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Le défenseur de philosophies urbaines durables

6 décembre 2014, 15:11

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Le défenseur de philosophies urbaines durables
Si à Maurice, Zaheer Allam a souvent eu l’impression de prêcher dans le désert, en Australie, où il vit, et ailleurs, il est perçu comme l’une des nouvelles voix du développement durable. Il vient d’ailleurs d’être désigné parmi les «Ten Outstanding Young Persons of the World» par la Jeune chambre internationale.
 

C’est dans la catégorie Leadership Moral et/ou environnemental que ce jeune de 27 ans a obtenu ce titre. Prix qui lui a été décerné par Shine Bhaskaran, président de la JCI, lors du congrès de cette instance et auquel assistaient 4500 personnes de plus de 100 pays. Manifestation qui s’est tenue à Leipzig en Allemagne. Neuf autres personnes ont été primées ce jour-là mais Zaheer Allam était le plus jeune. C’est sur la base de ses plaidoyers liés aux énergies renouvelables à Maurice et ses travaux de recherches sur l’urbanisme résilient et durable à l’échelle mondiale qu’il a reçu cette distinction.

 

Bien qu’il dise ne pas œuvrer pour obtenir de reconnaissance, ce prix représente pour lui « un honneur d’être reconnu sur une telle scène internationale en Allemagne alors qu’à Maurice, on rencontre de la résistance au changement et les idées partagées restent lettre morte ». Voilà qui est très direct.

 

Zaheer Allam dont les parents Nazma et Khaleel sont des employés de banque à la retraite, est né et a grandi à Maurice. Au collège St Mary’s où il fait ses études secondaires, il s’intéresse au design, à la technologie et à l’informatique. Au final, l’architecture comme spécialisation lui semble la filière idéale à suivre car elle englobe ces trois composantes.

 

En 2008, il part pour la Malaisie et entame des études supérieures en architecture. En cours de route, il réalise toutefois que les architectes sont souvent des « égoïstes qui conçoivent des espaces de formes différentes et dans lesquels ils s’attendent à ce que les gens vivent en famille. Nous le faisons sans penser aux conséquences de ces espaces et formes que nous créons. C’est une responsabilité lourde et incroyable et nous manquions à notre mission sans le réaliser. C’est en m’intéressant aux travaux de Nikos Salingaros, considéré à l’échelle mondiale comme le 11e penseur urbain de tous les temps et parmi les 50 visionnaires du monde que j’ai compris que nous devons réorienter notre vision vers des philosophies basées sur la régénération de notre tissu urbain ».

 

Zaheer Allam contacte alors Nikos Salingaros et après quelques échanges, il bifurque vers des études de gestion de projet, tout en s’intéressant de près à l’urbanisme. «Si je n’ai pas poursuivi dans la voie de l’architecture, c’est parce que je refusais de contribuer à la déconstruction de la culture et à promouvoir une tendance illogique. Il m’a fallu tout stopper, prendre du recul et réévaluer ma voie. S’il y a une chose que je voulais par-dessus tout, c’est apporter une contribution à mon pays et au monde », explique-t-il.

 

Après avoir obtenu des qualifications professionnelles en Leadership in Energy and Environmental Design, il voyage énormément et observe les environnements bâtis dans lesquels il se déplace. En 2011, il regagne Maurice où vivent encore ses parents et en 2012 au plus fort des discussions nationales sur les alternatives aux énergies fossiles, il co-fonde avec Fabiani Balisson, la Plateforme Citoyenne, qui milite justement pour les énergies renouvelables. Sa contribution à l’écologie interpelle et il se voit attribuer le Mauritius Excellence Award.

 

A un niveau plus personnel, il défend un tissu urbain durable localement et internationalement. Appelé à s’expliquer sur cette question, Zaheer Allam déclare qu’il s’agit d’un tissu urbain conçu avant tout pour les gens, à un niveau piétonnier. «Le tissu urbain est très important car nous n’essayons pas seulement de regrouper les maisons mais nous pensons aussi aux différentes ressources qui dirigent les villes comme la fourniture d’eau, d’énergie, l’alimentation, le transport, la santé, l’économie, la culture. Tout est lié. Il y a tant de paramètres à considérer et c’est complexe. La tendance actuelle qui est de se concentrer sur des paramètres limités va finir par tout détruire. Il est donc impérieux de concevoir des modèles plus appropriés aux villes qui vont favoriser la vie. Pour cela, il faut étudier la nature et les principes naturels d’abord et les adapter à l’environnement bâti pour façonner par la suite des modèles urbains plus appropriés aux schémas de vie ».  

