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Bernard Theys: «La fiscalité, problème majeur pour le secteur de la bière»
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Bernard Theys: «La fiscalité, problème majeur pour le secteur de la bière»
Alors que Phoenix Beverages a été épinglée pour collusion par la Competition Commission of Mauritius, Bernard Theys, Chief Executive Officer de la compagnie, revient sur cette affaire. Et, par la même occasion, il livre ses impressions sur le secteur de la bière, entre autres.
■ Epinglée pour collusion ; en violation de l’article 41 de la Competition Act : cela a été un coup dur pour l’image de Phoenix Beverages Ltd ?
Il faut d’abord situer le contexte dans lequel cette enquête a été effectuée. La compagnie Stag Beverages était en situation de faillite et avait décidé de se retirer du marché local. De ce fait, Phoenix Beverages Ltd (PBL) a souhaité acquérir des marques de boissons non alcoolisées commercialisées par Stag Beverages. Pour ce faire, PBL en a demandé l’autorisation à la Competition Commission of Mauritius (CCM). Il serait bon de faire ressortir que notre compagnie n’a jamais été intéressée par les activités brassicoles de Stag Beverages.
Lors de nos rencontres, la CCM a fait part de certaines inquiétudes concernant le marché de la bière avec le retrait de Stag Beverages. Du coup, nous avons volontairement donné toutes les informations à la Commission qui, de son côté, a décidé d’ouvrir une enquête. Pour ne pas être pris dans un litige qui aurait duré des années, et ce, au détriment des consommateurs et actionnaires, PBL a fait une demande d’adhésion au Leniency Programme, qui se base sur des principes de collaboration plutôt que de confrontation. Dans cette optique, en tant qu’entreprise avant-gardiste, nous avons volontairement proposé des engagements pour répondre aux interrogations de la CCM. Cependant, cette dernière, jugeant qu’il y avait eu collusion entre les deux parties, a infligé une pénalité.
PBL s’est bâtie une solide réputation durant 50 ans et cette investigation de la CCM a pu laisser croire que nous étions dans une situation de cartel et ternir notre image. Mais notre entière collaboration avec les autorités a clairement démontré notre bonne foi, préservant ainsi notre image.
■ Cette accusation de vouloir établir un cartel, suivie d’une amende de Rs 20 millions, du reste payée, démontre-t-elle que votre entreprise est coupable ?
Nous avons décidé, sans pour autant reconnaître nos torts, d’accepter les conclusions du rapport. Cela n’a jamais été l’intention – et ne le sera jamais – de PBL d’établir un cartel à Maurice. Phoenix, qui est la première bière mauricienne, a intrinsèquement une valeur sentimentale pour ses consommateurs, contribuant ainsi à sa popularité depuis plus de 50 ans. Sa position et sa notoriété, elle les doit aux consommateurs mauriciens et étrangers de par sa qualité qui a été reconnue mondialement. Elle est devenue, au fil du temps, un leader sur le marché de la bière.
■ Le prix de la bière est-il fixé pour les années à venir ?
Je soulignerai que la CCM ne nous interdit pas de modifier nos prix de bières mais simplement de leur notifier tout réajustement de prix lié aux changements de coûts de production, et cela, durant une période de quatre ans.
■ Allez-vous reprendre les marques de bière et de boissons non alcoolisées de Stag Beverages? Quid de ses employés ?
Nous n’allons reprendre aucune des marques de bière de Stag Beverages. Par contre, nous avons décidé de racheter la marque qui a une valeur sentimentale pour tous les Mauriciens depuis 45 ans : Eski. Nous allons commercialiser notamment les trois parfums phares : vanille, amande et fraise. Du reste, c’est avec fierté que nous annonçons cette nouvelle car nous connaissons la portée émotionnelle de cette marque dans le coeur de tous les Mauriciens.
Nous avons voulu pérenniser cette boisson nationale. Le consommateur mauricien, où qu’il soit, pourra savourer sa boisson nationale. Elle sera commercialisée dans les semaines à venir dans tous les points de vente à travers l’île et à Rodrigues. En ce qui concerne les employés de Stag Beverages, ils seront traités comme tout autre candidat pour des postes vacants.
■ Quelle est votre analyse de l’industrie des boissons (alcoolisées et non alcoolisées) à Maurice actuellement? Quelle est votre vision régionale ?
