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Kronik-KC Ranzé
Additions et soustractions
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Kronik-KC Ranzé
Additions et soustractions
Il est, d’évidence, plus facile de se rencontrer pour préparer un meeting conjoint du 1ᵉʳ-Mai que de se préparer au mieux pour gouverner ensemble !
Le seul défi pour un meeting conjoint consiste à ajouter. De la foule, des pavillons, des affiches, des T-shirts, peut-être même du briyani et de la logistique. Plus il y en aura, mieux cela vaudra. Par contre, gagner une élection et gouverner ensemble sont beaucoup plus compliqués, étant essentiellement des exercices de compromis et donc de soustraction…
En effet, il n’y a, avant toute réforme constitutionnelle, que 60 tickets de disponibles pour les élections, si l’on écarte les 2 de Rodrigues. Dès lors, si c’est en ordre descendant de la force électorale perçue des partis que vous réservez d’abord 35 tickets pour le Parti travailliste, il n’en reste que… 25 à allouer. Si vous mettez alors de côté 17 tickets de plus pour le MMM (ce qui représente presque 50 % de la force de frappe estimée du Parti travailliste), il ne reste alors plus que 8 tickets de disponibles. C’est tout ce qui reste, forcément, dans cet exercice de soustraction jusqu’au plus petit et il est à noter qu’il ne reste alors plus rien de disponible pour fédérer l’opposition extraparlementaire, des fois que l’on souhaiterait l’avoir avec soi, plutôt qu’à côté, sur son flanc et en position de grappiller des voix d’opposition, peut-être jusqu’à perdre certains sièges… Enfin, remarquons que si les partis parlementaires souhaitant botter le gouvernement hors du pouvoir veulent fédérer les partis extraparlementaires, ils peuvent toujours le faire en cédant des tickets de leurs allocations de 35-17-8 , ce qui ne manquerait d’ailleurs pas de transferer les chamailleries vers… l’intérieur des partis. Restera aussi la question douloureuse de QUEL candidat envoyer OÙ !
Si la priorité des opposants du pouvoir actuel est de rassembler pour gagner, il faut constater que la toute première étape, c.-à-d. le seul partage des tickets, n’est toujours pas concrétisée et que cela est en train de prendre un sacré bout de temps ! Au point où l’on peut craindre que les prochaines étapes ne seront pas moins difficiles à accoucher, ce qui ouvre une opportunité inespérée au MSM d’accélérer, voire de précipiter l’échéance électorale de 2024, afin de profiter des difficultés de l’opposition à se mettre d’accord…
Il reste en effet, au moins deux autres exercices de soustraction à entamer et ce ne seront pas des manoeuvres simples non plus ; la gymnastique créatrice n’étant pas le fort de ce regroupement jusqu’ici. Il s’agira, en effet, d’abord de se partager les prébendes que revendiqueront tant de moucherons virevoltant autour de ces partis, restés sur leur faim depuis 2014 ! Postes d’ambassadeur, présidences de conseils d’administrations, postes de conseillers, postes exécutifs divers notamment dans des corps paraétatiques, seront tous revendiqués pour être partagés ‘équitablement’ entre les partis, bien plus que sur une base de mérite ou de compétence. Or ici aussi, les plus forts choisiront d’abord les morceaux de choix, laissant les restes de leur soustraction aux autres ? Dans ces conditions, peut-être bien que la méritocratie sera plus facile à gérer ?
On devra aussi peut être penser au programme de gouvernement ? Vous savez, à ces promesses que l’on fera à l’électorat pour gagner son adhésion à une cause et a des idées ? Ici, aussi, les impératifs de la cohérence vont s’assurer que l’on ne pourra pas simplement ajouter les idées des uns à celles des autres, les exigences d’un partenaire à ceux des autres sans créer des contradictions, voire un ‘poutou’ potentiellement indigeste ! Il faudra clairement discuter et choisir et donc faire des compromis et de ce que nous savons, cette démarche n’a pas encore beaucoup progressé jusqu’ici.
Le grand courant de départ qui poussait les partis d’opposition à se regrouper pour éviter la débâcle de 2019 ; les voix de l’opposition se divisant alors au profit des 37 % du gouvernement sortant, était un courant rationnel. Concrétiser ce courant en un contrat solide et sincère pour gouverner le pays est sans doute beaucoup plus difficile que de finaliser un accord sur comment partager ce pouvoir que l’on désire tant, ce qui est lui-même plus compliqué que d’élaborer un pacte pour gagner une élection ! Or si la toute première de ces étapes n’est pas encore finalisée, serions-nous donc invités à nous contenter du seul meeting du 1ᵉʳ-Mai ?
