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Éric Ng: «Le Pr Bakhshi est de la vieille école»

3 juillet 2014, 10:31

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Éric Ng: «Le Pr Bakhshi est de la vieille école»

Voilà plusieurs années que la «Tertiary Education Commission» (TEC) enchaîne les scandales. Relations industrielles grinçantes, diplômes reconnus uniquement à Maurice, gestion suspecte des demandes de visas… Pour y mettre de l’ordre, un économiste gestionnaire : Éric Ng, le nouveau président du conseil d’administration. Explications.

 

Une «Research Officer» est suspendue une semaine après avoir accusé le directeur de la TEC de harcèlement. S’agit-il de représailles ?

Cela n’a rien à voir avec la plainte faite par cette personne au ministère du Travail. Nous avons fait une enquête tout à fait séparée sur elle, avec le soutien d’institutions extérieures. On a monté un dossier solide pour prouver ce cas de conflit d’intérêts. Il y a suffisamment d’éléments pour la suspendre. On suit les procédures et on a donné à la dame sept jours pour répondre en écrit.

 

Que risque-t-elle si le comité disciplinaire la reconnaît coupable ?

Elle sera licenciée. Vous ne pouvez pas travailler pour un régulateur et en même temps représenter une institution qui est réglementée par ce même régulateur.

 

Les quatre autres officiers qui ont porté plainte contre le directeur Bakhshi risquent ils également une suspension ?

Non. Pour l’instant, nous ne menons pas d’enquêtes sur les employés. Mais on regarde les performances. Il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de dossiers qui prennent du retard. Maintenant, nous sommes en train de mettre de l’ordre dans la maison et tout le personnel est appelé à travailler comme il le faut.

 

Vous admettrez que le timing de cette suspension est tout de même suspect ?

Nous n’avons aucun contrôle sur le calendrier médiatique. L’enquête a débuté il y a un mois. Certaines personnes sont allées faire une plainte, elles ont leurs raisons propres. S’il y a une enquête, cela se fait dans la discrétion. Puis, s’il y a matière à informer la personne concernée, on la met devant les faits et on l’invite à venir s’expliquer. C’est ce que le ministre Mohamed a voulu dire, je crois.

 

Des rumeurs circulent concernant l’utilisation de caméras de sécurité pour surveiller les employés. Sont-elles fondées ?

Elles sont là par mesure de sécurité, pas pour surveiller le mouvement des employés. C’est une pratique courante dans les entreprises. C’est à la vue de tout le monde. Ce ne sont pas des caméras cachées.

 

Depuis l’arrivée du Pr Bakhshi, il y a des échos fréquents de frictions entre les employés et lui. Y a-t-il un problème de relations industrielles à la TEC ?

Il n’y a pas de tension générale au sein de l’institution, mais une poignée de personnes qui n’aiment pas le style du directeur exécutif. C’est vrai que même moi, je trouve que le Pr Bakhshi a un old style of management.

 

Ce qui veut dire ?

C’est quelqu’un qui gère une institution par des instructions. Parfois, il y a des problèmes de communication. Il ne parle pas français et le créole. Il y a peut-être des conflits de personnalité entre certaines personnes et lui également. Mais bon, le Pr Bakhshi, jusqu’à preuve du contraire, n’a rien fait d’illégal ou d’illicite au sein de l’institution. On peut lui reprocher son style de management, mais il y a une hiérarchie à respecter.

 

À deux reprises, on a empêché le directeur Bakhshi de voyager. D’abord le PMO pour la tenue du «Mauritius International Knowledge Investment Forum» à Londres, puis votre prédécesseur pour un voyage à Rodrigues. Le directeur a-t-il un goût excessif des voyages ?

C’est simplement qu’il y a des problèmes beaucoup plus urgents à régler. Il faut se concentrer sur ces dossiers et trouver des solutions à ces problèmes. C’est une question de priorités.

 

Vous avez eu une rencontre avec le ministre du Travail (NdlR, la rencontre a eu lieu jeudi matin) concernant les plaintes de harcèlement. Qu’en est-il ressorti ?

J’ai eu une rencontre très cordiale avec le ministre Mohamed. Je lui ai expliqué les problèmes qu’on rencontre à la Commission. Il a été très compréhensif.

 

Ces problèmes, quels sont-ils ?

J’ai parlé des frictions entre ces quelques employés et l’Executive Director. Je crois que ce sont des problèmes de gestion qui peuvent être facilement résolus.

 

Il y a eu une décision à l’issue de cette rencontre ?

J’ai simplement clarifié la situation avec le ministre, qui a compris ma position. Je lui ai dit que je vais remplir certains postes vacants, surtout le Head of Quality Assurance et Head of HR. On y travaille afin d’avoir des relations industrielles saines au sein de la TEC.

