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Bobby Hurreeram, ministre des Infrastructures Nationales

«Améliorer la vie des plus démunis… la politique sociale constante de ce gouvernement»

29 septembre 2024, 20:00

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«Améliorer la vie des plus démunis… la politique sociale constante de ce gouvernement»

• «Le plus important à la fin de la journée, pour un pays, ce n’est pas un ministre qui maîtrise parfaitement la langue française, mais un ministre qui travaille»

• «SAJ est le père du miracle économique, Pravind Jugnauth, le père de l’île Maurice moderne»

• «Oui, j’ai un caractère bien trempé, je l’avoue, mais…»

Les opérations «koup riban» sont quasi-quotidiennes et il s’agit souvent de projets d’infrastructures : «flyovers», «bypasses», drains… Bobby Hurreeram est partout. Après maintes demandes, le ministre des Infrastructures nationales a finalement accepté de répondre à nos questions par mail et est revenu sur ses récentes déclarations, son bilan, ainsi que ses «slips of the tongue».

Vous avez récemment parlé de «dernière présence dans votre costume de ministre». Parliez-vous de retraite politique ? Changement de ministère ? Changement de parti ?

(Rires) Vous faites sans doute référence à mon discours prononcé lors du Corporate Brand Launch de la Construction Industry Authority. Détrompez-vous. L’idée derrière ce discours était de remercier tous les acteurs de l’industrie de la construction pour le gros travail accompli au cours des trois dernières années. Et vu que nous sommes à la veille des élections générales, et donc à la fin de CE mandat, cette fonction les avait tous réunis. C’était donc l’occasion idéale pour le faire. Le changement de ministère ne se pose donc pas. Encore moins un changement de parti.

Le gouvernement met souvent en avant votre bilan pour parler des avancées du pays. Comment avez-vous procédé ?

C’est la vision du Premier ministre de décongestionner tout le pays et la tâche de rendre cette vision possible m’a été confiée. La pandémie de Covid n’a pas arrangé les choses. Les chantiers étaient fermés, une partie de la main-d’œuvre étrangère était bloquée à l’étranger et il nous était impossible d’importer des matériaux. La tâche était herculéenne. Heureusement, le Premier ministre et le ministre des Finances nous ont donné les moyens nécessaires pour relancer les activités dans ce secteur et démarrer nos chantiers. Ensuite, il a fallu négocier avec le secteur privé et rassurer les entrepreneurs. Je dois beaucoup à mes officiers qui ont travaillé jour et nuit et, aujourd’hui ils peuvent être fiers d’avoir sorti de terre presque 1 000 projets en trois ans.

Mais ne pensez-vous pas que développer les infrastructures pour décongestionner tout en important plus de véhicules et en détaxant plus de catégories est paradoxal ?

J’avoue que le nombre grandissant de voitures sur nos routes est ahurissant. Je crois que nous avons récemment franchi la barre des 15 000 voitures neuves en une seule année. La moyenne mondiale est de 90 véhicules par kilomètre et, à Maurice nous en sommes à 200 ! Cela dit, notre philosophie de décongestion routière n’a rien à voir avec le nombre de véhicules. Notre priorité est d’éliminer les conflits à chaque intersection le long de l’autoroute, et d’améliorer notre connectivité à travers l’île avec de nouveaux autoponts et routes.

Par exemple, le pont SAJ a changé le trafic de et vers le nord-ouest. Une fois la route reliant La Vigie à Flic-en-Flac opérationnelle, il y aura deux points d’accès de l’autoroute vers l’Ouest, qui était mal connecté au reste du pays jusqu’ici. Une fois tous les ronds-points supprimés et les nouvelles autoroutes M4 et M5 en fonctionnement, nous aurons une meilleure fluidité du trafic, même aux heures de pointe. Avec ces nouvelles infrastructures, nous procédons à un rééquilibrage du trafic sur plusieurs axes pour soulager les automobilistes. Le pont SAJ et le Quai Dont amélioré le trafic nord-sud de la capitale. Le trafic à Ébène a connu une nette amélioration. Nous nous attendons à des résultats positifs une fois les autoponts de Wooton et de Terre-Rouge opérationnels à 100 %.

Vous avez dit que les projets de drains ont bien avancé. Peut-on s’attendre à moins de dégâts pendant la prochaine saison des pluies ?

Notre priorité est de sauver des vies. Comme vous l’avez sans doute vu, c’est actuellement le Japon qui fait les frais du changement climatique, un pays très développé avec une infrastructure moderne et équipé des dernières technologies. Pourtant, il y a eu des inondations meurtrières. Les États-Unis, Dubaï, la Chine, des pays plus développés que Maurice, sont inondés lors de fortes pluies. À Maurice, notre objectif est de devenir plus résilients et d’atténuer les effets du changement climatique. Depuis l’élaboration du National Flood Management Program il y a trois ans, nous avons pu achever 600 projets de drains. Toutefois, construire des drains n’est qu’une partie de la solution. Il faut aussi s’adapter et construire différemment pour les générations futures. Voilà pourquoi il est nécessaire que les Mauriciens comprennent que nous ne construisons pas par plaisir.

