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Shyam Surat, Executive Chairman, SKC Group: «Nous ne prétendons pas offrir du bio mais nous réduisons l’utilisation de produits chimiques»

25 février 2015, 13:12

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Shyam Surat, Executive Chairman, SKC Group: «Nous ne prétendons pas offrir du bio mais nous réduisons l’utilisation de produits chimiques»
Producteur et importateur de toute une variété de produits agricoles, Shyam Surat estime que les légumes vendus dans les points de vente Food Lovers Market sont comparables à ceux disponibles sur les marchés étrangers. Il ajoute le groupe sensibilise ses 350 collaborateurs à une utilisation équilibrée des produits chimiques dans les cultures.
 
Comment passe-t-on d’une petite unité de production de légumes et de fruits familiale à une entreprise qui brasse un chiffre d’affaires annuel de Rs 1,3 milliard ?
C’est définitivement notre percée dans le secteur de la distribution qui est à la base de l’évolution que nous avons enregistrée. Aujourd’hui, nous sommes un distributeur incontournable, non seulement à Maurice mais également dans la région. Nous avons un bureau de liaison qui gère la demande de la clientèle des pays africains autres que l’Afrique du Sud. Il est basé au Cap, en Afrique du Sud.
 
Nous avons à l’île de La Réunion, l’équivalent de notre service de distribution à Maurice. Notre comptoir d’achat est assuré par Ashbury Investments Co. Ltd, une société offshore. Il gère toutes les commandes de fruits et de légumes. Notre comptoir effectue également la réexportation des fruits vers des pays d’Afrique autres que l’Afrique du Sud. Qu’à cela ne tienne, la production de fruits et de légumes est une tradition familiale depuis ces quatre dernières générations. Nous continuons à le faire sur cinq hectares de terre à Curepipe Road.
 
Qu’importez-vous de ces pays qui sont vos fournisseurs ?
Sur la liste de la douzaine de pays exportateurs vers Maurice figurent la Californie pour ses raisins, l’Italie pour le kiwi, la pomme, le raisin, la nectarine, la pêche et les prunes. De la Turquie, nous importons toute la famille d’agrumes. L’Australie nous exporte ses raisins et ses mandarines. Nous importons des agrumes, des fraises, des raisins, des nectarines, des pêches et des dattes d’Égypte. Le Chili nous envoie raisins, grenades et pommes. Nous importons du Pérou des raisins et des grenades. Le Pakistan est un grand fournisseur de mandarines. Nous importons des raisins, des noix de coco, des pommes de terre et des oignons d’Inde. L’Afrique du Sud est le plus grand fournisseur dans toute la gamme de fruits importés. Les fruits conditionnés en conteneurs réfrigérés viennent par bateau.
 
Sommes-nous condamnés à importer la totalité de nos besoins en fruits ? 
Pour des raisons pratiques, climatiques entre autres, il y a des fruits que nous ne pourrons pas produire à un prix compétitif à Maurice. Dans ce cas, il vaut mieux recourir au marché étranger. Cela ne nous empêche cependant pas d’envisager la culture de certains fruits ou bien le renforcement de leur production. Je pense principalement à la grenade de la variété Wonderful, aux fraises, au citron originaire de Rodrigues ou encore, aux grosses goyaves. Bref, il s’agit d’effectuer régulièrement un recensement des fruits importés. Cela pour repérer les fruits dont la production est possible à Maurice. Ce qui va nous permettre de réduire notre dépendance de l’étranger.
 
Au moment où vous êtes entré dans le secteur de la distribution de fruits importés, l’Afrique du Sud dominait le marché de la région. La situation a-telle évolué ?
L’Afrique du Sud reste le producteur numéro un de la région sud du continent africain. Cependant, le pays qui a monté en puissance dans la région nord du continent africain c’est l’Égypte.
 
Vous avez obtenu un permis pour l’importation de carottes afin de parer à une pénurie conséquemment aux grosses pluies. Pour amener plus de compétitivité sur le marché des légumes, le recours à l’importation n’auraitil pas dû être laissé à la libre entreprise ?
En tant que producteur et importateur, notre société est bien placée pour jauger l’efficacité d’une telle option. En raison du coût du fret, le coût des légumes importés sera plus élevé que le prix des produits locaux. Qui achètera par exemple un chou importé à Rs 100 alors qu’il peut en trouver de qualité comparable et à moins cher ?
 
La production locale de légumes estelle à ce point capable de concurrencer les produits importés en termes de qualité ?
Toutes les conditions sont réunies pour que les légumes vendus dans les points de vente Food Lovers Market soient comparables à ceux disponibles sur les marchés étrangers. Nous allons ouvrir notre septième point de ventes de légumes Food Lovers Market à Port-Louis. Tous les produits qui sont offerts dans ces points de vente viennent des fermes locales. Notre réseau de collaborateurs regroupe 350 producteurs. La production se fait selon les exigences rigoureuses d’un cahier des charges spécifique. La mise en place récente des règles d’hygiène inspirées du système HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point), est venue renforcer notre arsenal de lutte contre les risques de contamination sanitaire.
 
