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Hans Herchenroder, président du MEXA Logistics Council: «Il faut revoir le fonctionnement des services portuaires»

12 novembre 2014, 07:00

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Hans Herchenroder, président du MEXA Logistics Council: «Il faut revoir le fonctionnement des services portuaires»
Un des objectifs du conseil de la chaîne de logistique de la Mauritius Export Association (MEXA) est de rendre le secteur de la logistique le plus visible possible aux opérateurs. Grâce aux développements, ce secteur leur offre une panoplie de services leur permettant de se concentrer sur leur coeur de métier.
 
Vous organisez en ce moment une semaine d’activités consacrées au secteur de la logistique. Qu’est-ce qui justifie ce besoin de revendiquer plus de visibilité sur la scène socio-économique ?
 
Nous sommes les professionnels de la gestion de toute la chaîne logistique, c’est-à-dire de tout le flux physique des activités commerciales occasionnées par l’importation et l’exportation. Le secteur de la logistique est le centre nerveux de la vie économique du pays. Notre secteur est concerné par l’expédition maritime ou aérienne, les démarches en douane, la réception, l’entreposage, le transport et la distribution des produits jusqu’à leur destination finale.
 
Depuis ces quatre ou cinq dernières années, le secteur de la logistique a enregistré une évolution remarquable. Cette évolution a entraîné dans son sillage d’importants investissements ainsi que le développement d’importantes infrastructures et l’émergence d’un savoir-faire pour ce qui est de la gestion de l’enchaînement des opérations sur le terrain. Cette évolution est porteuse d’innombrables possibilités pour faire de l’efficience une réalité de notre quotidien.
 
Nous pouvons démontrer qu’il est possible de faire les choses autrement, mieux avec plus d’efficacité et d’efficience. La gestion de façon professionnelle de la chaîne logistique est une nécessité absolue dans une économie naissante comme celle de notre pays. Ce secteur est promis à un bel avenir. Sa croissance dépend des volumes des transactions. La seule façon d’y parvenir c’est non seulement de développer davantage notre volume de transbordement ; mais aussi de faire de Maurice un centre de transformation pour d’autres économies – celles des pays africains par exemple.
 
 
Quelle est donc la principale contribution du secteur de la logistique à l’économie nationale ?
 
C’est un secteur à part entière qui regroupe 300 sociétés et emploie quelque 2 500 personnes. L’apport de ce secteur ne se limite pas qu’à cela. Sa plus grande contribution reste sans conteste la possibilité qu’il offre à des opérateurs économiques de ne se préoccuper que et de n’investir que dans leurs coeurs de métier (core business).
 
Les professionnels de la logistique s’occupent de tout – de la réception, de l’entreposage en passant par l’expédition des produits selon un cahier des charges spécifique jusqu’à la destination finale. Grâce à l’externalisation, les sociétés spécialisées dans la logistique peuvent à travers des économies d’échelle, réduire les coûts qui auraient été de toute évidence supérieurs si ceux-ci étaient à la charge des opérateurs économiques.
 
Il s’agit, entre autres, du coût des investissements d’infrastructure pour l’entreposage, les coûts de la main-d’oeuvre, les polices d’assurance contre les risques d’incendie, de vol et d’intempéries.
 
 
Le recours à l’externalisation est-il entré dans les moeurs ?
 
Oui et non. Oui parce qu’il existe des opérateurs qui ont compris que les prestataires de services dans le secteur de la logistique leur offrent une chance inouïe de se focaliser sur leur core business et de profiter des économies d’échelle que l’externalisation peut apporter.'
 
Il y a également d’autres opérateurs qui ont intégré leur filière de logistique à l’ensemble de leurs opérations. Ce sont des sociétés qui font tout elles-mêmes car elles continuent à croire que la meilleure formule est de tout faire et de tout contrôler soi-même. On rencontre aussi beaucoup de résistance au sein des entreprises familiales car le recours à des opérateurs externes est perçu comme un risque potentiel d’empiétement sur les affaires de la famille. Puis, il y certains qui souhaitent voir leur «brand» sur leur camion de livraison.
 
Il y a des situations où quatre camions font une livraison dans un même supermarché. La pression sur les marges fera que les opérateurs commenceront à voir comment faire du bottom line growth. Imaginez les économies sur le plan énergétique si les différents entrepôts frigorifiés pouvaient être centralisés.
 
 
On peut imaginer facilement que la mise en place des opérations associées à la chaîne de la logistique repose sur des compétences éprouvées. En avons-nous suffisamment ?
 
Nous sommes bien loin de l’époque où ceux qui se joignaient à ce secteur étaient considérés comme des recalés du cycle secondaire qui n’ont même pas pu réussir leurs examens de fin d’études. De plus en plus, des gens extrêmement qualifiés entrent dans ce secteur et la demande continue de croître. Je cite entre autres les logisticiens. Ils ont la maîtrise et le savoir-faire en matière de logistique.
 
Il n’est pas interdit de penser que nous avons un embryon de compétence qui va certainement se développer et permettra à ce secteur d’évoluer au même niveau que les grands centres commerciaux. Nous sommes une petite économie. Si on passait notre temps à égrener ce que l’on n’a pas, on n’en finira jamais. Il s’agit d’être pro-actif en ayant une vision à long terme du devenir même du secteur de la logistique. Ce qui, d’une part, présuppose qu’on soit en mesure d’identifier systématiquement et régulièrement nos besoins en termes de ressources humaines et de logistiques et, d’autre part, que l’on ait une volonté d’imaginer les solutions appropriées. Le gouvernement et le secteur privé doivent prendre une part active dans la mise en place de ces programmes d’action découlant de cet exercice d’évaluation des besoins.
 