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Nous construisons pour les 50, voire les 100 ans à venir. Grâce à notre carte topographique, nous pouvons repérer des cours d’eau naturels, invisibles à l’œil nu et visibles uniquement lorsqu’il pleut. L’eau de pluie suit ce parcours pour se diriger vers une rivière ou la mer. Mais pendant des années, nous avons construit sur ces cours d’eau et, aujourd’hui l’eau doit se frayer un nouveau passage, provoquant ainsi des accumulations. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de mieux conseiller ceux qui font une demande de construction (le BLUP) sur la préservation de ces cours d’eau.

Pouvez-vous nous dire combien les drains nous ont coûté au cours des dix dernières années ?

Je peux vous donner le chiffre pour le National Flood Management Programme, qui a été mis en place à partir de 2021. À ce jour, nous avons dépensé un peu plus de Rs 5 milliards sur un total de presque Rs 12 milliards.

Justement, parlant de dégâts, où en est l’enquête sur l’effondrement des maisons à Tranquebar ?

L’enquête est terminée et le rapport d’experts, qui contient leurs recommandations, a été remis à un comité composé de plusieurs ministères pour être mis en œuvre.

Avez-vous l’intention de rendre ce rapport public ?

Pas à ce stade.

Quid des zones inondables ? Puisque la carte ne sera pas rendue publique, pouvons-nous savoir ce qui a été fait dans les endroits les plus à risque ?

La liste des endroits à risque est régulièrement diffusée dans les médias. Nous avons fait des progrès considérables à Fond-du-Sac, Cottage, l’Amitié, Piton, Pointe-aux-Piments, Pamplemousses, RicheTerre, canal Halim à Vacoas, Dakri à Bambous, Queen Victoria à Flacq, Mare-Tabac, Trois-Boutiques, PlaineMagnien et La Flora, entre autres, qui sont aujourd’hui plus résilients lors des grosses pluies. En ce moment, nous travaillons à Camp-Thorel, St-Jean, Vallée-desPrêtres, Nouvelle-France, Camp-de-Masque-Pavé et Terre-Rouge, entre autres.

Il est important de souligner que, pour un projet de drain, le plus difficile, ce sont les procédures qui précèdent la construction. Le tracé est spécifique, et calculé en fonction de la topographie des lieux et du volume d’eau que la structure doit capter. Parfois, ce tracé implique que nous devons obtenir un droit de passage ou l’acquisition d’un morceau de terrain privé. Ce n’est pas toujours que ces propriétaires coopèrent et donc, nous nous retrouvons à faire le va-et-vient en cour pendant une à deux années avant même d’avoir pu allouer un contrat. Il y a aussi certains politiciens de mauvaise foi qui encouragent ces personnes à ne pas coopérer.

Pourquoi tant de cachotteries autour de la construction des drains ?

Nous ne cachons rien. Le ministère a toujours opéré en toute transparence. Si vous faites référence à l’imagerie topographique de notre territoire, elle ne peut être interprétée que par des professionnels. Il en va de même pour le Land Drainage Masterplan. Il serait inutile de le rendre public. Mais la population peut avoir confiance en nous. Il suffit de demander aux habitants des endroits où des drains ont été construits. J’aurais aimé pouvoir terminer tous les projets de drains avant la saison des pluies.

Toutefois, il existe d’énormes contraintes comme celles que j’ai mentionnées plus tôt. Il y a aussi toute la bureaucratie et les procédures administratives qui prennent du temps. Mais lorsqu’il s’agit des fonds publics, chaque sou doit être justifié. N’oublions pas non plus que nous opérons avec un nombre limité d’entrepreneurs, qui ont une certaine capacité en matière des projets sur lesquels ils peuvent mobiliser leur maind’œuvre en même temps.

Parlons politique. Comment accueillez-vous une alliance avec le Parti mauricien social-démocrate (PMSD), qui a été très critique envers le Mouvement socialiste militant et envers vous ?

(Sourire) Officiellement, il n’y a encore aucune alliance avec le PMSD. Donc, je me garderai de commenter cela. Par contre, j’ai toujours eu d’excellentes relations avec Xavier-Luc Duval. D’ailleurs, nous nous sommes parlé au téléphone à plusieurs reprises durant son mandat de leader de l’opposition.

Quelle était la teneur de ces conversations ?

Il m’appelait principalement pour s’enquérir des projets en cours dans sa circonscription ou s’il y avait un problème lié à mon ministère. Je n’ai jamais refusé de l’aider. Il m’a effectivement adressé trois Private Notice Questions sur les inondations, mais les échanges étaient très cordiaux et respectueux. Xavier est un gentleman et ne frappe jamais en dessous de la ceinture, comme certains.

Certains comme qui ?

Paul Bérenger, par exemple ! Il passe son temps à affubler tout le monde de surnoms et dénigre ceux qui s’opposent à lui. Sa dernière contribution concrète à son pays remonte à quand ? Il y a 20 ans, lorsqu’il est devenu Premier ministre grâce à sir Anerood Jugnauth. Et que dire de Navin Ramgoolam ? Sa seule et unique réalisation durant son mandat de 2005 à 2014 a été l’autoroute Terre-Rouge–Verdun, qui s’est écroulée. C’est notre gouvernement qui a dû tout réparer. Et aujourd’hui, ces deux-là vous disent qu’il faut à tout prix bouter Pravind Jugnauth hors du pouvoir. Pravind Jugnauth ? Le Premier ministre avec le meilleur bilan de notre histoire.