Le marché des boissons ne se résume pas uniquement aux boissons gazeuses mais inclut également des produits tels que l’eau embouteillée, les jus de fruits et les produits laitiers entre autres. De plus, avec le Common Market for Southern and Eastern Africa et la Southern African Development Community, le marché devient encore plus accessible aux produits importés et de ce fait, la compétition sur le marché local, où opèrent déjà de nombreuses compagnies mauriciennes, est accentuée. Il ne faut surtout pas oublier que les boissons gazeuses sont hautement taxées par rapport aux produits de substitution tels que les jus de fruits et les produits laitiers.
En ce qui concerne les boissons alcoolisées, notamment la bière, il faut souligner qu’il y a une concurrence de produits importés venant des géants de la région, notamment sud-africains, qui bénéficient d’économies d’échelle non envisageables à Maurice à ce stade et qui, de plus, communiquent au niveau international sur des plateformes accessibles aux Mauriciens.
Quant à notre vision régionale, malgré notre retrait de Madagascar, nous sommes toujours à l’affût d’opportunités. Nous sommes déjà présents à La Réunion et nous repensons actuellement notre stratégie régionale étant donné que le marché mauricien a atteint un niveau de maturité avancé.
■ Qu’en est-il de votre bilan depuis votre installation il y a quinze mois en tant que CEO ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Nous avons eu un volume de vente en hausse et un bilan financier positif. La compagnie a enregistré une hausse de 7% de ses revenus avec un profit opérationnel de Rs 356 millions, ce qui constitue une hausse de 23 % comparativement à l’année financière précédente. Les profits après impôts s’élèvent à Rs 654 millions. La vente de notre activité brassicole à Madagascarnous permet de mieux nous concentrer pour d’autres projets d’envergure régionale, notamment la production de nouvelles catégories de boissons.
■ Avez-vous une visibilité sur les deux ou trois ans à venir. Quels sont, selon vous, les possibles obstacles que PBL devra surmonter?
La fiscalité demeure un problème majeur pour notre industrie, ce qui rend nos produits de plus en plus coûteux pour nos consommateurs.
La compétition régionale au niveau des bières, avec l’ouverture des marchés, demeure une grande menace pour notre secteur. Par ailleurs, il est important de sensibiliser la population à l’importance de la protection de l’environnement, surtout au niveau du recyclage ; PBL a déjà énormément investi dans le recyclage à travers la Mauritius Glass Gallery et Polypet.
Il est important de souligner que nous récupérons près de 50 % de nos bouteilles en plastique qui sont recyclées. Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités afin d’améliorer ce pourcentage de récupération.
■ Simple constat : PBL a su positionner certaines marques (Coca, Fanta, Sprite) mieux que d’autres, comme Pearona. Que préconise PBL pour améliorer sa stratégie de marketing pour ces marques à la traîne ?
Au niveau de PBL, chaque marque a son importance, à égale valeur. Le choix des consommateurs fait la différence. Nous avons plusieurs projets en cours. Notamment la relance de certains produits appréciés des Mauriciens, comme Pearona. PBL vient de relancer, par ailleurs, la chopine de 200 ml de Coca-Cola et envisage de faire son entrée dans d’autres catégories de boissons. Il est important de souligner qu’en respectant les prix recommandés, ce sera toute la communauté mauricienne et les consommateurs en particulier qui en bénéficieront.
■ Boissons alcoolisées et gazeuses sont fortement taxées à Maurice. Est-ce que cette lourdeur financière tétanise la croissance de PBL et autres compagnies évoluant dans ce secteur ?
Il faut dire que le consommateur mauricien est injustement pénalisé au chapitre des prix des bières et boissons non alcoolisées. Le consommateur pourrait payer une bière à un prix abordable si l’industrie brassicole était taxée de manière plus juste. En effet, la bière à Maurice est taxée 50 % de plus que le rhum.
PBL est parmi les plus gros contributeurs de la trésorerie du gouvernement avec pas moins de Rs 2 milliards de taxes durant notre dernière année financière. Ceci a eu un impact non négligeable sur nos opérations. Nous avons dû, de ce fait, nous adapter à ce climat économique difficile en prenant des mesures pour renforcer la stabilité financière de l’entreprise. À terme, il sera de plus en plus difficile, non seulement pour PBL, mais aussi pour le secteur dans son ensemble, de faire face à toute nouvelle hausse.
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