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Waste to Wealth : le levier vert du Budget pour une économie circulaire
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Waste to Wealth : le levier vert du Budget pour une économie circulaire

Grégory Martin ,Kevin Ramkaloan et Cédric Descombes
Le Budget 2025-2026 place la valorisation des déchets au cœur de la transition écologique de Maurice. Le Waste to Wealth Investment Scheme, pilier majeur de cette stratégie, vise à transformer les déchets en ressources durables tout en attirant des investissements conséquents. Si les ambitions sont élevées, les acteurs du secteur appellent à un accompagnement structuré, une réglementation claire, et une collaboration renforcée pour relever les défis de cette économie circulaire encore naissante.
Cédric Descombes : «Tout reste à définir»
Pour Cédric Descombes, directeur général de la Plankton Recycling Co-operative Society Ltd, «tout reste à définir» concernant ce nouveau pilier, même s’il salue le fait que le gouvernement accorde une grande importance à l’économie circulaire. «Il faudra accorder nos violons et être plus réguliers, rapprochés et constructifs dans notre réflexion, car il existe de grands écarts», dit-il, à propos de la concrétisation des projets. Malgré les réunions, il déplore qu’il n’y ait que des paroles. «Ce n’est pas impactant», souligne-t-il. Le directeur général regrette le décalage entre la réalité du terrain et les discours. «Cela crée des frustrations et toutes sortes d’incohérences entre ce qui est dit et ce qui est fait», pointe-t-il. Ne voulant pas verser dans la provocation, il préfère inciter à une remise en question de nos modes de consommation, de production, de transformation et de gestion des produits transformés.
Il avance que sa priorité, depuis le début de son activité, a toujours été d’atteindre un certain volume. Concernant l’idée de faire de l’art à partir des déchets, il reconnaît que cela relève davantage de la symbolique, mais cela va à l’encontre de sa démarche, axée sur le volume. «Il y a 540 000 tonnes de déchets à Mare Chicose chaque année, et je ne sais pas si l’on peut vraiment faire de l’art avec cela», confie-t-il. Pour sensibiliser et impliquer davantage la population mauricienne dans ces démarches de valorisation des déchets, le rôle, dit-il, revient au secteur public, quoique lui-même soit aussi grandement impliqué, à son niveau, dans cette démarche.
Kevin Ramkaloan : «Le Waste to Wealth Investment Scheme est une très bonne politique»
Le Waste to Wealth Investment Scheme, selon le CEO de Business Mauritius, «est une très bonne politique», étant donné que l’idée de l’économie circulaire est extrêmement importante dans l’analyse du triple bottom line, qui prend en compte les profits, les personnes et la planète. «L’économie circulaire répond à tout cela», indique-t-il, car ce qui était considéré comme des déchets auparavant peut être trié, recyclé et upcyclé. «Ce qui fait que nous pouvons créer les bases pour un nouveau secteur», fait-il ressortir, tout en mentionnant que, de nos jours, il existe déjà des entrepreneurs engagés dans cette voie et des entreprises qui ont bouclé la boucle, donc qui ne génèrent pas de déchets. «C’est quelque chose qu’il faut faire de façon systématique pour réduire les déchets et devenir plus efficace», prône-t-il.
Grégory Martin : «L’économie circulaire peut être un nouveau pilier pour notre pays»
Pour Grégory Martin, directeur de Mautopia, une agence de transition écologique, le pilier annoncé dans le Budget vise à renforcer davantage l’économie circulaire. «Maurice s’est engagée dans l’économie circulaire de façon significative», dit-il, avant d’ajouter que «l’économie circulaire peut être un nouveau pilier pour notre pays». Pour y parvenir, il estime qu’il faut mettre en place des mécanismes d’attraction d’investissements, mais aussi des dispositifs permettant de détourner les déchets de l’enfouissement. «Si des recycleurs émergent et disposent des moyens nécessaires pour transformer les déchets en ressources, il faut absolument cesser d’enfouir des matières stratégiques et s’assurer qu’elles soient acheminées vers nos recycleurs afin qu’ils puissent les revaloriser en de nouvelles matières premières», soutient-il. Même si aucune grande annonce n’a été faite à ce stade sur ce nouveau pôle, Grégory Martin affirme que la stratégie est claire qui est de détourner 70 % des déchets de l’enfouissement d’ici 2030 à 2033. Un plan de tri à la source, ajoute-t-il, est déjà en cours de développement.
