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Eau: pas tous égaux
Si «dilo pou arete 9 er» dans certaines régions, dans d’autres, «li pa koul ditou pandan de trwa zour», martèlent de nombreux habitants de différentes régions. Et, alors que les standards des radios privées, dont Radio One, sont inondés d’appels quotidiens émanant de consommateurs qui souhaitent déverser leur colère, que la météo annonce une saison estivale bien arrosée et que le président de la Central Water Authority (CWA), Prem Saddul, annonce que les coupures drastiques ne sont pas à l’ordre du jour, comment expliquer la galère dans laquelle se retrouvent ceux qui nagent en eaux troubles? Ouvrons la vanne à questions.
Débordé, entre 50 appels, 25 ordres aboyés à la tête des inspecteurs, 15 «clients» mécontents et deux dessous de bras auréolés de sueur, Mamade Bandhoo, responsable de la cellule d’urgence de la CWA, se jette à l’eau. Premier cas symptomatique: celui de l’avenue C. Dunant, à Quatre-Bornes. Exaspérés et assoiffés de réponses, les habitants ont failli déclencher une émeute dimanche dernier. Car, cela fait «plus d’un an que nous souffrons à cause du manque d’eau, surtout le week-end. Et dimanche, c’était la goutte de trop», disent ils. «C’est désormais chose du passé», a assuré Mamade Bandhoo, qui a tenu à se rendre sur place, jeudi matin. «Nous avons effectué des travaux et installé des tuyaux au coût de Rs 150 000 à la croisée des avenues Victoria et Belle-Rose afin de régler le problème», souligne-t-il.
La source a-t-elle été identifiée? Selon le responsable de la cellule d’urgence, ce qu’il faut savoir, c’est que «l’eau des réservoirs n’atterrit pas directement chez le consommateur». Elle passe par la station de traitement avant d’être acheminée vers des service reservoirs installés dans chaque région. De là, elle coule vers les robinets. Dès lors, fait ressortir Mamade Bandhoo, plusieurs facteurs entrent en jeu. «Il y a la topographie des lieux. Plus vous êtes en hauteur, plus la pression est basse et c’est le cas de cette partie de la ville des fleurs, desservie par le service reservoir de Candos.»
Par ailleurs, fait-il valoir, 80 % de l’eau utilisée par les habitants alimentés par Mare-aux-Vacoas (MAV) Lower, proviennent des nappes phréatiques. Et certaines sont mal en point. Pourquoi ne pas puiser l’eau des réservoirs qui sont remplis à environ 68 %, en moyenne? «C’est le cas. L’eau de MAV Lower est distribuée à Quatre-Bornes, l’Ouest, Beau-Bassin-Rose-Hill, Plaisance et Stanley, entre autres. Cela équivaut à 25 000 m3.» Et de préciser qu’outre MAV Lower, le pays est divisé en cinq autres zones: le Nord, le Sud, l’Est, Port-Louis, MAV Upper.
Autre chose que l’on a du mal à comprendre : comment, parfois, dans une même rue, les voisins nettoient le bitume à coup de Kärcher pendant que le camion-citerne fait le va-et-vient en face? «Là, il s’agit d’une question de ligne et de tuyauterie. Il se peut, en effet, que l’eau coule à flots dans une rue et que celle d’à côté soit affectée par les coupures. Cela dépend également des service reservoirs. Pour comprendre, reprenons le cas de l’avenue Dunant. Elle dépend, comme je vous l’ai dit, de celui de Candos alors que de l’autre côté, l’avenue Belle-Rose est reliée à celui de Clairfonds.»
Quid de la distribution? Pourquoi tant d’inégalité? Les consommateurs ne risquent-ils pas de bouillir de rage en apprenant que Sodnac, Valentina, Sorèze ou Chamarel, entre autres, sont approvisionnés 24 heures sur 24 alors qu’a Trois-Mamelles, par exemple, l’eau n’est disponible que pendant 10 heures? «Le facteur qui entre en jeu ici, c’est la densité de la population. Moins il y a de monde à un endroit desservi par un service reservoir, plus il y a d’eau. Et puis, des régions comme Sodnac ont des tuyaux en PVC qui ont été installés récemment, lorsque les morcellements ont vu le jour.» Alors que dans d’autres régions du pays, «ils datent de Mathusalem. C’était le cas d’environ 40 % de tout le réseau. Mais sachez que nous travaillons d’arrache-pied pour y remédier».
