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Rétrospective 2023
Après les restrictions sanitaires, les limitations policières
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Rétrospective 2023
Après les restrictions sanitaires, les limitations policières
Capture d’écran d’une vidéo montrant le groupe armé de sabres et de matraques crier «Allahu Akbar» après avoir stoppé le concert.
Après le contrecoup de la pandémie, l’année 2023 a été marquée par le traumatisme de la brutale intrusion d’un groupuscule au «Gran Konser» à la Citadelle. En attendant que se concrétise un one-stop shop pour les démarches administratives concernant l’organisation de concerts, retour sur une nouvelle année difficile.
«Gran konser» à La Citadelle : Liberté d’expression assiégée
Date fatidique du samedi 21 octobre 2023. Ce soir-là, le groupe hôtelier Attitude célèbre ses 15 ans d’existence par un concert solidaire à la Citadelle, de 17 heures à 21 heures. L’intégralité des recettes sera versée à quatre organisations non gouvernementales: Terre de paix, Vent d’un rêve, Caritas Grand-Gaube, et l’Association d’alphabétisation de Fatima. Les artistes attendus sont AnneGa, The Prophecy, Born to be Music, Antonio Perrine, Anonym, Patyatann et Reviival. La vente d’alcool sur place n’est pas autorisée.
Tout bascule vers 21 h 30. Le groupe The Prophecy est sur scène. Juste après, un groupe de jeunes de Tamarin doit reprendre la chanson One day de Matisyahu, «un chant à 1 000 voix pour la paix» en réaction contre la guerre entre Israël et le Hamas.
Un groupuscule, dont certains membres sont encagoulés, fait violemment intrusion à la Citadelle. Ils sont armés de sabres et de matraques et lancent des insultes. Ils crient «sorti la, Porlwi pou nou», ou encore «Plaine-Verte isi» et «Allahu Akbar». Certains portent le drapeau de la Palestine. Ils saccagent le matériel sur le podium.
De nombreuses questions ont été posées sur l’efficacité de la police. Avant cette intrusion, un dispositif de 18 policiers on extra duty était prévu, à l’extérieur de la Citadelle, «exclusivement pour gérer le parking», selon une réponse parlementaire du Premier ministre, fin novembre.
Le public venu en famille devient une foule apeurée. Des enfants sont en pleurs, des femmes sont paniquées, des hommes se bousculent pour tenter de quitter au plus vite la Citadelle, qui n’a qu’une seule sortie. Un traumatisme durable autant côté public que côté artistes.
Le nombre d’arrestations sera de 30. Les suspects sont de Vallée-Pitot, Trèfles, Camp Levieux, Stanley, Terre Rouge et d’autres localités pas avoisinantes de La Citadelle. Ils ont été relâchés sous caution. L’enquête se poursuit.
Parmi les arrestations: le prédicateur Bellal Maudarbux, deux policiers, un «train captain» de Metro Express, ainsi que Jameer Yeadally, alors conseiller au bureau du ministre Anwar Husnoo, également vice-Premier ministre. Il a démissionné de son poste.
Conditions pour l’organisation de concerts : Un air de répression
(Face aux annulations de concert et aux conditions imposées par la police, des artistes ont organisé une marche pacifique le 21 décembre.)
Quelles sont les nombreuses conditions que doivent respecter les organisateurs de concerts ? Le Premier ministre Pravind Jugnauth les a détaillées dans une réponse parlementaire, le mardi 28 novembre. L’organisateur doit:
Déposer sa demande d’autorisation au commissaire de police pas moins de sept jours ouvrables avant le concert,
Doit fournir à la police une autorisation écrite du propriétaire du lieu où doit se dérouler le concert,
Fournir les permis de diverses autres autorités (ex : MASA, pompiers, sanitair, etc…)
Respecter le nombre de décibels autorisé par l’Environment Protection (Control of Noise) Regulations 2022.
De plus, le commissaire de police peut décider de mesures additionnelles. Si l’organisateur ne les respecte pas, il s’expose à des poursuites. Cela va du déploiement d’officiers de police supplémentaires à la fermeture de routes et/ou diversions, et l’utilisation de barrières de police.
Il y a aussi l’interdiction de la vente et de la consommation d’alcool. Un collectif d’artistes a organisé une marche pacifique du Champ-de-Mars au jardin de la Compagnie, le jeudi 21 décembre. Pour cette marche, la police a imposé aux organisateurs de n’utiliser ni porte-voix, ni micro ni sono. Et de ne pas faire de discours de revendication.
Status of the Artist Act» votée : Loi-cadre du professional in the Arts Council
La Status of the Artist Act a été votée le 13 juillet. Cette loi crée quatre catégories professionnelles: l’artiste professionnel, le spécialiste dans le domaine des arts, le technicien professionnel, et les travailleurs occasionnels. Elle prévoit surtout la création du Professional in the Arts Council. C’est le ministre des Arts et du patrimoine culturel qui doit nommer le président du conseil d’administration et les six membres ayant une «vaste expérience» dans des domaines artistiques. Ces membres vont siéger au sein de comités d’experts qui vont examiner les demandes d’enregistrement des artistes. C’est ce conseil qui va accorder – ou pas – la carte professionnelle aux artistes. En cas de litige, l’appel des artistes doit être adressé au ministre. Des dispositions légales qui ont été accueillies avec certaines réticences, notamment concernant la «mainmise» du ministre sur ce qui risque d’être un ministère bis.