 
Vous avez certes apporté des arguments pour soutenir la thèse que le secteur de la logistique est bien implanté dans le pays. Soit. C’est un fait que ce secteur n’évolue pas dans l’isolement ! L’efficience que vous lui attribuez n’est-elle pas tributaire de la nécessité que tous les opérateurs bougent dans la même direction, même à des rythmes différents ?
 
L’efficience dont il est question ici passe obligatoirement par le renforcement de la capacité de manutention de la Cargo Handling Corporation. Ses portiques doivent être en mesure d’effectuer plus de 20 à 25 mouvements par heure et par grue, 24h/24 et 7j/7. Ce qui va permettre au secteur privé d’y greffer par la suite sa part d’efficience.
 
Dans les pays avancés, ce chiffre est de 45 à 50. C’est à ce prix que nous serons en mesure de nous mesurer à nos concurrents régionaux dont les principaux sont le port de Durban et celui de Coega. Dans deux ans, le quai du port de Port-Louis aura été prolongé et doté de deux nouveaux portiques. Nous sommes certes dans la bonne direction mais en retard. C’est une initiative qui aurait dû avoir été réalisée depuis des années.
 
Le port de Coega peut accueillir les navires de la dernière génération, tandis que le port de Durban est agrandi et approfondi en ce moment même. Ils ont un autre avantage que nous n’avons malheureusement pas. Il s’agit d’un marché captif. Un facteur qui, aujourd’hui, leur permet d’être les seuls maîtres à bord.
 
 
Vous venez d’évoquer la nécessité pour Port-Louis de rehausser le niveau de sa productivité. Pensez-vous qu’après la réalisation du projet de modernisation du port, la productivité sera au rendez-vous ?
 
Que demandons-nous, sinon de l’efficience. Si nous n’éliminons pas certains facteurs dans le mode de fonctionnement des services portuaires, l’augmentation de la productivité est compromise. Il s’agit, entre autres, de la menace de recourir aux grèves pour le règlement de conflits industriels.
 
Le droit des employés à se syndiquer et à défendre leurs conditions de travail n’est pas un problème. Ce qui l’est par contre, c’est le risque que la productivité soit reléguée au deuxième plan.
 
Il y a un autre facteur qui risque de compromettre toute possibilité de nous hisser au niveau des ports de la région. Il s’agit de l’incohérence dans le mode de fonctionnement. Les services de déchargement des conteneurs s’effectuent sur une base régulière mais les heures de travail au niveau des Container Freight Stations gérées par les douaniers sont de 8 à 16 heures. Il en va de même au sein des compagnies privées spécialisées dans la fabrication de produits pour l’exportation et qui ne veulent pas travailler en dehors des horaires préétablis.
 
C’est toute une culture qu’il va falloir changer. Nous avons de très belles infrastructures routières mais la livraison se fait en pleine journée au lieu de la nuit ou au petit matin. Les données publiées par Statistics Mauritius le sont dans un délai de trois mois alors qu’avec l’informatique, la périodicité aurait dû avoir été considérablement réduite. Ce qui aurait contribué à réduire sensiblement la période entre deux prises de décisions stratégiques.
 
On fait de beaux projets sur papier mais on tarde à les mettre à exécution. Le service de manutention des conteneurs tourne 24/7 mais pas le service de dédouanement. Le recours à des opérations manuelles se pratique toujours alors que l’électronique est à portée de main. Des opérateurs préfèrent débaucher les compétences chez leurs concurrents au lieu de se doter d’une stratégie de formation susceptible de produire les compétences qui leur font défaut.
 
Il ressort, de votre analyse, qu’il est bien possible de réduire certains coûts grâce à une rationalisation du mode d’opération. Les effets des réductions qu’il est possible d’engranger sur la chaîne même de la logistique parviennent-ils au porte-monnaie du consommateur ?
 
Il faudrait plutôt parler d’optimisation des coûts. Autant il est possible de réduire des coûts, autant il y a des coûts qui augmentent. Par exemple, les coûts fixes des sociétés engagées dans la logistique sont conséquents.
 
Dans notre situation où il y a une véritable concurrence, cela devrait déboucher sur une réduction des coûts. Il y a des grandes surfaces qui peuvent envisager une réduction de leur coût si le recours à l’externalisation de certains services s’avère plus profitable que d’en prendre charge soi-même. Nous évoluons dans un environnement capitaliste où le retour sur les investissements est une réalité. Il n’est pas interdit à un opérateur de multiplier les situations où il lui est possible d’augmenter ses profits. Si jamais le mode de fonctionnement dans le secteur aboutit à une réduction de certains coûts, celle-ci ne peut concerner que les opérations au niveau de la chaîne.
 
Nous ne sommes pas engagés au niveau du commerce de détails. Donc, nous ne sommes pas en mesure de vérifier si les économies réalisées au niveau de la chaîne sont partagées d’une façon ou d’une autre au consommateur lambda que nous sommes tous.