Mieux que sir Anerood Jugnauth ?

Sir Anerood Jugnauth est une légende. Il a sorti le pays de la misère noire et sera toujours reconnu comme le père du miracle économique. Mais Pravind Jugnauth sera, lui, reconnu comme le père de l’île Maurice moderne. Et il n’est Premier ministre que depuis sept ans. Il s’est démarqué là où ses adversaires le sous-estimaient, notamment par sa capacité à prendre les bonnes décisions. Sa maîtrise de la politique et ses stratégies ont porté leurs fruits. Il a dirigé l’une des alliances les plus stables depuis celle de 2000-2005.

Et pourtant, aujourd’hui il se transforme en père Noël…

Absolument pas ! Il y a une chose que personne ne peut nier : ce gouvernement a été constant dans sa politique sociale. Depuis le premier jour, ce gouvernement a œuvré pour toutes les couches sociales, sans distinction. Contrairement à d’autres, nous n’avons pas attendu la dernière minute pour soulager nos concitoyens. Imaginez un instant la pandémie de Covid-19 sans le salaire minimum, sans la Workers’ Rights Act et sans l’augmentation de la pension vieillesse ? Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais il y a une chose qu’on ne peut nier : c’est la constance dans l’effort pour améliorer la vie des plus démunis.

Vous êtes connu pour être un «disan so», même au Parlement. Comment expliquez-vous ce comportement ?

«Disan so.» (rires) Oui, j’ai un caractère bien trempé, je l’avoue, mais je le réserve uniquement à ceux qui me cherchent. Mes détracteurs politiques, surtout. Je pense qu’en politique, il y a des limites à ne pas franchir, comme les attaques personnelles de bas étage ou la démagogie pure et simple. Les choses qui m’ont été dites par des lâches assis au Parlement n’ont jamais été rapportées dans la presse. Oui, c’est vrai, parfois je me laisse emporter, mais avec raison. Vous voulez mon avis ? Bérenger, Bhagwan et Barbier ont fait pire à l’Assemblée nationale dans le passé, mais la presse les a présentés comme des héros.

Qu’en est-il de la rumeur de votre candidature au no18 ?

C’est une rumeur, comme vous l’avez si bien dit. Comme vous, j’ai lu cette possibilité dans les journaux. L’attribution des tickets demeure la prérogative du leader du parti et, à ce stade, il n’y a aucune indication d’une possible migration vers le no 18. Je continue le travail au no 12, où j’ai été élu à deux reprises et où nous avons fait d’énormes progrès depuis 2014.

Vos expressions utilisées au Parlement et ailleurs ont été reprises par certains, moquées par d’autres. Comment avez-vous vécu cela ?

Omelette et œufs ? (rires) C’était un lapsus, cela peut arriver à tout le monde. Même les journalistes font des erreurs pendant les directs, n’est-ce pas ? Sauf que là, c’était Bobby Hurreeram et c’est devenu viral. Les gens n’imaginent pas la pression d’adresser l’Assemblée nationale et de devoir improviser, sachant qu’il y a des centaines de milliers de personnes qui regardent. Mais bon, je l’ai pris avec beaucoup d’humour. Comme dit l’adage, parlez de moi en bien, parlez de moi en mal, mais parlez de moi. Le plus important, à la fin de la journée, pour un pays, ce n’est pas un ministre qui maîtrise parfaitement la langue française, mais un ministre qui travaille. Et personne ne peut me faire des reproches dans ce domaine.

Vous avez été particulièrement généreux envers vos mandants. Pensez-vous pouvoir troquer des parasols et des fours à micro-ondes contre des votes ?

Je ne suis pas en train d’acheter des votes. J’aime bien gâter mes mandants et ce, depuis toujours, sans qu’il y ait d’échéance électorale en vue. Surtout lorsqu’il s’agit de célébrations religieuses, d’anniversaires ou de rassemblements en hommage à nos aînés, comme lors de la distribution des micro-ondes. La politique, c’est aussi du social. Je crois fermement qu’il est toujours mieux d’offrir un cadeau qui soit pratique et que la personne ne peut pas s’acheter elle-même.

Vous avez connu un parcours atypique : député, «Deputy Chairman of Committees», PPS, «Chief Whip», «Deputy Speaker», et aujourd’hui ministre. «What next» ?

Je suis très reconnaissant envers Pravind Jugnauth pour sa confiance. Je n’ai jamais demandé aucun des postes dont vous avez fait mention et je ne vais pas changer maintenant. Il y a d’abord des élections générales qu’il faut absolument remporter. Ensuite, en cas de victoire, il s’agira de former un gouvernement et d’attribuer les responsabilités. Je suis prêt à assumer n’importe quel rôle, tant que je peux mettre mes compétences au service de mon pays.