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Brutalités policières: «Parfwa bizin bez enn kalot...»

21 mars 2015, 21:30

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Brutalités policières: «Parfwa bizin bez enn kalot...»
Cinq officiers de la CID sont soupçonnés d’avoir frappé Iqbal Toofanny à mort. Sur les ondes des radios privées, des personnes allèguent avoir été maltraitées physiquement par des policiers ou des enquêteurs. Ceux-ci ont-ils vraiment la main leste ? Le sang chaud ?
 
Pas facile de leur tirer les vers du nez. Rares, très rares, sont les officiers de la Central Investigation Division (CID) qui ont accepté de se soumettre à un interrogatoire. Même ceux qui sont aujourd’hui à la retraite. La raison étant «qu’on ne décroche jamais vraiment quand on a fait ce métier».
 
D’autres encore ont peur qu’on les reconnaisse, «ena problem ladan». Certains ont tout de même, sous le couvert de l’anonymat, accepté de faire quelques aveux.
 
«Parfwa disan bwi, bizin bez enn kalot», lâche Rocky (prénom modifié). Ceux qui ont droit à des baffes ou à des uppercuts, selon cet ancien limier, sont surtout les récidivistes, les violeurs et les voleurs. Les droits du suspect sont-ils expédiés à la poubelle ? Et puis trois, quatre, voire plus de policiers contre un seul homme, n’est-ce pas là un combat quelque peu inégal ? Un silence de mort plus tard : «Oui, je l’avoue. Mais nous sommes humains et il arrive ki nou sap lor kal. Mé parfwa ena byen mérité.»
 
Pour être franc, il arrive de temps en temps que l’émotion prenne le dessus sur tout le reste, renchérit Chandan (prénom modifié), qui, lui, est toujours en service. Un cas en particulier lui revient en mémoire. «Il s’agit de celui d’une handicapée mentale de 16 ans.» Celle-ci revenait de l’école lorsqu’elle a été accostée par des individus qui se trouvaient à bord d’un van.
 
Ils l’ont conduite dans un champ de cannes où ils l’ont violée sauvagement «On a vu la douleur des parents de cette jeune fille, le calvaire qu’elle avait subi. On s’est dit : ‘Bizin retruv sa bourik la.’» La «bourrique » en question a bien été retrouvée. Et elle a passé un sale quart d’heure.
 
Les officiers de la CID sont-ils entraînés à contrôler leurs sentiments ? Sont-ils suivis par un psychologue ? «Non, rien de tel. Nous feuilletons bien des ouvrages qui traitent du sujet, mais cela, de notre propre initiative. On en parle également avec d’autres collègues, surtout les plus anciens.»
 
Sinon, comment se déroule un interrogatoire ? «Il faut d’abord savoir qu’on est ‘on call’ pratiquement 24 heures sur 24», tient à faire ressortir Chandan. «Nous avons certes un système de shift, mais si on est sur un gros case, par exemple, on peut être appelé à n’importe quel moment du jour et de la nuit.»
 
Ceci étant dit, une fois que la personne arrive dans la salle d’interrogatoire, en règle générale – mais ce n’est pas toujours le cas –, il y a trois officiers dans la pièce. Celui qui pose les questions, celui qui enregistre et un autre qui observe. Durant la première phase, on met la personne en confiance, afin de l’aider à se remémorer le fil des événements. À noter que dans 90 % des cas, les coupables n’avoueront jamais leur crime.
 
Vient en suite la deuxième phase, appelée «free recall», lors de laquelle «nou less  imounn-la koz libreman, dir tout seki pass par so latet, rakont so version kouma li anvi». Puis, lors de la deuxième séance de «free recall», «nou guide dimounn la. On lui demande de structurer sa version des faits, de remettre de l’ordre dans ses idées, en quelque sorte». Place alors à la troisième étape, où l’on enregistre la déposition de la présumée victime ou du suspect. 
 
Pour détecter les «failles», les limiers se fient entre autres, aux incohérences dans les dires des personnes interrogées. Sont-elles intimidées ? «Se retrouver devant des étrangers et encore plus des policiers, est en soi intimidant.» Reformulation : les limiers ontils recours à des techniques d’intimidation ? «Psychologiques, parfois, quand les preuves incriminent fortement le suspect. Nous avons affaire à des fortes têtes, souvent. Mais il ne faut non plus nous prendre pour des bourreaux.» Il ne faut pas, selon Chandan, confondre interrogatoire et match de boxe.
 
Hormis les indices, les preuves scientifiques recueillies sur le terrain, pour coincer un suspect, les enquêteurs ont recours aux services d’informateurs. Qui sont-ils ? Comment les repère-t-on ? «Il s’agit de tout un réseau.» Les officiers de la CID, qui n’ont pas beaucoup de mal à rester incognito, à se fondre dans la masse, puisqu’ils sont en civil, approchent des gens susceptibles de les aider, confie le limier.
 
«Si l’enquête s’oriente vers un restaurant, par exemple, forcément, nous allons approcher une des personnes qui y travaillent pour avoir des infos.» Sont-elles payées pour ça ? «Bien sûr, il n’y a que comme ça qu’on peut convaincre les gens de nous aider. Si c’est pour de grosses affaires, on propose entre Rs 1 000 et Rs 2 000 environ aux informateurs.»
 
C’est justement grâce à des citoyens «complices» que des officiers ont pu coffrer un pervers un peu «spécial», souligne Vikash (prenom modifié). «Nous avions eu vent de ses agissements et nous savions où il était posté.» L’opération «anti-sadik» qui a suivi s’est avérée fructueuse. L’homme en question attendait les collégiennes après les heures de classe dans un endroit stratégique. Les officiers l’attendaient au tournant. Il cachait des sex toys sous sa veste et leur proposait de venir les essayer. «Quand nous l’avons attrapé, nous lui avons fait sa fête. Il fallait bien lui donner une petite correction.»
 
Le fait qu’il soit un pervers justifie-t-il le passage à tabac ? «Oui, je vous rappelle qu’il a été pris la main dans le sac. Enn ti kout rotin bazaar pa fer dimal parfwa.»