Publicité
Dr Ramchandra Bheenick: les germes de la revendication
Par
Partager cet article
Dr Ramchandra Bheenick: les germes de la revendication
«The right man at the right place.» C’est ce qu’affirme être le Dr Ramchandra Bheenick, membre du bureau politique du Mouvement socialiste militant (MSM). Dès le départ, affirme le quinquagénaire, il avait prévenu la direction de son parti qu’il ne voulait pas d’un poste lié à la santé car «le système médical est trop pourri et comporte trop de défauts à corriger. C’est une tâche herculéenne».
Quant à être à la tête de la State Trading Corporation (STC), ce n’est pas la peine d’en faire tout un plat, estime le Dr Ramchandra Bheenick. Il fait valoir qu’au fil des ans, il a développé des compétences de «gestionnaire» qu’il est disposé à appliquer. Et puis, «personne n’a trouvé étrange que le Dr Vasant Bunwaree a été ministre de l’Éducation ou encore que l’avocat Anil Gayan a été nommé ministre de la Santé».
Un brin rebelle, le médecin ? Depuis l’enfance, confie-t-il. Ce Curepipien, fils aîné de Jeean Bheenick, un des premiers anesthésiologistes du pays, a toujours eu un caractère bien trempé. Quand il a cinq ans, lorsque sa mère le fait admettre au Couvent de Lorette de Curepipe, il refuse d’y remettre les pieds dès le second jour. C’est donc à l’école St Jean Bosco qu’il complète le cycle primaire avant d’aller au collège Royal de Curepipe. Son recteur voit en lui un futur lauréat et souhaite qu’il opte pour la filière classique. Mais l’adolescent veut être médecin comme son père et choisit donc les sciences.
«Je portais en moi les germes de la revendication»
Quand les élèves du collège revendiquent le droit de porter des pantalons et d’organiser de nombreuses activités extrascolaires, Ramchandra Bheenick est en première ligne. «Je portais déjà en moi les germes de la revendication», reconnaît-il.
À la fin du cycle secondaire, il est classé juste après les lauréats et obtient une bourse d’études en Union soviétique. Et c’est à l’université de Rostov qu’il étudie la médecine pendant sept ans. Il profite deses vacances pour visiter plusieurs pays européens et comparer les mérites des différents systèmes politiques. Il choisit la médecine générale «pour prouver à la profession qu’un généraliste peut repousser les limites de son action».
Lorsqu’il regagne le pays en 1982, l’économie est exsangue, le chômage bat son plein et la population subit les effets de la double dévaluation de la roupie. Le jeune homme, après un bref passage à l’hôpital Victoria, quitte le pays encore une fois. Il va exercer à Durban, en Afrique du Sud. Mais la reclassification ethnique des médecins dans ce pays encore sous le régime de l’apartheid lui fait perdre ses avantages et il regagne Maurice.
Il est recruté à l’hôpital Dr A.G. Jeetoo mais son franc-parler passe mal. «À l’époque, l’hôpital ne fournissait pas d’inhalateur. J’ai conseillé à un patient d’aller en acheter un en pharmacie plutôt que de continuer avec les injections recommandées par le spécialiste. Le patient a fait des reproches au spécialiste qui n’a pas apprécié et j’ai été muté au dispensaire de Petite-Rivière. J’étais seul médecin à consulter quotidiennement 250 patients de la localité et de Bambous.»
«If you can’t beat them, join them and teach them»
Après deux ans dans le secteur public, il démissionne et décide de se mettre à son compte. «En soumettant ma démission, j’ai dit au Chief Medical Officer que je perdais certes un peu d’argent mais que le grand perdant, au final, c’était le ministère de la Santé. Moi j’aime repousser mes limites et si j’étais resté dans le secteur public, j’aurais trouvé le moyen d’intégrer l’administration coûte que coûte.»
Ramchandra Bheenick installe sa consultation à Montagne-Blanche. On est alors au milieu des années 80 et l’endroit n’est pas encore bien desservi par les services essentiels. Le généraliste agit aussi comme médecin assesseur pour le ministère de la Sécurité sociale et prête main-forte à la Mauritius Family Planning Welfare Association. En 1992, il assiste pour la première fois à une réunion de la Private Medical Practitioners Association (PMPA). En écoutant les propos des uns et des autres et fort de son expérience, il réalise que le service de santé a besoin d’un plus grand nombre de gestionnaires.
Il devient donc membre de la PMPA et suit des cours du soir en médecine industrielle, en santé et sécurité au travail, en gestion des risques. Il s’inscrit à des cours par correspondance auprès d’instituts de renom, de Grande-Bretagne et d’Afrique du Sud, sur la gestion d’un système médical et hospitalier. En parallèle, il enseigne la santé au travail et la sécurité à l’université de Maurice.
À la PMPA, il agit d’abord comme trésorier puis il intègre les comités. Et en 1995, il devient président du syndicat et occupera ce poste pendant six ans. Ses contributions : il a réconcilié l’opinion publique et les médecins du privé, il a amené l’establishment à respecter la profession et il a empêché que le ministre de la Santé d’alors ait la mainmise sur les médecins du privé. «Les médecins du privé ont pu travailler sous contrat dans le secteur public et leur expérience a été tenue en ligne de compte. J’ai aussi créé des partenariats entre médecins des cliniques et syndicats.»
«Certains politiciens peuvent apporter des changements»
Lorsque des voix s’élèvent pour dire qu’il y a conflit d’intérêt parce qu’il siège au conseil d’administration du Medical Council, il démissionne de son poste de président de la PMPA. Ramchandra Bheenick se rend compte, alors, qu’il n’a pas toutes les cartes en main pour changer les choses et que tout relève de la politique. Ce qui le décide à s’y lancer aussi : «If you can’t beat them, join them and teach them.»
Ce professionnel marié à Preet – médecin comme lui qui lui donne trois enfants dont des jumelles – choisit le MSM, pas par hasard. À son retour au pays, il a vu «l’avant sir Anerood Jugnauth comme Premier ministre et l’après-SAJ. J’ai vu que les politiciens ne sont pas tous les mêmes et que certains peuvent apporter des changements».
Son parrain en politique est Mahen Jhugroo, l’actuel Chief Whip. En 2005, il est candidat à Flacq–Bon-Accueil mais perd. Cela ne l’empêche pas de continuer à évoluer au sein du parti et à dire ce qu’il pense. Il n’hésite pas, notamment, à se prononcer contre la peine de mort.
Ayant, dit-il, fait du consulting en gestion dans plusieurs domaines et se sentant capable de conseiller sur des aspects techniques, il se sent parfaitement à l’aise en tant que président du conseil d’administration de la STC.
Compte-t-il abandonner la médecine ? «Non, mais si demain il y a nécessité, je le ferai pour montrer à mes collègues qu’on peut aimer un métier, être compétent dedans mais que l’on peut aussi le délaisser pour développer d’autres compétences ailleurs. C’est ce que j’appelle le get up and go factor. Il faudrait davantage de personnes qui pensent ainsi à Maurice.»
Publicité
Les plus récents