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Écoutes téléphoniques de «Missie Moustass»

Y a-t-il eu une tentative d’influencer l’enquête sur les allégations de sniffing?

1 novembre 2024, 09:50

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Y a-t-il eu une tentative d’influencer l’enquête sur les allégations de sniffing?

Capture d’écran d’une vidéo mise en circulation hier et dont les voix sont attribuées à Mes Raouf Gulbul et Shamila Sonah-Ori, avocat et avouée du Premier ministre, Pravind Jugnauth.

Les dernières écoutes téléphoniques de Missie Moustass ont été diffusées hier au sujet du scandale sniffing et data capture à la landing station de Baie-du-Jacotet. Elles dévoilent un réseau allégué qui aurait cherché à influencer le statement de Girish Guddoy – ancien Chief Technical Officer (CTO) de Mauritius Telecom (MT) qui avait démissionné en juillet 2022 dans le sillage de la polémique pour finalement revenir à son emploi avec une promotion et un nouveau poste à peine quelques jours plus tard. Cette enquête a été initiée par le Central Criminal Investigation Department (CCID) après une plainte du Premier ministre suivant les allégations de Sherry Singh contre lui. Retour chronologique sur la manière dont son nom a été mentionné dans l’affaire sniffing.

Girish Guddoy est mêlé ouvertement à la controverse le 12 juillet, lorsque Pravind Jugnauth a répondu aux questions d’Ehsan Juman et de Patrick Assirvaden sur les allégations de sniffing au Parlement après la démission de Sherry Singh en tant que Chief Executive Officer (CEO) de MT. Le Premier ministre précise alors qu’en avril 2022, une équipe technique indienne composée de trois membres devait effectuer un survey à Baie-du-Jacotet. Pravind Jugnauth a demandé personnellement à Sherry Singh de s’assurer que les arrangements étaient faits, ce que ce dernier a finalement accepté. Le Premier ministre révèle aussi que le CTO, Girish Guddoy, a accompagné l’équipe technique indienne à Baie-du-Jacotet et dans un rapport qu’il a soumis le 2 juillet, soit le lendemain de la démission de Sherry Singh, il a confirmé qu’il n’y a pas eu d’appareil installé pendant le survey. Il précise aussi dans ce document rendu public au Parlement, qu’il n’était pas au courant que «any sniffing tool project whatsoever is going to be installed in the MT premise». Cependant, Sherry Singh insiste sur le fait que Girish Guddoy était présent lorsque le responsable de l’équipe technique indienne, dénommé «Misié Moustas», a expliqué le projet de sniffing, et maintient qu’il a subi des pressions par Pravind Jugnauth pour accorder l’accès à cet exercice.

Rapports contradictoires

Le 19 juillet, lors d’une Private Notice Question, Pravind Jugnauth fait à nouveau référence au rapport de Girish Guddoy et affirme qu’il n’y en a pas d’autres. Le mystère entourant ce rapport n’a fait que se dissiper lorsqu’un coup de théâtre a donné une nouvelle tournure à l’affaire : Girish Guddoy démissionne de son poste de CTO, invoquant ses principes et le bienêtre du pays pour justifier sa décision.

Nous arrivons alors au 22 juillet, lorsque Sherry Singh est sur le plateau de TéléPlus et révèle un autre rapport. Il est daté du 12 juillet et adressé à Michel Degland, alors Acting CEO. Le rapport, attribué à Girish Guddoy, contient des détails sur l’exercice qui a eu lieu à Baie-du-Jacotet en avril 2022, qui contredisent le document produit au Parlement par le Premier ministre. Le CTO confirme qu’il était au courant de la nature de l’exercice qui allait avoir lieu et parle clairement de la saisie des données : «The survey was carried using their tools whereby they connected to several internet links that we have on the SAFE cable and they did a two-minute data capture on each of those links. Once the data capture was done, the tools used were removed. I informed the then CEO accordingly immediately afterwards.»

Tout un «réseau»

Dans le sillage de l’enquête policière initiée après une plainte du Premier ministre suivant les allégations de Sherry Singh contre lui, Girish Guddoy est entendu par les enquêteurs du CCID à la fin du mois de juillet. Dans le même temps, la CCID entame des procédures auprès du nouveau conseil d’administration de MT pour mettre la main sur le rapport technique de Girish Guddoy. Et quelques jours seulement après son interrogatoire, alors que les ministres tentaient encore de justifier ce qui s’est passé, Girish Guddoy offre un deuxième plot twist inattendu. Le 2 août, il fait son retour à MT en tant que Chief Service Officer, un poste qui n’existait pas auparavant.

Si Girish Guddoy s’est toujours gardé de faire ses commentaires et des déclarations après toute la polémique, les révélations de Missie Moustass viennent de soulever de nouvelles questions. Dans une première bande sonore attr ibuée à Mᵉˢ Raouf Gulbul et Shamila Sonah-Ori, respectivement avocat et avouée de Pravind Jugnauth, un appel de Pravind Jugnauth est évoqué dans la conversation sur la déposition de Girish Guddoy. «Aranz sa, je suis en Cour (...) nous devons d’abord savoir ce qu’il dit, alors je viens le voir et je rédige tout ce qu’il a à dire. Il y a un statement, il doit s’en tenir à ce statement (...)».

La seconde partie de la bande sonore, avec des voix attribuées à l’ACP Rajaram, au DCP Heman Jangi et à Shamila Sonah-Ori, décrit Girish Guddoy comme étant «stubborn et terriblement exigeant» et que «l’Indien avait répondu par l’affirmative» à la question de savoir si le but du survey était de «size up» quoi que ce soit, ce qui signifiait une évaluation. Un statement qui est jugé problématique et qui ne devrait pas être mentionné par Girish Guddoy, selon les protagonistes. Deux autres bandes sonores impliquent des voix attribuées à Me Ravindra Chetty ainsi qu’à Mᵉ Avinash Sunassee, avocat de Girish Guddoy, et évoquent la nécessité d’obtenir une copie de la déclaration de ce dernier auprès de Kapil Reesaul, CEO de MT, afin d’en retirer une ligne concernant la capture de données et d’y mettre uniquement survey.

Questions dès lors : le statement de Girish Guddoy a-t-il été influencé par un réseau des autorités proches du pouvoir ? Son retour à MT quelques jours plus tard – avec une promotion et un nouveau poste créé spécialement pour lui – étaitil voulu, ou a-t-il été confronté à des pressions ? Des questions qui demeurent sans réponse...