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Chetan Ramchurn, ex-président de l’aile jeune du MMM: «La démocratie au MMM a échoué»
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Chetan Ramchurn, ex-président de l’aile jeune du MMM: «La démocratie au MMM a échoué»
Les résultats des élections du comité central seront connus ce dimanche 8 février. Vous avez voté pour qui ?
Je n’ai ni voté, ni soumis ma candidature.
Pourquoi ?
J’étais membre du comité central quand j’étais le président de l’aile jeune. Cette expérience a suffi à me dissuader d’y participer cette fois.
C’était si traumatisant que cela ?
Nous étions jeunes et rebelles. Il y avait une certaine mentalité formatée et beaucoup de personnes ne nous comprenaient pas. Le comité central a son importance, mais seulement si la démocratie est bien huilée et si les droits de tendance (NdlR : la possibilité pour les membres d’une organisation de se regrouper en mouvements, en tendances) sont rétablis. Je ne crois pas qu’après une défaite, la meilleure solution soit d’organiser des élections un mois après.
Vous parlez de rétablir le droit de tendance. Ce droit n’est pas respecté ?
L’idéologie a été reléguée au second plan. Grosso modo, tous ont adopté une ligne centriste. Ils sont tous dans une zone de confort.
C’est ce qui cause ce manque d’idées contradictoires ?
Tout militant doit être en mesure de prendre la parole ou de proposer une motion. Rien ne l’empêche de le faire mais on sait comment ça se passe dans une assemblée de délégués : l’ordre du jour est fixé, donc c’est difficile de proposer quelque chose.
On parle de liste fermée et de lobbys… Ces petites guerres internes, n’empêchent-elles pas le parti de se pencher sur les questions fondamentales ?
D’abord, c’est indécent. Ces petites guéguerres sont infantiles ! Je suis contre l’idée qu’une personne dicte toute la ligne du parti, mais il ne faut pas mettre la défaite du MMM sur le dos de Paul Bérenger. Certaines personnes se voyaient déjà ministres. Subitement, elles se retrouvent dans l’opposition et Bérenger devient leur punching-ball.C’est malheureux.
Le nom de Bérenger ne figurait pas parmi les 30 noms proposés sur la liste fermée qui a circulé. Est-ce qu’il doit vraiment se retirer comme leader ?
Je crois en la démocratie. Pourquoi on limite une élection à 500 branches et à environ 6 000 délégués ? Pourquoi ne pas l’ouvrir à tous les Mauriciens ? Nous sommes un parti qui a un idéal. Un mouvement ne peut pas fonctionner sur le principe de lutte des places.
Paul Bérenger a-t-il encore la légitimité pour être leader du MMM ?
Il a quand même pas mal délégué à certaines personnes qui n’ont pas su tenir la barre. La commission économique et d’autres encore ne proposent pas assez de choses. Quand on écoute Bérenger, on constate l’aura qu’il possède : il parle encore de Mendès France, il parle d’idéologie… On comprend qu’il a toujours ce fort ancrage à gauche qui l’animait quand il était jeune…
Oui, mais est-ce qu’il est la personne la mieux indiquée pour faire avancer le MMM ?
Je pense qu’après une défaite de cette ampleur, c’est la personne qui peut préparer l’avenir du MMM, préparer l’après-Bérenger.
Vous mentionnez ceux qui n’ont pas assumé leurs responsabilités. Doivent-ils faire les frais du changement ?
C’est tout un système qui a échoué. Les gens ne grimpent plus les échelons sur la base de la méritocratie, d’autres sont cooptés… Cela veut dire que la démocratie au MMM a échoué. On s’en est encore plus rendu compte durant la période préélectorale. Le régime précédent a enchaîné les scandales. On n’a jamais cautionné les ministres qui ont fané, mais s’associer à quelqu’un qui a lead un régime pareil, c’est presque antipatriotique.
Si l’alliance PTr-MMM avait remporté les élections, les scandales qui sont aujourd’hui dénoncés auraient-ils été passés sous silence ?
Je crois qu’il (NdlR : Paul Bérenger) l’aurait fait avec plus de modération, sans cette idée de vendetta. Mais cela aurait été difficile, même intenable. Je me demande si Bérenger serait resté longtemps dans un gouvernement travailliste dans ce contexte.