 

Convaincu par la philosophie urbaine durable, le jeune homme essaie d’inspirer les décideurs mauriciens en contribuant aux journaux. Mais ses écrits trouvent bien peu d’échos. «Et même lorsque vous contactez directement  les décideurs, c’est très dur de retenir leur attention », avoue-t-il.

 

A la fin 2013, Zaheer Allam quitte le pays et s’installe Perth. Avant son départ, il publie dans les colonnes de l’express un article intitulé «La lente agonie de l’identité architecturale mauricienne ». Article qui ne suscite aucune réaction. En envoyant ledit article qu’il retouche un peu à ArchDaily, le plus grand magazine d’architecture au monde, sous le titre de «L’esthétique invasive: un manifeste pour ressusciter l’identité architecturale dans les pays développés », le Australian Urban Design Research Centre le contacte et le consulte sur des sujets liés à l’extension tentaculaire des villes, la densification urbaine, les zones mixtes résidentielles et commerciales autour de systèmes de transports publics, pour ne citer que ceux-là.

 

Comment ressusciter les identités architecturales?  A cela, le jeune homme réplique qu’au fil des ans, le monde s’est intéressé à la course économique et à la conception de bâtiments modernes. « Mais le modernisme fait la promotion de l’uniformisation et la déconstruction de la culture, de la société et de l’histoire. Or, nous devons militer pour un nouveau type d’architecture qui restitue la gloire à nos villes et font les gens être fiers de leur héritage culturel. Les nouveaux bâtiments administratifs d’aujourd’hui ne sont que des tours en verre et des murs nus. Ce faisant, nous oblitérons nos racines et créons une société qui n’aura plus de sens d’appartenance. Ce que nous devons faire, c’est recenser les bâtiments importants qui doivent être réhabilités et préservés non pas pour qu’ils deviennent des musés mais que les gesn y fonctionnent. Nous devons aussi promouvoir notre culture à travers différentes avenues et nous assurer que les bâtiments administratifs futurs soient construits dans un style indiquant que notre gouvernance reconnaît son passé. Nous n’avons pas le droit d’homogénéiser le sens de l’esthétisme car autrement, nous nous retrouverons avec des paysages sans caractère ».

 

Après parution de cet article, le National Institute of Technology d’Inde et le Indian Institute of Architects l’ont nommé conseiller pour une conférence internationale sur la Design Pedagogy and Contextual Aesthetics dont la tenue est programmée pour début 2015 dans le sud de l’Inde. Son objectif est de régénérer l’identité architecturale dans les pays en développement. Depuis tout cela, Zaheer Allam n’a reçu que des éloges. A commencer par le professeur Salingaros qui se dit persuadé que le jeune homme jouera «un rôle majeur dans la sauvegarde du monde d’une future catastrophe énergétique.» Un des membres fondateurs de la conférence indienne de 2015, Jinan Kodapully n’hésite pas à dire que les travaux de Zaheer Allam sont en train « d’entraîner des changements dans le paysage indien et apportent une contribution d’une valeur incroyable au monde développé ».

 

Il était à Samoa à l’invitation des Nations Unies pour représenter la société civile de la région Atlantique, océan Indien, Méditerranée et la mer du Sud de la Chine auprès du comité directeur des petits états insulaires. Il a établi des partenariats avec plusieurs organisations écologiques dont 350 et Greenpeace et continue à militer sur plusieurs fronts écologiques.

 

Il est toutefois attristé que les décideurs mauriciens ne soutiennent pas les jeunes penseurs qui émergent. «C’est triste mais nous devons nous tourner vers d’autres plateformes et d’autres pays pour que notre travail soit valorisé ». Si le constat fait mal, cela ne veut pas dire qu’il tournera le dos à son île natale pour autant. «Je suis passionné par mon île et j’espère qu’il y aura des avenues de collaboration futures afin de créer un cadre de vie durable pour tous… »