Allons, messieurs ! Reprenez-vous ! Il y aura bien d’autres sacrifices et de compromis à faire si vous souhaitez sincèrement sortir le pays de l’ornière…
Le péi ne passera-t-il jamais avant le parti et les pitis ?!
Autre sujet, même genre d’arithmétique. On parle ici de l’équation financière du pays et de son impact éventuel sur ses habitants. À la base, puisque nos marges de manoeuvre sont désormais déjà largement entamées, on ne pourra plus en rajouter aux dépenses du pays, ‘sans douleur’, en puisant, par exemple dans les fonds de réserve du pays, (y compris ceux de la Banque centrale !), largement mis à sec avec Covid et un programme d’investissement public plutôt coûteux et pas toujours bien inspiré (remise à flot d’Air Mauritius, MIC, Safe City, Côte-d’Or, métro, Pont SAJ, divers by-pass, etc…). En effet, toutes les nouvelles dépenses majeures, comme par exemple des réajustements de salaires ou de la pension de vieillesse, c.-à-d. des additions au ‘bonheur’ de la population, demanderont inévitablement une soustraction venant d’ailleurs. Il s’agira de taxes, de réduction de dépenses ou de gaspillage ou d’une augmentation de la dette publique, ce qui représentera, évidemment, aussi une soustraction aux disponibilités budgétaires futures, puisque les dettes, il faudra quand même les rembourser !
L’électeur n’a pas le droit d’être dupe : tout ‘cadeau’ se paie comptant et ce n’est pas le politicien qui viendra payer avec sa pension plutôt bien blindée…
Dans le monde de la finance, c’est plutôt ‘zero sum’ de toute manière. Si vous voulez, par exemple, consommer mieux et plus que ce que le monde extérieur peut offrir, alors que vous ne générez pas assez de devises lourdes pour ce faire, vous n’avez pas, non plus de choix. Soit vous vous endettez en devises. Soit encore vous puisez dans le stock de devises qui vous appartient.
Notre situation à nous n’est pas du tout rigolote ! Notre balance commerciale est en déficit de 33,9 % du PIB (Produit Intérieur Brut) en 2022, une nette détérioration depuis le déficit de 2015 qui était pourtant déjà de 18,2 % du PIB. Au niveau de la balance des paiements, revenus du tourisme inclus, ça va un peu mieux que pour la pointe horrible de 2020 de 14,1 % de déficit face au PIB, mais nous sommes, à ce titre, continuellement en déficit depuis au moins 1980 selon le FMI….
Sur le plan interpersonnel, c’est pareil. On peut en rajouter aux problèmes confrontés dans une relation professionnelle, dans un mariage ou entre amis en évoquant et en insistant sur ce qui dérange, ce qui provoque ou ce qui est franchement humiliant ou, au contraire favoriser la bonne entente en surveillant ce que l’on dit. Bien sûr qu’il ne faut pas non plus tomber dans l’hypocrisie et le mensonge ! Certaines vérités doivent être dites en toute honnêteté et ceci est souvent nécessaire pour la qualité même des relations futures, mais il faut de la bonne foi et comme le dit Brel, il y a aussi la manière…
Pour terminer, comment ne pas enregistrer ma consternation que, selon une réponse parlementaire du PM, un plan pour le développement d’Agaléga est encore à l’étude, alors que le bien-être de ses 360 habitants était prétendument, le but central des travaux d’Afcons sur l’île depuis … 2018 ! «We do not foresee the start of commercial flights any time soon», dira le PM cette semaine, en soulignant que cela dépendra, entre autres, de la «viability of such flights». On aura donc ajouté pour Rs 14 milliards de dépenses d’infrastructures (réponse parlementaire du 17 octobre 2023), sans trop savoir ce que l’on ferait des 3 kilomètres de piste d’atterrissage, par exemple ? Cela paraît à peine croyable !
À moins que cela ne montre qu’un calcul tardif et cousu de fil blanc pour masquer la seule vérité plausible, mais sérieusement embarrassante, que c’est bien une base militaire qu’on a ajoutée ! Le PM ne dit-il pas d’ailleurs, «in no uncertain terms» que l’accord entre Maurice et l’Inde «satisfy the principles of mutual benefit» ? «Mutual» ? Quel est donc, explicitement, le bénéfice de circonstance de l’Inde ? La question reste posée puisqu’en géopolitique, addition = soustraction théoriquement, sauf en conflit armé ?
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