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Rencontre avec Kolo Roger, nouveau premier ministre : Docteur Cool au chevet de Madagascar

24 avril 2014, 13:30

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Rencontre avec Kolo Roger, nouveau premier ministre : Docteur Cool au chevet de Madagascar

Malgré les débats tendus de l’Assemblée nationale malgache, où une foultitude de coalitions se partagent le pouvoir, le nouveau Premier ministre a accepté de se confier à «l’express».

 

C’est entouré d’un triumvirat de conseillers spéciaux, fraîchement nommés et au regard sérieux, que Kolo Roger, tout sourire, nous reçoit à la primature de Tana. Ce qui frappe d’emblée chez ce médecin radiologue de 70 ans, c’est sa cool attitude, son air détaché. Il semble loin des tiraillements de politiciens qui agitent en ce moment la Grande île.

 

Se prescrit-il des médicaments pour paraître si apaisé dans pareil climat ? Le Premier ministre nous sert une tout autre explication : son nom Kolo, dit-il dans un sourire, se prononce «cool» à Madagascar, alors que c’est «colo» en Suisse, où il dirigeait ses cliniques privées, un business florissant. «Notez aussi que les Malgaches m’appellent Kolo Roger, alors qu’en Suisse, c’est Roger Kolo.» Est-il délibéré, ce choix malgache, lorsqu’on sait que «Kolo» veut aussi dire «prendre soin de quelque chose» ?

 

Après une trentaine d’années dans la médecine en Europe (France, puis Suisse), c’est au chevet de son pays natal que le nouveau chef de gouvernement a choisi de venir boucler la boucle. Outre son rôle de Premier ministre, il a accepté, «avec émotion», de prendre le portefeuille de la Santé. Ce qui lui permettra de tâter le pouls de son pays, qui est tombé dans le coma durant ces cinq dernières années, avec une transition qui a laissé un bilan calamiteux.

 

Oui, un vaste chantier s’ouvre devant lui : Madagascar est gangrené par la corruption, l’insécurité et des inégalités criardes (dans la capitale des Porsches Cayenne et des BMW série 7 se frayent un chemin nonchalamment sur des rues défoncées, au bord desquelles dorment des centaines de familles anonymes, cachées sous des morceaux de plastique, à l’abri du regard).

 

«Vous savez, j’avais 30 ans lorsque j’ai quitté Madagascar pour l’Europe. Quand on a vécu les 30 premières années de sa vie dans une culture, on reste marqué à vie, même si on va par la suite vivre dans l’un des pays les plus riches au monde.» À ses détracteurs politiques qui avancent qu’il est coupé de son pays natal et qu’il ne pourra pas remédier à la situation, le Dr Kolo réplique calmement que le monde est devenu un village global, et qu’on voit son pays mieux quand on s’en éloigne. Dans les rues de Tana, on fait aussi des blagues sur son accent, un mélange du malgache du Sud-Ouest dont il est originaire, et de français suisse. Ce n’est pas son souci. À discuter avec lui, il est évident que ses préoccupations sont ailleurs ; elles portent sur le sort de son pays, la médicine et ses enfants (qui ont aussi choisi la médecine par vocation).

 

Hery, son seul patron

 

«Je vais sans tarder m’attaquer aux problèmes de santé publique. Je veux créer des centres de pré-urgence et des urgences aussi. Vous savez, ceux qui ont de l’argent peuvent aller à Maurice ou à La Réunion, mais la grande majorité des Malgaches n’ont pas accès à des soins de base.» Il est conscient qu’en raison des ressources budgétaires maigres, il ne pourra pas tout faire tout de suite. Mais la réduction du taux de mortalité maternelle et enfantine, la lutte contre les épidémies et les campagnes de prévention de base demeurent ses priorités.

 

Le scientifique qu’il est a dû ranger son approche cartésienne lors de la désignation des postes politiques. «Il y a des critères ethniques, géographiques et de genre qui rentrent en jeu, et on n’y échappe pas.» Par contre, il évite avec soin de mettre sous microscope ces germes d’instabilité présents au sein de la coalition gouvernementale qui a brassé large, en regroupant des proches de son ancien chef de la transition Andry Rajoelina, de l’ancien président Marc Ravalomanana, etc.

 

Kolo Roger n’a aucune carrière politique derrière lui (mais ses proches étaient dans le bain : son père a été députémaire et son frère cadet a été sénateur). C’est une bonne et mauvaise chose : car l’homme n’est pas directement impliqué dans les crises et magouilles politiques de ces dernières années. Par contre, on sent chez lui un besoin de rendre souvent hommage à «son seul patron», le président Hery Rajaonarimampianina.

 

C’est sans doute pour faire oublier qu’il était lui-même rentré à Madagascar pour se présenter à l’élection présidentielle de 2013. Sa candidature a été annulée pour un problème de résidence. Hery s’est alors présenté à sa place pour le nommer ensuite Premier ministre, après quatre mois de tergiversation. «Je suis content d’être au chevet de mon pays. Je suis à l’aise dans le présent système. Je vais mobiliser tous les moyens pour mettre en oeuvre la vision du président Hery.»

 

Et il compte rester cool… du moins c’est ce qu’il maintient jusqu’ici. C’est tout le mal qu’on peut lui souhaiter, car Madagascar attend depuis longtemps un traitement d’urgence.

 

Nad Sivaramen (de Madagascar)