malini, eux, ne sont pas de cet avis. «Inn sanzé inpé, lapolis pe fer so travay», estime le tailleur qui a installé son atelier ici il y a 16 ans. «Mo garson inn fer atlétism, inn arivé, zordi li Lamérik. Zenes bizin fer plis spor pou pa tom dan ladrog», renchérit Malini, pressée de rentrer chez elle. Elle habite là depuis 46 ans.

«Dan Kennedy ena tou, sportif, footballer, santer, artis, péna zis drogé ein…» souligne la bande à Chucky. Il suffit de tourner la tête pour découvrir un drôle de cabanon, orné d’oriflammes orange.

À l’intérieur, des têtes curieuses. «Samem baz iguann sa. Zot donn Rs 50 000 nou vinn rouz, Rs 75 000 nou vinn blé, koumsa ki fer sa…» Don Panik est dans la place. Sa verve aussi. «Mo ti anvi fer létour di mond, mé lemond inn vinn mo létour…»

Un message à ses amis qui sont emprisonnés à Guantanamo plus tard,le chef de la «Baz Iguane» passe aux choses sérieuses, analyse les politiciens caméléons. «Lamérik inn atann, atann pou enn nasion éli, nou tia kontan kot nou ousi éna bann lot bann ki kontrol baz-la (…) Aret vot kominal…»

Ses mots coulent à flots, la prose se mélange au vers, à son amertume cachée sous sa gouaille, ça vient du coeur, de la tête. «Zot dir nou sité Far West, mé zot inn bliyé ki nou ti lil pé resanblé Bangladesh…» Wesh ?