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Fabiani Balisson: «Les jeunes qui ont des ambitions doivent éviter les partis mainstream»

16 octobre 2014, 09:58

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Fabiani Balisson: «Les jeunes qui ont des ambitions doivent éviter les partis mainstream»

Les deux principaux blocs politiques ont évoqué leurs priorités. Pourtant, ils ne parlent pas de politique énergétique. Cela vous inquiète-t-il ?

L’alliance PTr-MMM a évoqué le fait d’utiliser moins de combustible fossile. Mais ce sont des déclarations d’intention. Paradoxalement, depuis le lancement du concept Maurice île durable, la production d’énergie renouvelable a baissé. Quant aux 12 axes présentés par l’autre alliance, aucune mention de politique énergétique.

 

Si la question n’est pas à l’agenda du prochain gouvernement, quelles sont vos options ?

Une des raisons pour lesquelles nous avons participé à la conférence aux îles Samoa, était pour créer des partenariats internationaux. Le dernier en date est avec l’International Coal Network. Ils sont d’accord pour financer une campagne de sensibilisation durant les élections.

 

Vous avez évoqué le cas de CT Power. Le fait de cristalliser le débat autour de cette seule centrale ne joue-t-il pas contre la cause écologiste ?

Il ne faut pas courir après plusieurs lièvres, au risque de ne rien attraper. La stratégie était de se concentrer sur CT Power, pour une simple raison. Aujourd’hui, le pic de consommation a atteint 460 MW. Si un nouvel acteur pénètre notre réseau avec 115 MW, cela fera un cinquième de notre total. Ce n’est pas le charbon le problème, mais la centralisation. On met sur pied une centrale de 115 MW pour 30 ans alors que la technologie sera obsolète dans deux mois.

 

Une des raisons avancées par les Finances pour bloquer le projet E10 est que ce sont surtout les sucriers qui en bénéficieraient. Est-il possible de vraiment démocratiser l’énergie verte ?

Il faut réfléchir de manière créative. Le Central Electricity Board l’a fait avec les ampoules économiques. Ce qui a permis de faire des économies de 15 MW en période de pic. Il y a déjà des incentives de Rs 10 000 pour les chauffe-eau solaires, mais beaucoup auraient trouvé intéressant d’investir dans une petite station à énergie solaire s’il y avait ce type de mesures. Les banques pourraient inclure dans leurs offres pour les Home Loans des facilités pour une maison autonome en énergie.

 

Du côté de l’alliance PTr-MMM, on a cette obsession de la croissance à 5 %. Un tel objectif est-il compatible avec la question écologique ?

On parle de faire de Maurice un pays à revenus élevés. Bien, mais comment soutenir ? En construisant encore deux centrales ? En tant que layman, 5 %, cela ne me dit rien. Ce qui intéresse l’homme de la rue, c’est combien son panier ménager lui coûtera.

 

Il n’y avait pas foule dans les meetings du 12 octobre. L’abus des slogans creux expliquerait-il ce manque d’intérêt ?

C’est une campagne intéressante. Il y a moins de banderoles pour commencer. Beaucoup de choses se font au niveau des radios privées, à travers des débats. Les gens disposent d’un moyen pour dire ce qu’ils veulent. Les dirigeants politiques sont attentifs à cela.C’est pour cela que leurs discours changent souvent. Les gens sont blasés. Ils ont constaté qu’avec leur vote, ils ne peuvent changer que les acteurs du système, pas le système lui-même.

 

En clair, tous les partis en activité se ressemblent trop ?

Tous les partis politiques ont la même position. Ils sont de gauche. Mais quand ils arrivent au pouvoir, la politique est celle de centre droite. Quant à ceux qui se disent de l’extrême gauche, ce sont plutôt des charlatans. À chaque fois qu’il y a un soulèvement, ils le hijack et, au final, il n’y a aucun changement. Prenez le cas du Best Loser System. On ne l’élimine que sur papier. Pourquoi en est-on là ? Parce qu’on a demandé l’élimination du système sans proposer d’alternatives. Et ce sont les partis mainstream qui l’ont fait, en profitant de l’occasion pour y glisser une IIe République qui ne sert que leurs intérêts.