Des tuyaux vétustes
En ce moment, les ouvriers de la CWA suent d’ailleurs sang et eau du côté de Résidence Kennedy, à l’avenue de La Paix, plus précisément. Mercredi, des consommateurs, au bord de la crise des nerfs, sont descendus dans la rue pour faire part de leur ras-le-bol face à la pénurie d’eau. Le «sourire est toutefois revenu depuis ce matin (jeudi, NdlR)», lance Giovanni, tout en lavant sa voiture à grande eau. «Non, nou pa pe gaspiy delo. Cela fait un mois que nous ramons. Nous survivions grâce à des bouteilles et des bidons que l’on se hâtait de remplir. La situation s’est améliorée. Pourvu que ça dure.» Pour Mamade Bandhoo, «la vétusté des tuyaux est là encore responsable. Nous sommes en train de les remplacer ici. L’installation de valves est également en cours, comme vous pouvez le voir».
Le responsable de la cellule d’urgence de la CWA donne, dans la foulée, d’autres tuyaux pour justifier le calvaire de plusieurs Mauriciens. «Je ne vais pas vous mentir, je me noie tous les jours sous une cascade d’appels émanant de clients habitant le Nord, le Sud, le centre, l’Est ou l’Ouest, qui me disent qu’ils n’ont pas d’eau. Certains m’aspergent d’insultes. Parfwa mank gagn bate tou me nou esey fer nou travay byen kouma bizin. Fer bann dimounn kone.»
Est-ce vrai de dire que les plaintes sont plus nombreuses aujourd’hui qu’il y a cinq ans? «Ah non ! Cela fait 35 ans que je travaille à la CWA et je peux vous dire, même si je n’ai pas le temps de respirer maintenant, qu’avant, c’était bien pire!» lâche Mamade Bandhoo. Sur le ton de la confidence: «Ena fwa kan banla fouye pou met sewerage, zot kass nou tuyo par aksidan, comme à l’avenue Seeneevassen, à Quatre-Bornes. Zot pe fer enn bon travay, me arive sa.» Résultat des courses: les fuites peuvent faire baisser la pression de l’eau.
Pourquoi la CWA ne profiterait-elle pas de ces fouilles pour remplacer les vieux tuyaux? «C’est ce que nous avons fait par endroits. Cependant, les procédures tardent parfois et le projet tombe à l’eau. Mais le chantier, vaste certes, est en cours. Et puis après le Midlands Dam, le Bagatelle Dam devrait également venir soulager nos abonnés.»
Réservoirs souterrains
Pour les aider à garder la tête hors de l’eau, quelque 20 camions-citernes et trois kamyon taxi sillonnent le pays. «Pa kapav konte ki kantite voyaz ki zot fer par zour.» Par ailleurs, «gouvernma donn fasilite pou tank pou bann dimoun ki gagn mwins ki Rs 15 000. Li inportan ki ou ena li», fait-il valoir.
Cela veut-il dire que les particuliers qui ont des réservoirs souterrains sont plus égaux que d’autres? «Oui, ceux qui ont ce type de tanks sont mieux lotis. Tout le monde n’a hélas pas les mêmes moyens, mais cela, ce n’est pas de notre ressort.»
Finalement, qu’en est-il des vols d’eau? Les cas d’abus sont-ils nombreux? «Hélas il y a en a toujours qui essaient de faire les malins. Déjà, pour installer une pompe, un particulier ne peut pas la brancher directement à la ligne pour ne pas pénaliser les autres. Nous avons une Fraud Squad qui est à l’oeuvre et gare à ceux qui tentent l’expérience ou qui essaient de trafiquer les compteurs», prévient Mamade Bandhoo, tchatcheur invétéré et intarissable en ce qu’il s’agit de son métier.
Pour tenir le coup, admet-il, il faut faire le plein d’énergie comme les navires font le plein de carburant. «Teign dife akoz delo, ou krwar fasil sa?»
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