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Cinq ans après
Wakashio : Un désastre écologique toujours vivant
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Cinq ans après
Wakashio : Un désastre écologique toujours vivant

Le naufrage du «MV Wakashio» le 25 juillet 2020 avait par la suite provoqué le déversement de mille tonnes de fioul dans la partie sud-est du pays. Une catastrophe écologique dont les traces sont encore bien visibles cinq ans après. Selon les spécialistes interrogés, les effets de cette marée noire vont impacter notre environnement pendant encore plusieurs années. Mais tous soulignent la solidarité des Mauriciens et les leçons à tirer de cet événement qui a véritablement provoqué une prise de conscience écologique de l’ensemble de la population.
Sébastien Sauvage, directeur exécutif de l’ONG Eco-Sud : «Des résidus d’hydrocarbures sont toujours présents dans les mangroves»
Les mangroves ont été gravement affectées par les hydrocarbures déversés lors du naufrage du «Wakashio».
Cinq ans après la marée noire du Wakashio, Eco-Sud alerte : des résidus d’hydrocarbures sont toujours présents dans les mangroves du sud-est. Alors que le CEO de Mitsui OSK Lines a rencontré le Premier ministre le 8 juillet, l’ONG réclame la publication du rapport de la Commission d’enquête et des actions concrètes pour la réparation et la justice environnementale.
Que pensez-vous de la visite du CEO de Mitsui OSK Lines au bureau du Premier ministre ?
Nous avons appris la visite, le 8 juillet dernier, du CEO de Mitsui OSK Lines Ltd, Monsieur Hashimoto Takeshi, au bureau du Premier ministre. Eco-Sud se demande si cette rencontre s’inscrit dans une stratégie de réparation et de justice pour les dommages causés à notre pays.
Où en est le traitement de la plainte déposée par Eco-Sud ?
À ce jour, les responsables de cette catastrophe n’ont pris aucune mesure pour faciliter le traitement des plaintes légitimes, notamment celle déposée par Eco-Sud.
Le rapport de la Commission d’enquête n’a toujours pas été publié. Quelle est votre réaction ?
Le rapport de la Commission d’enquête sur le Wakashio reste toujours inaccessible au public… Cependant, nous avons pris bonne note, hier matin, du fait que le ministre de l’Économie bleue a réaffirmé l’engagement du gouvernement à publier ce rapport. Nous attendons cela de pied ferme.
Cinq ans après, quelle est la situation sur le terrain ?
Il est important de rappeler que les résidus d’hydrocarbures issus du Wakashio sont toujours présents dans les mangroves de la région même cinq ans après. Les communautés locales, tout comme les consommateurs, sont exposés à des risques sanitaires réels.
Quelles actions concrètes devraient encore être mises en place ?
Eco-Sud a , à plusieurs reprises, alerté de la nécessité de mettre en place des mesures de précaution, mais force est de constater qu’aucune action concrète n’a été entreprise pour informer la population ni pour lancer des études indépendantes sur les impacts sanitaires à long terme.
Quel chemin reste-t-il à parcourir ? À ce jour, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour que cette affaire soit enfin gérée dans la transparence et la justice environnementale.
Vikash Tatayah, directeur de la Conservation à la Mauritius Wildlife Foundation (MWF)
«Les oiseaux ont diminué sur l’Île-aux-Aigrettes»
Cinq ans après le naufrage du «Wakashio», quels sont encore les impacts observés sur la faune et la flore des zones touchées ?
Au niveau de la flore, on avait fait des élagages aux abords de l’Île-aux-Aigrettes au moment du Wakashio. On a constaté que la reprise est lente. Les oiseaux ont diminué sur l’île, mais ce n’est pas uniquement dû au naufrage. Il y avait déjà un problème avec les corbeaux avant même le Wakashio. En ce qui concerne les reptiles situés sur l’Île-aux-Vacoas, l’Île-de-la-Passe et l’Île-aux-Mariannes, des recherches ont démontré qu’ils ont perdu une certaine diversité génétique. Les Lesser Night Geckos envoyés au Zoo de Jersey pour les protéger au moment du Wakashio ont été retournés avec succès sur ces îles. On fera aussi une recherche sur les criquets de l’Île-aux-Aigrettes l’année prochaine pour savoir si leur population a baissé ou non.
Est-ce que des espèces endémiques ou menacées ont été affectées directement ou indirectement par la marée noire ?
Directement non, mais indirectement c’est sûr. Par exemple, les geckos de nuit.
Existe-t-il un suivi scientifique régulier dans les zones touchées , p a r exemple dans la région de Pointed’Esny ou du parc marin de Blue-Bay ?