 

Ne pas avoir à déclarer son appartenance ethnique pour être candidat, c’est quand même mieux que rien, non ?

Définitivement. Mais il y aura toujours des gens qui diront qu’il faut le Best Loser, ou un système similaire avec un nom différent. Les gens pensent toujours que s’associer à ceux qui sont de la même religion qu’eux leur assurera une sécurité.

 

Les partis traditionnels n’ont pas grand-chose à offrir, les partis qui se posent en alternative non plus… Il reste quoi comme option ?

Les jeunes. Il faut qu’ils aient de l’audace. On ne met pas de vin nouveau dans de vieilles outres. Les jeunes qui ont des ambitions doivent éviter les partis mainstream. Le système est si pourri qu’en l’intégrant, on devient tout aussi pourri. La vie démocratique, cela ne se passe pas qu’au Parlement. Il y a une force extraparlementaire qui commence à grandir.

 

C’est en dehors du Parlement que se trouve la solution ?

Il faut que ces jeunes se rencontrent et proposent des alternatives. Avec un peu de chance, en 2020, une troisième force émergera. Il faut une nouvelle sève. Au cours des cinq prochaines années, les gens gagneront en maturité. Pour ces élections, ils ne voteront pas pour des partis, mais pour des candidats.

 

Votre ancien camarade Yannick Cornette a rejoint le PMSD, un des partis  mainstream. Vous désapprouvez ?

Peu importe la route qu’il a choisie, j’espère qu’il réussira à apporter un changement. Il a choisi d’intégrer un parti mainstream pour changer celui-ci de l’intérieur. Moi, j’ai toujours cru qu’on pouvait le faire de l’extérieur.

 

Est-ce que ce n’est pas abdiquer au final ? Car le pouvoir de décider revient tout de même à ceux qui sont au Parlement…

Le Mauricien n’a pas compris que le député est là pour le servir, pas le contraire. Les politiciens vont faire du clientélisme. S’ils voient que tous sont en faveur des énergies renouvelables, par exemple, ils seront forcés d’agir en conséquence.

 

Les politiciens ont aussi d’autres «clients» plus influents et aux intérêts qui divergent de ceux de leurs mandants : ceux qui les financent...

C’est vrai qu’on a mal abordé la question de réforme électorale et de Best Loser. Pourquoi attendre les élections pour réglementer le financement ou un quota de candidats si tout le monde est d’accord sur la question ?

 

La désillusion des jeunes se traduira-t-elle en une forte abstention pour les élections ?

Aujourd’hui, les 18 à 32 ans représentent 35 % des votants. Malheureusement, ceux qui peuvent changer les choses sont aussi ceux qui préfèrent rester à la maison.

 

C’est donc un peu de leur faute ?

Justement. Quand on n’est pas d’accord, il faut le faire savoir. Tant que le vote blanc ne sera pas comptabilisé, rester à la maison ne fera pas changer les choses. J’ai 30 ans et je n’ai jamais voté. Je ne veux pas choisir entre le pire et le moins mauvais. Mais aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins. On veut changer ma Constitution. Je suis obligé de faire en sorte qu’on barre la route à ceux qui le font dans leurs intérêts.

 

Vous dites que vous voterez pour l’Alliance Lepep ?

Non, je n’ai pas dit ça.

 

La proposition de droit de vote à 16 ans, pour les collectivités locales, est-elle utile ?

Les jeunes ont d’autres priorités. Le vote à 16 ans ne va rien changer. Iront-ils voter ? Ils se disent qu’ils sont tous pourris. Et ils ont raison.

 

Vous avez été membre de la Jeunesse militante. Quel regard jetez-vous sur les contorsions de votre ancien leader, Paul Bérenger ?

Je crois que tout le monde arrive à la même conclusion, même ses plus fervents défenseurs: c’est une trahison. Mais, il ne voit rien. Il n’y a que des suiveurs

et des flatteurs autour de lui.