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Rama Valayden - ex-«Attorney General» : «La question de financement est cruciale»
10 mai 2014, 15:16
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Rama Valayden - ex-«Attorney General» : «La question de financement est cruciale»
Mardi 5 mai était la date-butoir pour la soumission des propositions dans le cadre de la réforme électorale. Parmi elles, celle de Rama Valayden, ex-«Attorney General». «En retrait de la politique active, mais pas à la retraite», l’avocat remet sur le tapis la question du financement des partis, encore intouchée, et propose des réformes.
Vous abordez la question du financement des campagnes électorales à la fin de votre papier consultatif. Or, Navin Ramgoolam a mis de côté la question d’argent et du financement des partis dans son livre blanc, en disant qu’il l’aborderait peut-être après…
Ce n’est pas un livre blanc, c’est un livre vert*. Je fais la différence dans le document que j’ai soumis parce qu’il n’y a pas de propositions fermes, contrairement à un livre blanc. Il faut être clair dans ce débat avec les mots sinon, demain, on se perdra s’il faut écrire un texte de loi.
Pourquoi parler de financement alors que la question n’est pas encore sur le tapis ?
C’est important d’en parler. Même si Ramgoolam n’en a pas parlé, je le mets sur le tapis parce que c’est important que les gens sachent ce qui se passe au niveau du financement des partis politiques pour comprendre le vrai débat. La source du mal dans le système électoral, c’est le financement des partis politiques. Il ne peut y avoir de «free and fair elections» s’il n’y a pas une distribution équitable des ressources pour se battre pour les élections. En d’autres termes, ceux qui sont les mieux lotis en bénéficient vraiment. Pour les autres, même si un parti a, dans un premier temps, le soutien de l’électorat, lors de la campagne électorale, cela s’essouffle parce que le parti ne peut pas combattre sur un pied d’égalité. Si on veut réformer le système électoral, il faut à tout prix considérer la question du financement des partis politiques. Cependant, un contrôle des finances représente un changement radical qui bouleversera l’ordre des choses. Il n’est pas dans l’intérêt des «grands» partis qui sont au pouvoir de changer la règle qui prévaut.
Quelles sont vos propositions à ce sujet ?
Il y a plusieurs façons de financer un parti politique. On peut, par exemple, donner un terrain qui retournera à l’État, que le parti y a construit ses quartiers ou pas. De même, les partis politiques peuvent bénéficier du duty-free, tout comme les groupes socioculturels. Finalement, il y a le financement direct. Pour cela, il faut arriver à un consensus sur la somme à contribuer par mois.
Les chiffres que vous avancez dans cette dernière section sur le financement sont assez importants. Sur quoi vous basez-vous pour les affirmer de façon aussi précise ?
J’ai assisté à plusieurs élections. J’ai vécu les élections de 1976, en plein militantisme, et celles de 1982, où il y avait un flux d’argent car tout le monde y contribuait. Les gros business donnaient de l’argent, sachant que le MMM serait au pouvoir. Je suis retourné au pays en 1992, et depuis, j’ai pu suivre toutes les élections. J’ai une expérience des élections à Maurice comme à Rodrigues, une expérience municipale comme villageoise. Je ne souhaite pas montrer du doigt qui que ce soit, mais est-ce qu’un leader de parti politique peut venir me dire que les faits que j’ai avancés sont faux ? Pendant un mois, en 2010, dans les journaux tels que l’express, il y avait des encarts publicitaires pour les meetings. Tout le monde sait combien coûtent les gros spots publicitaires. Je n’ai pas inclus plusieurs choses dans les chiffres que j’ai mentionnés, par exemple le soft bribery, si je puis l’appeler ainsi, que les personnes ne considèrent pas comme des bribes. Je n’ai pas parlé non plus des bienfaiteurs pour les partis. Si on conteste les chiffres que j’avance, eh bien, publiez vos comptes, publiez vos dépenses et dites-moi si j’ai raison ou si j’ai tort. La proposition, c’est comment diminuer les dépenses. Aujourd’hui on abêtit le débat en folklorisant les élections.
En ce qui concerne la démocratie au sein du parti, comme vous l’expliquez, la pratique actuelle est de laisser le leader du parti prendre toutes les décisions…
On ne «laisse» pas le leader décider. Le leader décide, tout simplement. On a essayé une direction collégiale, mais à cause de la culture qui prévaut, qui dit collégialité dit faiblesse. Donc, aujourd’hui tous les leaders décident unilatéralement. Le MMM a un semblant de démocratie, mais c’est seulement pour mieux contrôler. Comme l’a fait comprendre Ivan Collendavelloo, ce n’est plus le MMM d’avant 1982 où il y avait des courants de pensées, tels que les courants maoïstes et réformistes. On n’est plus dans ce cas de figure parce qu’il y a un culte du leader. Tout le monde en est coupable.
