Publicité

Gilbert Philippe, : «Le port aurait dû être mieux sécurisé dès octobre»

20 juin 2014, 01:19

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Gilbert Philippe, : «Le port aurait dû être mieux sécurisé dès octobre»
L’ancien conseiller au bureau du Premier ministre dans le domaine des affaires maritimes et ancien président de la «Mauritius Ports Authority» (MPA) revient sur les récents cas de vol dans les conteneurs. Il s’explique également sur le taux de productivité au sein de la «Cargo Handling Corporation Ltd» (CHCL).
 
La zone de transbordement a fait l’objet d’un pillage organisé par des employés du port. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
 
Tout vol commis dans des conteneurs entreposés dans l’enceinte portuaire est très grave. Surtout si ces conteneurs sont en transbordement. Cette situation peut avoir un effet négatif sur la réputation de Port-Louis, qui se positionne comme le «hub» de la région. 
 
On ne peut pas considérer cet évènement comme un phénomène. Un incident similaire s’est déjà produit, il y a quelques années, dans les entrepôts du port franc. Ce qui est étonnant, c’est la similitude entre ces deux vols. Les mêmes produits frigorifiés, soit la légine et des crustacés, avaient été emportés. Ils étaient stockés dans des conteneurs réfrigérés en transbordement. Les auteurs du vol étaient des employés du port ayant un accès direct aux conteneurs. Il faut dire qu’à l’époque, il y avait un certain laxisme au niveau de la sécurité et un manque d’actions promptes pour endiguer cette pratique. 
 
Cette fois, les autorités ont été plus réactives. Le responsable de la Mediterranean Shipping Company a d’ailleurs félicité la CHCL pour les mesures prises après l’éclatement du scandale. On peut se demander si ces mesures n’auraient pas dû être décidées en octobre, lorsque les premiers cas de vols ont été constatés.
 
Qui est responsable de la sécurité dans la zone de transbordement ? La MPA, la CHCL, la «Mauritius Revenue Authority» ou la police ?
 
En conformité avec la Ports Act 1998, certaines opérations portuaires ont été allouées à la CHCL sous deux contrats de concession. L’un pour l’ancien terminal et un autre pour le nouveau terminal de conteneurs. Toutes les zones opérationnelles sont sous le contrôle de la CHCL, qui a la responsabilité de veiller à la sécurité de tous les conteneurs en sa possession, c’est-à-dire les conteneurs import et export ou en transbordement, à partir du moment où ceux-ci arrivent à Port-Louis.
 
Que doit faire la CHCL pour endiguer les vols dans les conteneurs ?
 
La CHCL est au courant de toutes les activités sur le terminal des conteneurs. À mon avis, chaque activité doit être minutieusement supervisée afin de déceler les failles éventuelles qui pourraient inciter au vol. Il n’y a qu’une seule voie d’entrée et de sortie à ce terminal et celle-ci doit être contrôlée par les agents de la CHCL et non par les agents de sécurité contractuels, qui ne savent même pas ce qu’ils sont censés vérifier.
 
Le contrôle à l’entrée et à la sortie doit être sur la base de 24/7 et la présence d’un officier expérimenté de la CHCL serait idéale. Il faut aussi revoir le système de surveillance vidéo, veiller à ce que l’actuel fonctionne bien et identifier les zones sensibles pour y installer des caméras supplémentaires. Il faudrait aussi sensibiliser tout le personnel afin qu’il informe qui de droit de toute activité suspecte.
 
Maurice peut-il perdre sa position de leader dans la région au profit d’autres ports voisins ?
 
Je suis bien aise de constater que la compagnie maritime principale qui dessert Port-Louis est revenue à de meilleurs sentiments suivant les mesures prises par la CHCL concernant les vols et la productivité. Je suis d’avis que cette vigilance doit être permanente et exercée comme mesure de prévention perpétuelle.
 
Le secteur maritime étant en constante évolution, il nous faut améliorer nos services pour maintenir notre pole position. Il y a la question de productivité (grue/heure brut) qui, à mon avis, doit être de +25 mouvements et cette performance est largement réalisable. Si les quatre véhicules alloués à chaque portique arrivent à effectuer, chacun, une rotation de dix minutes, la productivité minimale de 24 mouvements/ heure est atteinte.
 
À l’export, cette performance peut être améliorée avec un meilleur planning et une meilleure supervision. Il faut aussi doter le terminal d’engins de stockage en fonction du nombre de portiques. Le terminal a été conçu pour des opérations avec des RTG – les rubber tyred gantry cranes, soit les grues sur pneus – pour pouvoir fournir une performance acceptable.
 
On doit avoir un nombre correspondant de RTG afin de maintenir une rotation rapide. La norme internationale est de 3,5 RTG par portique, ce qui fait que pour les cinq portiques existants, le nombre de RTG devrait être de 18. Nous n’avons que 8 RTG en ce moment.
 
On ne peut exiger du personnel une productivité élevée sans leur donner les outils adéquats. La CHCL doit avoir une politique cohérente pour l’ensemble des équipements au terminal. Les autres services portuaires doivent aussi veiller à l’efficacité de leurs prestations pour créer un ensemble propice à l’amélioration de l’image de Port-Louis.
 
Le transbordement à Port-Louis a-t-il encore de l’avenir ?
 
Le transbordement est un trafic volatil. Dans le passé, il y a eu plusieurs tentatives pour transborder des conteneurs à Port-Louis. On se souviendra du projet de la S.E.A.L et de P&O Nedlloyds. Ces projets furent de courte durée et les opérations ont cessé quand les lignes maritimes ont trouvé une solution plus avantageuse.
 
C’est un peu dans cette conjoncture qu’il faut envisager le transbordement à Port-Louis. L’exemple le plus récent est Maersk, qui a pratiquement stoppé le transbordement à Maurice malgré des conditions très avantageuses qui lui ont été offertes.
 
Cependant, il faut saluer l’ingéniosité de la Mediterranean Shipping Corporation qui, avec ses différents services, a pu établir un projet très sophistiqué de transbordement avec un mélange de Hub & Spoke et de Relay. Je suis d’avis que si les performances mentionnées sont atteintes, cette société pourrait continuer pendant très longtemps ses activités de transbordement à Port-Louis.
 
Les transitaires réunionnais avaient retenu vos services pour les aider à «chiper» les activités de transbordement de Port-Louis. Qu’en est-il exactement ?
 
Ils ne sont pas prêts à rivaliser avec Port-Louis. Leur problème est qu’ils doivent stocker tous les conteneurs vides dans leur enceinte portuaire. Il leur faudrait une dérogation de la loi française pour leur permettre de les stocker hors de Port Réunion, comme cela se fait à Maurice.