Nos agronomes visitent régulièrement les unités de production pour leur prodiguer des conseils. L’objectif est de s’assurer que les 350 producteurs dont on achète les produits évoluent selon les règles que nous avons établies.
 
Qu’en est-il de la qualité des légumes importés ?
Le commerce international de légumes est rigoureusement réglementé. L’obtention d’un permis d’exportation et d’importation n’est justifiée que si les conditions phytosanitaires extrêmement rigoureuses ont été préalablement respectées.
 
Quelle est la proportion de légumes qui est importée ?
95 % des légumes qui sont vendus sur le marché local, y compris ceux qui sont distribués dans les hôtels, sont produits localement. Le recours à l’importation n’est envisageable que pour parer aux conséquences fâcheuses d’une pénurie. Une rupture dans la chaîne de distribution dans le secteur hôtelier serait une catastrophe pour le secteur du tourisme.
 
Dès que le marché local peine à satisfaire une demande pour une raison ou une autre, nous nous tournons vers l’étranger. Nous soumettons une demande de permis auprès du ministère de l’Agro-industrie. La pertinence de la démarche est passée au crible. C’est le résultat de cette enquête qui détermine si la demande est confirmée ou refusée. Si elle est positive, l’importation se fait pour une période donnée.
 
Les producteurs locaux sont souvent mis au banc des accusés en raison d’une utilisation abusive des produits chimiques. Qu’est-ce qui garantit que vos légumes sont produits selon les normes requises ?
Une utilisation équilibrée de produits chimiques dans les cultures est le résultat d’une vaste et longue campagne de sensibilisation et son assimilation par les agriculteurs. C’est un travail de longue haleine. Les 350 agriculteurs dont nous achetons les produits, sont régulièrement sensibilisés au respect des conditions d’utilisation de produits chimiques. Nous organisons régulièrement des causeries à l’intention de ces 350 agriculteurs. Au sein du SKC Group, nous essayons d’être raisonnables dans notre approche sur le plan de la production agricole. Notre démarche se situe dans le cadre du concept de l’agriculture raisonnée. Ce concept s’articule principalement autour d’une maîtrise et d’un contrôle stricts des quantités d’intrants dans le système de production agricole. Le but est de limiter les effets des substances chimiques sur l’environnement et sur la santé des consommateurs.
 
Une élimination totale des produits chimiques est-elle envisageable dans votre mode d’opération ?
Ce n’est peut-être pas un objectif que l’on pourrait atteindre du jour au lendemain, voire envisager, quoique ce soit souhaitable. Nous faisons de notre mieux pour que les normes d’utilisation des produits chimiques établies soient respectées. Nous sommes d’avis que la confrontation des pratiques agricoles de ces 350 collaborateurs avec ce qui se passe ailleurs pourrait potentiellement contribuer à faire évoluer les choses dans la bonne direction. Notre partenariat avec LM Distribution de l’île de La Réunion, nous permet de réaliser des échanges réguliers entre producteurs agricoles mauriciens et réunionnais.
 
En raison de votre implantation dans le secteur de la production et de la distribution de légumes, le temps n’estil pas venu pour vous lancer dans la production bio ?
Nous n’avons pas la prétention d’offrir des produits bio. Cependant, nous nous engageons dans certaines initiatives qui permettent de réduire les risques de contamination à la base. Il s’agit de la production de légumes sous serre. Trois projets ont été envisagés. Le premier a consisté en l’aménagement d’une serre de quelque 3 000 mètres carrés. Elle est consacrée à la culture de tomates, de tomates cerise, de concombre, de poivrons verts, rouges et jaunes.
 
Une autre serre de 1 500 mètres carrés est en construction. Le troisième projet se rapporte à la construction d’une serre de 5 000 mètres carrés. Ce qui devrait nous permettre de réduire la tendance à utiliser les engrais et les produits chimiques. La culture hors-sol permet de réduire les risques de maladies et de contamination associés généralement à une culture qui se fait à même la terre.
 
Outre les fruits et les légumes, SKC Group s’est investi dans la filière laitière où beaucoup d’opérateurs ont mordu la poussière. Il semble que vous n’avez pas été plus chanceux. Quelles en sont les raisons ?
Certains facteurs ont compromis notre plan initial de produire quelque 3 000 litres de lait frais par jour. Notre projet de planter le kikuyu comme plante fourragère n’a pas donné les résultats escomptés. Il a fallu changer les habitudes alimentaires des vaches avec notamment de la nourriture animale produite en industrie. Le niveau de notre compétitivité en a pris un coup. Il a fallu revoir et réorienter l’ensemble du projet. Pour que ce projet soit viable dans la nouvelle configuration, il nous faut, outre les 250 vaches laitières actuelles, acheter 200 nouvelles têtes à raison de Rs 80 000 l’unité. Ce qui nécessite de nouveaux capitaux. La conséquence est que, pour le moment, notre production se limite à quelque 1 500 litres de lait par jour. Nous en assurons la distribution. Partout dans le monde, l’investissement dans le secteur laitier reçoit l’appui du gouvernement. L’État nous a certes aidés. Cependant, nous gagnerons si cet apport était renforcé.