Il faut savoir qu’il y a plusieurs institutions qui font le suivi dans les zones touchées. Ils étudient la santé des coraux, des mangroves, des poissons, etc. Au MWF, on étudie l’aspect terrestre de l’Île-aux-Aigrettes et les îles du sud-est. Il y a donc différents organismes qui étudient différentes choses, qui font partie du plan du ministère de l’Environnement, l’Integrated Environmental Monitoring Plan (IEMP) qui a été mis en place pour faire une évaluation des impacts de la marée noire.
Vassen Kauppaymuthoo Ingénieur en environnement et océanographe
«On voit encore de petites nappes de pétrole qui remontent à la surface»
Cinq ans après le naufrage du «Wakashio», quel est votre constat en tant qu’océanographe sur l’état du lagon et des écosystèmes touchés ? Je pense que le Wakashio reste encore un traumatisme dans la mémoire des Mauriciens. Il faut savoir que le littoral a été affecté de différentes façons. Le lagon lui-même est très clair et les coraux sont relativement stables, au vu de la situation. Des campagnes de nettoyage ont été menées, mais dans certaines zones de mangroves, ou encore des plages situées au nord-ouest du site, si on creuse quelques centimètres sous le sable ou qu’on soulève des rochers, on voit encore de petites nappes de pétrole qui remontent à la surface.
** Selon vous, certaines zones restent-elles encore contaminées ou fragilisées aujourd’hui ?**
Oui. Ce sont des zones très difficiles à traiter, notamment dans les mangroves où les sédiments sont très fins.
Maurice dispose-t-il aujourd’hui d’un plan d’urgence efficace pour faire face à une nouvelle marée noire ?
Le naufrage du Wakashio nous a prouvé, à l’époque, que nous n’étions pas prêts à faire face à une telle situation. Depuis, le National Oil Spill Contingency Plan a été revu et mis à jour. La coordination régionale doit se développer davantage et il faut avoir une rapidité d’intervention à l’avenir pour faire face à ce type de situation.
En dehors de l’affaire «Wakashio», quels sont les plus grands dangers qui pèsent sur nos lagons et zones côtières ?
Maurice est situé dans une zone très fréquentée par les bateaux qui font la liaison entre la Chine et l’Afrique. Ces navires transportent aussi des produits chimiques ou du polystyrène, des produits qui sont tout autant nocifs pour nos mers que le pétrole. Et puis, il y a la pollution plastique, la pollution à l’intérieur de nos terres par les eaux usées, les pesticides et les herbicides, et tous les déchets qu’on jette dans les rivières qui se retrouvent plus tard sur les côtes et dans la mer. Il ne faut pas non plus oublier le changement climatique qui affecte nos coraux. Aujourd’hui, tous nos écosystèmes sont en danger et il faut s’en occuper de façon sérieuse.
Manoj Vaghjee président de FORENA (Fondation Ressources et Nature)
«Mo pa krwar ki li pou revinn kouma avan…»
Cinq ans après le naufrage du «Wakashio», quel est le bilan écologique que vous dressez aujourd’hui ?
Il faut voir le problème sur plusieurs points, notamment au niveau humain aussi. Mais sur le plan écologique, notre écosystème marin a été très affecté. Il reste des séquelles et en cinq ans il est difficile de refaire un écosystème, ça va prendre encore plusieurs années.
Quels écosystèmes côtiers ou marins souffrent encore des effets de cette marée noire ?
Selon moi, il est difficile de dresser un bilan très clair sur cinq ans. Heureusement, la nature a une capacité de résilience assez forte. Mais l’effet va durer encore pendant plusieurs années et mo pa krwar ki li pou revinn kouma avan…
Quelles ont été les principales actions entreprises par Forena dans les mois qui ont suivi le naufrage ?
Forena a participé de façon très directe et concrète dans plusieurs initiatives immédiatement après la catastrophe. Nous avons réalisé un rapport sur le bilan social et économique de la catastrophe pour la National Social Inclusion Foundation afin d’aider les habitants de la région. Nous avons aussi animé des formations à l’intention des pêcheurs, notamment pour les diriger vers d’autres professions, car ils n’ont pas pu aller pêcher pendant plusieurs mois.
Est-ce que le naufrage du «Wakashio» a marqué un tournant dans la prise de conscience écologique à Maurice ?
Certainement. Non seulement une prise de conscience, mais cet événement a aussi démontré que les Mauriciens ont cette capacité de se regrouper de manière solidaire, de travailler sans aucun chef qui donne des ordres. Mais je peux aussi dire que ça a été un choc profond de réaliser qu’un événement pareil peut aussi toucher nos côtes. Eski zordi nou finn tir bann leson ki bizin de sa katastrof-la ?
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