Les sujets liés à l’économie circulaire, ajoute-t-il, existent déjà, et ce Budget vient les concrétiser. Mais selon lui, il est désormais essentiel que les recycleurs disposent non seulement de matière première, mais aussi d’un soutien pour leurs investissements afin qu’ils puissent acquérir les outils nécessaires à la production.
À la question des projets de valorisation des déchets les plus prometteurs pour Maurice (par exemple, compostage, production d’énergie, art à partir de déchets), Grégory Martin déplore que 540 000 tonnes de déchets soient envoyées à l’enfouissement. Il cite en exemple le fait que l’île dispose du plus grand recycleur de carton de l’océan Indien, capable de traiter jusqu’à 20 000 tonnes de cartons. «Nous avons une capacité de recyclage de 5 000 tonnes de plastique, ce qui est assez conséquent», fait-il remarquer. Cependant, il souligne que les recycleurs ne parviennent à traiter que 2 500 tonnes par an. La raison, selon lui, est que le plastique reste très diffus sur l’île. «La mise en place d’une réglementation sur le tri à la source est capitale», note-t-il. Cette réglementation est déjà à l’étude au State Law Office.
Grégory Martin fait ressortir qu’il existe à Maurice des solutions techniques — qui ont déjà fait leurs preuves — permettant de détourner des milliers de tonnes de déchets du centre d’enfouissement pour les transformer en matières et en ressources. «Il est temps de préparer tout un cadre qui favorisera l’émergence des opérateurs économiques, leur accompagnement ainsi que l’attraction des investissements», insiste-t-il.
L’aboutissement des projets que l’on souhaite voir se concrétiser n’est pas sans défis. Mais pour le fondateur de Mautopia, Grégory Martin, il existe une vision, une stratégie, un plan d’action, ainsi qu’une «évolution» du ministère de l’Environnement, sans oublier le soutien des organisations internationales. «Lorsque nous observons l’écosystème, nous pouvons dire que nous avons beaucoup d’atouts de notre côté», relève-t-il. Toutefois, il met en garde contre certains risques liés notamment au phasage, où, par exemple, pour une raison ou une autre, la structuration du centre de tri et du compostage pourrait prendre du retard. «C’est le principal défi auquel nous pourrions être confrontés», prévient-il. Selon lui, l’économie circulaire a déjà attiré d’importants investissements – à titre d’exemple, Rs 650 millions ont été injectés dans le recyclage du carton. Si l’on cumule l’ensemble des investissements, le montant est conséquent, même s’il reste peu visible. La raison, selon lui, est que l’économie circulaire demeure encore relativement nouvelle à Maurice.
Alors qu’il accompagne plusieurs groupes dans leur transition en matière de gestion des déchets, Grégory Martin constate que ces derniers revoient progressivement leur stratégie. «Nous percevons une véritable volonté sur le territoire », observe-t-il. Selon lui, il est aujourd’hui essentiel de s’engager collectivement dans l’économie circulaire, tout en appelant à un dialogue constructif, en synergie avec une feuille de route claire.
Les objectifs à long terme qu’il espère voir atteints grâce au Waste to Wealth Investment Scheme incluent en particulier la mise en œuvre du tri à la source. «C’est capital», affirmet-il en précisant que cette mesure devrait être introduite par étapes, en commençant par une obligation imposée aux entreprises. Il plaide également pour un cadre de soutien renforcé à l’égard de tous les acteurs de l’économie circulaire, ainsi que pour la mise en place d’une redevance sur les déchets déversés.
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