 

Le dossier des universités indiennes n’arrête pas de causer des remous. La TEC a reconnu les diplômes, mais l’université de Delhi a refusé d’accepter un diplômé d’EIILM pour un master. Au final, ces diplômes ne valent rien en dehors de Maurice, n’est-ce pas ?

Au niveau de la TEC, nous avons fait ce quenous pouvons. Maintenant, si quelqu’un ne peutpas être admis dans une université étrangère,c’est hors de notre contrôle. On a un diplômequi vaut ce qu’il vaut.

 

Donc, les carottes sont cuites pour les étudiants d’EIILM et consorts ?

Il peut y avoir des pourparlers de gouvernement à gouvernement pour qu’il y ait plus de compréhension au niveau des institutions indiennes.

 

Il y a de nombreux cas de promoteurs qui disparaissent ou d’institutions peu réputées qui ne sont pas en règle. Vous trouvez que c’est en phase avec le concept de «world class education» ?

Il faut revoir le cadre réglementaire de l’enseignement supérieur à Maurice. Je crois que ce cadre-là est déjà archaïque. Il y a eu un récent exemple d’un promoteur qui a subitement disparu. Le problème, c’est qu’il n’y a rien dans les règlements de la TEC, qui datent de 2005, qui peut empêcher cela. Peut-être qu’il faut imposer une surety guarantee à toute institution au moment de son enregistrement. Si le promoteur disparaît dans la nature, on peut utiliser cet argent pour compenser les étudiants. On y réfléchit. On peut aussi proposer un Fee Insurance Scheme, comme à Singapour, dans l’éventualité que des étudiants rencontrent des problèmes.

 

Il y a eu beaucoup de confusion autour des visas étudiants que la TEC voulait octroyer. Est-ce que ce n’est pas se substituer au PIO ?

Il y a eu un cafouillage sur la question des visas. Les responsabilités n’étaient pas clairement définies. Le rôle de la TEC, en fait, se limite à donner des informations sur l’étudiant au PIO. C’est le PIO qui décide de donner les visas, pas la TEC.

 

Pourquoi ce n’est pas le PIO qui enquête sur ces étudiants ?

Ce ne sont pas des enquêtes. La TEC a des contacts avec les instituts de formation. Et les étudiants donnent toutes les informations à ces institutions quand ils viennent étudier. La TEC a l’autorité pour exiger que ces institutions donnent les informations nécessaires.

 

C’est quoi la finalité ?

Le but est de vérifier que la personne vient réellement pour étudier et non pour travailler au noir.

 

Parce qu’il y a déjà eu des cas de ce genre ?

Je ne sais pas, mais cela évitera qu’il y ait des clandestins. Cela dit, je suis tout à fait favorable à ce qu’un étudiant étranger puisse travailler un certain nombre d’heures pour financer ses études. Cela se fait dans tous les pays du monde.

 

Il n’y a pas de cadre légal pour cela actuellement ?

Je crois qu’il n’y en a pas, il y a un vide juridique. Mais le ministère y travaille.

 

La TEC patauge dans les scandales depuis plusieurs années. Vous croyez-vous capable de refaire sa réputation ?

Je pense que j’ai été nommé pour mettre de l’ordre au sein de l’institution. Je suis d’accord pour dire que si Maurice veut devenir un knowledge hub et attirer les institutions de réputation, il faut projeter une image sérieuse et intègre. Nous devons paraître crédibles et indépendants. Moi, je ne prends pas de directives du ministre de l’Enseignement supérieur. Nous avons un conseil d’administration expérimenté.

 

Le mandat de l’ancien «board» a expiré en 2008. La décision de revoir sa composition maintenant est-elle une admission de mauvaise gestion ces dernières années ?

Je ne saurais répondre à cette question. Le gouvernement a cru que c’était le bon moment pour le faire, pour donner un nouveau souffle à l’institution.

 

Après la DBM et la STC, vous débarquez à la TEC. Une telle popularité auprès du gouvernement s’explique généralement par le nombre d’affiches collées plutôt que les compétences. Quelle est l’explication dans votre cas ?

Je crois que je suis connu pour être quelqu’un d’intègre et d’indépendant, et de plus je fais toujours un travail sérieux. Je ne m’attire pas d’ennuis, c’est le plus important pour un gouvernement.

 

Vous avez une formation d’économiste. Ça se comprend pour la DBM et la STC. Mais avez-vous ce qu’il faut pour être à la tête de la TEC dans une telle situation de crise ?

Je crois que dans une situation de crise, il faut un gestionnaire. Je suis un gestionnaire et surtout un decision maker. Dans ces situations, il faut avoir le courage de prendre des décisions difficiles.