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Le choix d’Airbus par Air Mauritius passe mal aux États-Unis

4 août 2014, 20:32

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Le choix d’Airbus par Air Mauritius passe mal aux États-Unis
Les réactions s’enchaînent après la décision d’Air Mauritius de se tourner vers Airbus pour le renouvellement de sa flotte. Du côté des Américains, c’est la déception, et ils ne se sont pas gênés pour le faire savoir. «Nous sommes très déçus par la décision prise par Air Mauritius en faveur d’Airbus. Étant donné que Maurice a beaucoup bénéficié de l’African Growth and Opportunity Act, choisir Boeing aurait été un excellent moyen d’équilibrer les relations commerciales», déclare Patrick Koucheravy, Economic Officer à l’ambassade des États-Unis, à Port-Louis, par rapport à Maurice et aux Seychelles.
 
Il explique que l’objectif des États-Unis est de contribuer de manière concrète à la croissance du commerce et de l’investissement en Afrique. «Pour cela, nous saisissons les opportunités partout où nous les trouvons. Nous estimons qu’Air Mauritius aurait dû acheter les avions de Boeing parce que celui-ci offre le meilleur produit, un produit qui a déjà fait ses preuves sur le marché.»
 
Pour Vijay Makhan, ex-secrétaire aux Affaires étrangères, ex-n°1 du ministère mauricien des Affaires étrangères et ex-assistant secrétaire général de l’Union africaine, «le timing était inapproprié». Pour lui, c’est sur le plan diplomatique que le gros du travail devrait se faire.
 
Rajiv Servansingh, observateur économique, n’est pas d’avis que les Américains prendront des mesures de représailles à l’égard de Maurice à la suite de la décision d’Air Mauritius. Il explique que la décision de la compagnie nationale aérienne résulte de la prise en compte de nombreux critères techniques spécifiques et que, dans n’importe quelle circonstance, il allait y avoir un gagnant et un perdant.
 
Qu’importe, la décision d’Air Mauritius est intervenue à quelques jours même de la participation du Premier ministre, Navin Ramgoolam, au Sommet des chefs d’État africains, convoqué par le président des Etats-Unis, Barack Obama, et de la tenue de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) Forum auquel participeront une délégation dirigée par Arvin Boolell, ministre des Affaires étrangères, de même que des membres du secteur privé. La partie mauricienne entend défendre ses intérêts dans le cadre d’une démarche de l’ensemble des pays africains.
 

L’AGOA modifiée ?

 
Ces rencontres se déroulent à un moment où les États-Unis souhaitent renforcer leur empreinte économique et commerciale sur le continent africain. C’est ainsi que ce pays envisage petit à petit d’apporter des modifications à la formule actuelle de l’AGOA, la passerelle qui lui a permis, depuis 2000, de jeter les bases d’une coopération commerciale et économique avec l’Afrique.
 
À terme, le but est de faire en sorte que les échanges commerciaux avec les pays africains ne s’inscrivent pas dans le cadre restreint de l’AGOA, mais dans celui d’un accord de partenariat. Ce type d’accord sera signé avec les pays dont le niveau de développement économique – du point de vue des Américains s’entend – ne nécessite plus l’appui des incitations préconisées par l’AGOA. C’est dans ce contexte que le gouvernement américain envisage sérieusement d’introduire une clause dans la nouvelle édition de l’AGOA afin de cibler les pays qui ne devraient plus bénéficier des incitations de l’AGOA. L’Afrique du Sud et l’île Maurice seraient dans la visée des Américains.
 
Les Américains ont-ils tort lorsqu’ils soulignent l’apport de l’AGOA à l’économie mauricienne? Pas tout à fait. L’entrée en scène de l’AGOA a permis à Maurice d’augmenter de 95% ses exportations vers les États-Unis entre 2008 et 2013. Conséquemment, les recettes sont passées de Rs 3,463 milliards à Rs 6,746 milliards. Sur le plan de l’emploi, grâce à l’AGOA, quelque 5 000 postes ont été créés durant la même période, selon les statistiques fournies par la Mauritius Export Association. L’AGOA n’a pas permis à Maurice d’exporter vers les États-Unis uniquement des produits textiles mais également, par exemple, des bijoux ou des produits résultant de la transformation des ressources marines.
 
Et Maurice en redemande. Parmi ses revendications, il y a l’extension de la durée de l’AGOA et du principe d’approvisionnement auprès des pays tiers pour les matières premières pour une période de 15 ans. Mieux, elle ne souhaite pas être exclue de la liste des pays que l’AGOA devrait soutenir. L’heure pour les Américains de souhaiter une certaine forme de réciprocité semble avoir sonné. Seule une diplomatie dynamique permettra de concilier ces deux demandes en apparence opposées.