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Prison de Melrose
Violences, crise à la Commission des droits humains et un directeur qui révolte en félicitant ses gardiens
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Prison de Melrose
Violences, crise à la Commission des droits humains et un directeur qui révolte en félicitant ses gardiens

Des détenus de la prison ont été victimes de violences physiques et psychologiques sans recevoir les soins médicaux nécessaires.
Depuis plusieurs jours, la prison de haute sécurité de Melrose est au cœur d’un scandale d’une gravité inédite, révélant des dysfonctionnements majeurs dans le système pénitentiaire mauricien. Des détenus ont été victimes de violences physiques et psychologiques, certains grièvement blessés, sans recevoir les soins médicaux nécessaires. Pendant ce temps, les autorités tardent à réagir, les enquêtes piétinent, et des institutions censées protéger les droits humains sont ellesmêmes minées par des rivalités et des postures douteuses.
Tout commence le jeudi 17 juillet lorsqu’une opération menée au sein de la prison de Melrose dégénère. Selon plusieurs sources internes, l’origine serait une humiliation subie par un gardien qui aurait décidé de riposter avec la complicité de collègues, ciblant un détenu, puis plusieurs autres. Ce détenu, selon des témoignages concordants, aurait été tabassé, souffrant de blessures graves à la tête, aux membres, avec fractures et hématomes. Les familles dénoncent également une privation de nourriture et d’eau depuis cette date, ce qui aggrave encore l’état des victimes.
Parmi les détenus les plus touchés figure un homme dans la trentaine dont l’état physique est alarmant : incapable de se tenir debout, non examiné par un médecin et jamais transféré à l’hôpital malgré l’aggravation de son état. Son avocat, Me Sanjeev Teeluckdharry, appelle à une enquête indépendante et rapide afin de déterminer si les violences proviennent des co-détenus, des agents pénitentiaires ou des unités appelées en renfort. Selon lui, ce retard dans la prise en charge des victimes laisse présager un risque d’intimidation et de dissimulation des faits.
Dev Jokhoo, le commissaire des prisons.
Un autre cas, celui de Ross, hospitalisé depuis plusieurs jours, est défendu par Me Pravesh Nuckcheddy. Ce dernier évoque un patient victime d’une «détresse psychologique croissante», laissé sans suivi médical adapté. Ce triste portrait illustre l’ampleur et la gravité de la crise sanitaire dans la prison.
Face à ces allégations, le directeur des prisons, Dev Jokhoo, adopte une posture hautaine et provocante. Il affirme avoir soumis un rapport au bureau du Premier ministre, refusant toute reddition de comptes à d’autres instances ou à la population. «Je suis satisfait de tout ce qui s’est passé et j’assume pleinement la responsabilité des actes de mes officiers.» Pire, il justifie les violences en évoquant les conditions de travail difficiles de ses gardiens : «Mes officiers travaillent dans des conditions bien plus dures que celles que vivent les détenus.»
Il est fondamental de rappeler que tous les détenus, quelles que soient leurs infractions, ont droit à un traitement digne et au respect de leurs droits fondamentaux. Pourtant, cette exigence semble être balayée par la posture inflexible du directeur des prisons qui non seulement assume sans réserve les violences commises par ses agents, mais les justifie presque. Cette contradiction met en lumière un système où la dignité humaine est sacrifiée sur l’autel de la discipline carcérale, au mépris des lois nationales et internationales.
Par ailleurs, la police, saisie de nombreuses plaintes dans plusieurs régions, semble piétiner. Les avocats demandent des mesures urgentes : examens médicaux indépendants, auditions protégées et saisie des enregistrements vidéo, mais les avancées sont minces. Ce silence alimente les soupçons d’une possible collusion entre forces de l’ordre et administration pénitentiaire, hypothéquant la confiance dans les institutions.
Visite impromptue
La situation aurait pu être prise en main rapidement par la National Human Rights Commission (NHRC). Pourtant, un incident a jeté une ombre supplémentaire sur cette institution : la visite impromptue de Touria Prayag, membre de la commission, à la prison samedi sans autorisation ni concertation. Ce geste, largement médiatisé sur les réseaux sociaux, a provoqué un malaise profond au sein de la NHRC. Des membres, sous couvert d’anonymat, dénoncent une initiative «égoïste, non coordonnée, dangereuse», qui met en péril la crédibilité et le sérieux de la commission. Selon eux, Touria Prayag agit pour son propre agenda politique et personnel, fragilisant ainsi la mission de l’institution à un moment crucial.
Cette situation met en lumière des tensions internes qui affaiblissent la capacité de la NHRC à remplir son rôle de garde-fou des droits fondamentaux dans un pays où ces droits sont parfois fragiles.
Au-delà de cet épisode, cette affaire met au jour des problèmes structurels persistants. Le système carcéral mauricien est confronté à la surpopulation, un manque de moyens, des conditions de travail éprouvantes pour le personnel et des carences dans la prise en charge médicale des détenus.
Ces lacunes ne peuvent plus être ignorées. La société, par l’intermédiaire des médias et des organisations civiles, exige une remise à plat complète du fonctionnement des prisons. Une réforme urgente est nécessaire pour garantir la dignité et la sécurité des détenus, mais aussi la sécurité et la formation des personnels. Les victimes de cette affaire ne sont pas que des détenus: ce sont aussi leurs familles, souvent démunies et exposées à un double traumatisme. Dans les postes de police, des parents, conjoints et enfants déposent plainte, cherchant des réponses, un peu de justice et surtout, des garanties pour la sécurité de leurs proches.
Cette mobilisation sociale, soutenue par des avocats engagés, met la pression sur les autorités pour qu’elles agissent rapidement et efficacement. La confiance dans le système judiciaire et pénitentiaire est aujourd’hui mise à rude épreuve. À ce stade, les regards se tournent vers les autorités judiciaires et politiques. Les enquêtes en cours doivent être menées avec la plus grande rigueur, sous surveillance indépendante. Des mesures doivent être prises pour protéger les témoins et garantir que les auteurs des violences, quels qu’ils soient, soient sanctionnés.
Système opaque
Cette affaire pourrait bien être un tournant : soit l’État montre sa capacité à se réformer et à protéger les droits humains, soit il s’enfonce dans un système opaque et violent, nourrissant la défiance et le rejet. Melrose n’est pas qu’une prison. C’est un miroir. Un miroir qui reflète les failles d’un système, les silences coupables et la nécessité urgente d’un changement.
Communication officielle saisies et bagarre en amont
Avant même sa prise de parole publique, la communication officielle de l’administration pénitentiaire minimisait les événements survenus à Melrose. Aucun incident n’aurait été signalé, hormis la saisie progressive de 26 téléphones portables en trois jours : 11 le lundi, six le mardi, puis encore neuf le mercredi, accompagnés de chargeurs e t d’accessoires dissimulés. C’est cette série de découvertes qui aurait motivé une fouille approfondie, ordonnée par le commissaire lui-même. Elle a été menée par les officiers de la prison, avec le Groupement d’intervention de la police mauricienne, présent «uniquement pour éviter les débordements», selon la version officielle. Mais les tensions se sont rapidement accrues. Le même jour, un détenu s’est donné la mort, aux alentours de 11 heures, dans des circonstances encore floues. Fait troublant: lors de ses premières déclarations à la presse, Dev Jokhoo avait d’abord évoqué une simple bagarre entre détenus, version désormais contredite par l’ampleur des blessures constatées, les plaintes déposées et les témoignages d’avocats.
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