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À quoi sert le président de la République ?
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À quoi sert le président de la République ?
Pradeep Roopun a prêté serment le 2 décembre 2019.
Le clash entre le commissaire de police (CP) et le Directeur des poursuites publiques (DPP), avec la guerre de communiqués, les déclarations de la police qui choquent, les procès contre des tiers pris au milieu, comme Bruneau Laurette, et d’autres procès qui opposent directement le CP et le DPP et qui iront probablement jusqu’au Privy Council avec, déjà, le recours aux services d’hommes de loi britanniques. Tout cela aura laissé le président de la République de marbre. D’autres conflits institutionnels et des abus venant de l’exécutif et du speaker ont donné lieu à des procès et des dépôts de plainte à la police. Là aussi, le président Roopun n’a pas réagi.
Lors de la conférence constitutionnelle organisée par Rezistans ek Alternativ le 30 mars, presque tous les intervenants ont dénoncé l’immobilisme et le silence du président Roopun, face notamment à la guerre entre le CP et le DPP. Kailash Trilochun, du Reform Party, a rappelé l’article 28 (1) (b) de notre Constitution: «The President shall uphold and defend the Constitution and ensure that (i) the institutions of democracy and the rule of law are protected; (ii) the fundamental rights of all are respected; and (iii) the unity of the diverse Mauritian nation is maintained and strengthened.» Avant de se demander pourquoi le président n’agit pas, tout en rappelant que ce dernier est un homme de loi (NdlR : avoué de profession).
On a proposé que ce poste soit occupé par quelqu’un élu au suffrage universel ou autrement, pour qu’il soit indépendant de l’exécutif et fasse ce qu’il est supposé faire : protéger la Constitution et nos institutions. Des pouvoirs ont même été ajoutés en 2003, a dit l’avocat Veda Baloomoody, pour que la présidence soit plus fonctionnelle. Or, comme plusieurs l’ont déjà argué, à l’instar de Kailash Prayag qui parlait du speaker, c’est l’homme qui fait l’institution, pas l’inverse.
Discours et inaugurations
Mais à quoi donc le président Roopun consacre-t-il son temps ? Sa dernière sortie était à l’occasion de la foire culturelle et culinaire organisée le 2 mars par l’Indian Ocean Rim Association. Le 28 février, il participait à une réunion sous l’égide du Community Welfare Task Force sur le thème : «Favoriser la résilience dans les communautés». En décembre 2023, il y a eu beaucoup de sorties de Pradeep Roopun : le 25, il adressait son message de Noël à la nation ; le 14, il s’envolait pour Madagascar pour on ne sait quoi. Le 12, il célébrait le 40e anniversaire de la Cargo Handling Corporation Ltd. Et le 12 octobre, à Belle-Mare, il faisait encore un discours, cette fois sur le bien-être des personnes âgées. Mais jamais, lors de ses allocutions, n’a-t-il prononcé ne serait-ce qu’une phrase pour exprimer au moins son inquiétude des abus de l’exécutif ou de la guerre CP-DPP.
Les nominations selon la Constitution
Lors de la conférence constitutionnelle du 30 mars, François Cosmas, d’En Avant Moris, a souligné qu’alors que c’est le président qui détient, selon la Constitution, certains pouvoirs, dans les faits, c’est le Premier ministre (PM) qui les exerce. Par exemple, sous l’article 38, les membres des commissions électorales sont désignés par le président, «acting after consultation with the Prime Minister, the Leader of the Opposition […]». Dans la pratique, on sait que c’est le PM qui les choisit. Et l’on sait comment se passent les consultations avec le leader de l’opposition en général. Un autre exemple est la désignation des membres de la Public Service Commission et de la Disciplined Forces Service Commission (articles 88 et 90). Pourtant, la Constitution rappelle que “The functions of the President under this section shall be exercised by him after consultation with the Prime Minister and the Leader of the Opposition”.
FCC Act, renvoi des élections, etc.
Pour les lois votées au Parlement, le résident peut donner son consentement (assent) mais il peut aussi le refuser en renvoyant le projet de loi au Parlement pour être revu (a. 46 (2)). Or, on n’a pas souvenir que Pradeep Roopun ait retourné un seul projet deloi ou d’amendement à l’Assemblée nationale. Si un Président le fait, lorsque le projet revient avec ou sans amendement, il doit accorder son consentement. Ou alors démissionner, comme Cassam Uteem et Angidi Chettiar l’avaient fait pour la loi antiterroriste en 2002. L’autre loi la plus controversée de l’histoire, la Financial Crimes Commission (FCC) Act, contestée en cour par le DPP, a reçu la bénédiction du président Roopun facilement et promptement. Idem pour la loi votée pour le renvoi des municipales, qui est passée comme une lettre à la poste.
Enfin, selon l’article 75 sur le pourvoi en grâce, il faut noter que l’alinéa (b) prévoit que le «President may request the Commission to reconsider any advice tendered by it and shall act in accordance with such advice as may be tendered by the Commission after such reconsideration». On ne sait pas si le Pradeep Roopun avait demandé à la Commission de pourvoi en grâce de reconsidérer sa décision pour la demande de Chandra Prakashsingh Dip. C’est pour tout cela que d’aucuns se demandent : «À quoi sert le président de la République ?»
Pradeep Roopun au Rwanda
Le président de la République s’est envolé pour le Rwanda, jeudi, 4 avril. Pradeep Roopun y est en mission officielle dans le cadre de la 30e commémoration du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994. Il sera de retour au pays mardi prochain. En son absence c’est le vice-président, Eddy Boissézon, qui assure l’intérim.
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