Pour en revenir à la campagne, on entend parler de membres qui s’appuient sur leur profil ethnique pour se mettre en avant. Comment le MMM en est-il arrivé là ?
La campagne de 1983 contre Bérenger a laissé des séquelles. Mais ce n’est pas une raison pour qu’on s’enferme dans cette logique. La personne la plus capable, peu importe son ethnie, doit pouvoir prendre le poste qu’elle mérite. On découvre subitement les vertus de la démocratie après pas mal d’années. C’est parce qu’il faut un exutoire, de quoi évacuer les frustrations les élections du comité central sont là pour donner quelque chose à faire aux gens pour les occuper.
3-0 dans toutes les circonscriptions du n° 4 au n° 11 alors que Bérenger se présente comme PM. Ce n’est pas une indication que, finalement, l’électorat n’a pas beaucoup évolué depuis 1983 ?
Quand Bérenger était Premier ministre en 2003, il n’y a pas eu de révolte. La population l’a accepté. Là, il y a eu les zigzags, avec le MSM, avec le PTr… Je crois qu’il réalise aussi qu’il n’a pas gardé une ligne droite et cohérente.
Que devrait faire une nouvelle direction pour requinquer le MMM ?
Devenir transparent ! Concernant le financement des partis politiques, la déclaration des avoirs, des activités, des intérêts… Créer une commission de déontologie. Si quelqu’un prononce des paroles sectaires, il doit être puni tout de suite. Il faut aller vers les partis de gauche et devenir la locomotive de ces partis.
Vous parlez de déontologie. Pourtant, Pradeep Jeeha aurait encouragé la diffusion de la fameuse bande sonore sur Kobita Jugnauth dans un meeting. Il demeure quand même très en vue pour ce renouvellement des instances dirigeantes du parti…
C’est une affaire qui fait encore l’objet d’une enquête, c’est compliqué de commenter. Je condamne sans équivoque toute personne qui peut tomber aussi bas. On est tombé bien bas si c’est là notre dernier argument. C’est là que l’Electoral Supervisory Commission (ESC) devrait avoir plus de pouvoirs. Vu que le financement des partis est opaque, on ne répond pas à l’ESC. Notre seul souci, c’est de défendre l’intérêt de nos financiers de temps en temps.
Qu’est-ce qui empêche un parti comme le MMM d’inclure dans ses statuts l’obligation de révéler ses sources de financement ?
Il faut le faire, à moins que certaines personnes aient des choses à cacher. Tout ce que cela requiert, c’est un peu de courage.
Vous parliez du MMM comme d’un parti de gauche fédérateur. Mais ça veut dire quoi, être de gauche aujourd’hui ?
Si Rama Sithanen était devenu ministre des Finances, on se serait encore lancé dans cette quête effrénée de croissance, comme si c’était le remède à toutes les maladies. Or, la croissance sans la création d’emplois et qui ne profite pas à tous n’a aucun intérêt. Un parti de gauche, en fait, cherche à créer du bonheur pour un maximum de personnes possible.
Mais les partis de gauche sont notoirement incapables de s’entendre entre eux. Est-ce parce qu’ils refusent le compromis ?
Tout le monde a une dose de maturité et il faut juste trouver un socle de valeurs communes. Pour un parti d’extrême gauche, ajouter un peu d’eau à son vin, c’est renier totalement ses valeurs. Ils sont brillants mais ils ont un esprit binaire. En politique, entre le totalement noble mais sans action, et le totalement pervers, il y a une zone de compromis à trouver.
Jean-Claude Barbier, dans une interview, parle de direction collégiale. C’est la solution pour le MMM?
Non, il faut un leader qui émerge. Une direction collégiale ça veut dire qu’on n’arrive pas à choisir un leader.
Après la victoire de l’alliance Lepep, le PMSD parle de renaissance et le ML d’Ivan Collendavelloo vise l’électorat du MMM. Vous sentez vous menacés ?
Ivan est parti et il est un pont qui permet aux militants de rejoindre le gouvernement sans qu’ils aient l’impression de renier leurs idéaux. Je pense que le militant restera rattaché au parti, tant que nous retournons vers ce que nous représentons. Je vois mal le PMSD, bien qu’il ait une image plus jeune, ou le ML reprendre l’électorat du MMM.
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