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Académie Moris Orkestra

William Ross : partition difficile pour monter un orchestre de musiciens professionnels

21 avril 2025, 17:00

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William Ross : partition difficile pour monter un orchestre de musiciens professionnels

© Aurelio Prudence.

Monter un orchestre de musiciens professionnels. Projet au long cours de William Ross, fondateur et directeur artistique de l’association Moris Orkestra. Les bases de cette «vision 2033» ont été jetées en 2023. Une démarche qui s’est donné dix ans pour réussir. La troisième édition des formations et concerts de Moris Orkestra se tient actuellement.

«Nous n’avons pas beaucoup de sponsors», reconnaît d’emblée William Ross, clarinettiste mauricien qui vit et travaille en France. «Malgré les sollicitations multiples, nous n’avons pas le soutien de l’État.» Un dossier répondant à l’appel à projet du National Arts Fund l’an dernier est resté sans suite, déplore-t-il.

Avec un sourire ironique, le musicien trouve «amusant» que pour les demandes de subventions, «on n’a pas trop de réponses, mais pour les invitations aux concerts, là, cela ne tarde pas à répondre». Ajouté à cela, la situation actuelle de plusieurs corps paraétatiques qui, suite au changement de régime, n’ont pas encore de président ni de conseil d’administration, ce qui signifie que des décisions ne peuvent être prises. «Cela fait trois ans que je reviens à Maurice avec le projet Moris Orkestra. À chaque fois, je constate toute la difficulté qu’il y a à mettre en place un projet artistique ici.»

Certes, William Ross était prévenu. Mais il confie qu’il ne se doutait pas de l’ampleur des obstacles. Mettant les difficultés sur le compte d’un «manque de professionnalisme», il a donc débarqué avec des musiciens du Conservatoire supérieur de Paris, venus non seulement avec des partitions mais aussi des diplômes en pédagogie. «Les musiciens mauriciens qui font le voyage ont tous fait des études en France. Non seulement, ils enseignent dans des conservatoires mais ils se produisent dans différents festivals. Sauf que j’ai l’impression que ce n’est pas assez.» Qu’estce qui manque au projet ? Est-ce des connexions, notamment politiques ? «C’est un peu ce que je ressens», reconnaît William Ross.

Pourquoi un musicien qui a fondé une famille en France et qui y travaille vient-il régulièrement se confronter à des obstacles à Maurice ? «C’est parce que je suis Mauricien», affirme avec fierté William Ross. «Ma vie est en France. Je ne pourrais pas la gagner ici comme je la gagne là-bas. Mais j’ai quand même envie de faire quelque chose pour mon pays, pour les jeunes d’ici.» C’est en 2011, après des études secondaires au St Mary’s College que William Ross quitte Maurice pour poursuivre son cursus au Pont supérieur, pôle d’enseignement supérieur spectacle vivant Bretagne-Pays de la Loire, à Rennes. Il y rencontre Mathieu Michel, un autre musicien mauricien qui participe à l’académie Moris Orkestra. «Mon projet d’études était de me former en France pour monter un orchestre à Maurice.» Il y pensait déjà quand il était élève au conservatoire François-Mitterand, conforté par une mesure budgétaire des années 2010 : la création prochaine d’un orchestre symphonique. Le temps a passé ; cette annonce n’a pas eu l’effet escompté.

Pour la troisième édition de l’académie d’orchestre, William Ross ne joue pas que des notes tristes. Cette année, le groupe hôtelier Attitude est l’un des partenaires de la manifestation. «La première semaine nous logeons chez les religieuses au BPS Residential Care Home. À partir du 21 avril, nous passerons une semaine à l’hôtel.» Le directeur artistique souligne que pour ces musiciens, «on ne vient pas ici pour s’enrichir. Chacun paie son billet d’avion.»

L’association Moris Orkestra prend en charge le logement et la restauration. L’association touche 50 % des recettes des concerts au Caudan Arts Centre. «À titre indicatif, chacun a été remboursé à hauteur de 190 euros (NdlR, autour de Rs 9 750) pour des billets à 1 200 euros (NdlR, autour de Rs 62 000), autant dire rien», tient à souligner William Ross. La première année de l’opération, les musiciens sont repartis avec «90 euros (NdlR, environ Rs 4 600)». S’ils continuent à suivre Moris Orkestra c’est «parce qu’ils trouvent du sens dans ce projet. C’est extrêmement valorisant de contribuer à la mise en place d’un orchestre symphonique dans un pays qui n’a pas cette culture-là. D’habitude, on fait appel à de grands solistes internationaux. Je ne sais pas pour combien de temps encore ces musiciens bénévoles vont me suivre».

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Pourquoi un orchestre symphonique est-il important pour Maurice ?

William Ross défend ardemment le projet de Moris Orkestra. D’abord, «un orchestre, c’est fédérateur ; il apprend à vivre en communauté», explique le directeur artistique. Sur la soixantaine de musiciens participant à l’académie d’orchestre, il y a des élèves du conservatoire, des élèves du projet communautaire Vent d’un rêve, des musiciens du circuit hôtelier, des autodidactes ou encore des professeurs de musique.

Un orchestre, c’est aussi une «vitrine pour le pays sur le plan international. Cela montre que nous avons un certain niveau d’éducation musicale». D’autant plus que lors de prestations en France, Moris Orkestra fait découvrir le sega sinfonik à un public qui «n’a jamais entendu parler du séga. Certains pensent encore que Maurice est une colonie ou un département français».

Quels avantages financiers ? «Pour le moment, on n’y est pas du tout», concède William Ross. Faute de subventions et avec un parrainage qui n’a pas encore décollé, le projet n’est pas encore rentable, dit-il. La priorité pour l’heure c’est «de ne pas faire de déficit et d’assurer la continuité».

Cette année démarre l’académie de composition. Le compositeur Simon Barbanneau – qui fait les orchestrations de sega sinfonik – a accompagné Jean-René Bastien pour une composition. Il a aussi fait l’orchestration d’une pièce du compositeur mauricien du 19ᵉ siècle, Francis Thomé.

Autre volet de l’académie : le projet d’orchestre de musique de chambre en octobrenovembre 2025, «si les sponsors suivent». Pour payer l’hébergement, la restauration des musiciens, la location de la salle de concert. Mais aussi la prise en charge des frais de transport pour les participants.

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Le programme Bilygane et Sayaa annoncés

Le parrain de la troisième édition est Henri Roman, qui était bassoniste à l’Orchestre de chambre de Paris. Les concerts de Moris Orkestra où les apprenants jouent avec les pros, sont prévus le samedi 26 avril à 19 h 30 et le dimanche 27 avril à 15 heures au Caudan Arts Centre. En première partie, les œuvres du répertoire d’orchestre. En seconde partie, sega sinfonik et prestations d’artistes locaux invités, dont Bilygane et Kurty O’Clou. Réservations à l’adresse https://caudanartscentre.com./

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