Concerts annulés : Des solutions pas encore trouvées
(Pour Gims, soirée stoppée plus tôt que prévu, et pour Dadju, pas de concert du tout.)
Une série noire. Celle des concerts interrompus sur ordre de la police ou tout bonnement annulés:
samedi 6 mai, le concert de rock Maytal organisé par Culture Events au Café du Vieux Conseil est annulé un quart d’heure avant qu’il ne débute, suite à une intervention policière. L’organisateur dira qu’il avait tous les permis requis.
samedi 3 juin, le concert Ché Ché ou la mort est annulé sur ordre de la police. Thierry Ebenegere, l’organisateur, est pris au dépourvu. Initialement, la soirée qui devait avoir lieu au Party Field à Beau-Plan déménage pour le Riche-Terre Business Park. Avant d’atterrir à l’Executive Club à Coromandel.
vendredi 9 juin, le concert de Gims à Côte-d’Or est écourté. La soirée se termine à 2 heures du matin en raison de plaintes pour pollution sonore.
samedi 29 juillet, la police demande aux organisateurs de Reggae Donn Sa d’interrompre le concert. La permission de minuit est (dé)passée. Le chanteur Pix’L n’a pu jouer que trois titres.
samedi 30 septembre : la police interrompt le festival Stillness in motion au stade Germain Comarmond. Tant pis pour les artistes Meta and the Cornerstones et le groupe Wizdom.
vendredi 1er décembre, l’artiste Dadju arrive à l’aéroport de Plaisance dans la matinée, pour un concert le lendemain au stade Germain Comarmond. Quelques heures après son arrivée, la police émet un communiqué annonçant que ce concert de Dadju n’est pas autorisé.
Mauritius Society of Authors : La «pension» des artistes stoppée
(La «pension» des artistes a été suspendue en juin par la MASA faute de fonds. Une «pension» que Ras Natty Baby a réclamé de 2014 à 2022.)
C’est en juin 2023 que le Provident and Benevolent Fund de la Mauritius Society of Authors (MASA) cesse le paiement de l’allocation de solidarité versée aux artistes ayant atteint l’âge de 60 ans. Ce sont les royalties qui alimentent ce fonds de la MASA. À cause des variations de revenus post-Covid, le fonds est épuisé.
Soulignons que ce n’était pas une pension de retraite, mais un geste de solidarité variant entre Rs 1 000 à Rs 2 500. Le taux était passé à Rs 1 000 pour tous les bénéficiaires en novembre 2022, avant que l’allocation ne soit stoppée en juin 2023.
Au cœur de la question de pension pour les artistes, il y a eu le cas de Ras Natty Baby. L’artiste qui a atteint 60 ans en 2014 n’a bénéficié d’aucun paiement jusqu’en novembre 2022. En janvier 2023, il a accepté under protest Rs 104000 représentant une partie des arriérés qu’il réclamait à la MASA. C’est le futur Professional in the Arts Council qui devra mettre en place un plan de pension pour les artistes ainsi qu’un State Recognition
Patrimoine : Ouverture du musée de l’esclavage intercontinental (Le musée de l’esclavage intercontinental a ouvert ses portes au public le 4 septembre.)
Après l’ouverture officielle le vendredi 1er septembre, le musée de l’esclavage intercontinental ouvre ses portes au grand public le lundi 4 septembre, à l’ex hôpital militaire, à Port-Louis. Les neuf salles d’exposition au rez-de-chaussée du musée (une seconde phase est prévue à l’étage) montrent que l’esclavé, cette personne réduite en esclavage, était avant tout un être humain. Ce musée est un site de conscience. Il ne montre ni fers ni chaines. Parmi ses objectifs: promouvoir la réconciliation.
Patrimoine national : Nouveaux inscrits, histoire ancienne
(Le Ganga Talao Spiritual Sanctuary est inscrit sur la liste du patrimoine national.)
Le 20 janvier, le conseil des ministres annonce que trois nouveaux sites sont inscrits sur la liste du patrimoine national. Il s’agit du Bassin des esclaves et du Marché des esclaves, tous deux à Pamplemousses. Le troisième est un édifice plus que centenaire, appelé le sattiram, se trouvant dans la cour de l’Arulmigu Sockalingum Meenatchi Ammen Tirrukovil, plus connu comme le temple Kaylasson à Sainte-Croix.
Le 8 décembre, c’est au tour de Grand-Bassin d’intégrer la liste du patrimoine national. Il sera officiellement désigné comme le Ganga Talao Spiritual Sanctuary.
Chers disparus
(Serge Lebrasse nous a quittés le 6 avril. Le Sega Day sera désormais célébré ce jour-là.)
(Dev Virahsawmy a rendu l’âme le 7 novembre laissant un colossal héritage politique, littéraire et linguistique.)
(Vaco Baissac est décédé le 4 février. Une rétrospective lui est consacrée au Caudan Arts Centre jusqu’au 30 septembre 2024.)
(Roger Charoux est mort le 23 juin.)
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