Seriez-vous d’accord pour dire qu’il ne s’agit pas de démocratie mais plutôt de la culture du «crétinisme» politique ?
Il n’y a pas de structure démocratique parce qu’il n’existe pas une loi pour les partis. C’est clair qu’il s’agit de «crétinisme» politique et on continue avec cela. Même si les femmes, demain, entrent en politique, il existera toujours celui ou celle qui posera en tant que leader. Si le leader a répété la même blague à plusieurs reprises, la prochaine fois qu’il la dira, ses partisans riront comme s’ils l’entendaient pour la première fois.
À quelques reprises, vous parlez de ce que veut l’électorat. Sur quoi vous basez-vous pour affirmer vos dires ?
Je parle, dans la préface du document, de mon expérience personnelle. Je suis en retrait, et non pas en retraite, de la politique. Pendant cette période de retrait, les gens sont venus bien plus vers moi parce qu’ils pensent que je ne suis plus imbriqué dans la politique partisane et que j’ai une certaine ouverture. Cela m’a aidé à comprendre et j’ai essayé d’articuler. C’est subjectif parce que c’est ma façon de voir les choses. Je pense que tout ça doit être pris en considération.
Vous parlez de deux élus par circonscription, puis d’une représentation proportionnelle du nombre de membres parlementaires selon la taille de la circonscription…
Non, ce sera 40 élus pour les 20 circonscriptions et deux pour Rodrigues, donc 42 et Rodrigues se trouve sur un pied d’égalité. Il y aura 42 pour le First-Past-The-Post, quatre membres parlementaires nommés par le Premier ministre et six autres proposés par le Select Committee of the House, qui formera comme un Sénat à l’intérieur du Parlement, avec des personnes comme LeClézio, s’il le veut. Je ne fais que citer un nom parmi d’autres. Et ces dix membres parlementaires seront dénués du droit de vote. Nous avons un problème de circonscription dans le long terme. Le redécoupage des circonscriptions sera difficile à cause du gerrymandering. Je prends comme point de départ que si demain il y a un tsunami, ou pour une autre raison il y a une baisse de population dans une circonscription, ce sera un affront à la raison de dire que cette circonscription continuera à être représentée par trois personnes. On va faire une analyse mathématique pour dire que la représentation par circonscription sera faite en fonction de la taille de la population. Cela se fera dans le long terme, pas dans l’immédiat.
Vous réclamez catégorique l’abolition du «Best Loser System». N’y a-t-il pas un danger à être aussi radical ? N’est-il pas préférable d’entamer une transition plus graduelle plutôt que d’opter pour une révolution?
Ce n’est pas la révolution. Les gens sont prêts. Vous savez, en 1970, trois ans et demi après l’indépendance, les gens avaient voté pour Dev Virahsawmy à Triolet. En 1970, les gens étaient prêts. Le peuple est en avance sur les leaders. Ce sont les leaders et les partis politiques qui jouent dans les mains d’une poignée de groupes socioculturels et ils en deviennent prisonniers. Subsuming est dangereux. Ce terme veut dire laisser les leaders être sous la directive, sous la pression des groupes socioculturels… Les leaders doivent être des exemples. On se dit que les leaders sont mieux avertis alors qu’ils font du communalisme scientifique. Ils vont mettre A, B, C et D et on se dira que c’est correct. On veut que ces gens dirigent la méritocratie. Soit on est pour qu’il y ait un degré de communautarisme, de communalisme, de racisme dans le système, soit on dit «bye bye» et on adopte un nouvel état d’esprit qui ne prend pas cela en considération. Je n’aime pas le subsuming. C’est attirant, dans un joli emballage, mais aussi puant que le système Best Loser.
Si on parlait de votre avenir politique. Vous avez été en retrait…
Oui, je le suis toujours. Je pense, je réfléchis… mais je suis toujours à l’écart.
Il n’y aura pas de come-back ?
Je suis là, mais le comeback… c’est l’engagement partisan. Tout individu doit s’engager ou se prononcer à la veille des élections. Mais s’engager au niveau d’un parti politique, actuellement ce sera très difficile. *Définition de livre vert : Contrairement au livre blanc qui énonce clairement la politique et les amendements qu’entendent mettre en oeuvre certains gouvernements étrangers, le livre vert est un document qui vise à soulever un débat sur des sujets controversables. Le gouvernement publie ce document à la couverture verte afin de trouver des mesures potentielles aux sujets évoqués.
«IL FAUT ÊTRE CLAIR AVEC LES MOTS SINON, DEMAIN, ON SE PERDRA S’IL FAUT ÉCRIRE UN TEXTE DE LOI.»
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