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Nine-Year Schooling: la filière préprofessionnelle, une voie à valoriser
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Nine-Year Schooling: la filière préprofessionnelle, une voie à valoriser
Le «Pre Voc» disparaîtra. Cela pour laisser place à la filière préprofessionnelle dans le cadre du Nine-Year Schooling. Une voie qu’il serait bon d’encourager, contrairement à la tendance notée ces dernières années.
Abolir le «Pre Voc» et valoriser la filière préprofessionnelle... C'est le programme de Nine-Year Schooling proposé par l’État. Ce programme met en avant la filière préprofessionnelle. À partir de la Grade 9 (Form III), les élèves pourront suivre cette filière et éventuellement intégrer une des nombreuses écoles polytechniques, qui devront ouvrir leurs portes dans le cadre du nouveau système. Mais la grande nouveauté sera sans doute le nouveau statut de cette filière, aujourd’hui peu valorisée. Comment donc lui rendre ses lettres de noblesse ?
Les élèves inscrits dans cette filière sont surtout ceux qui ont échoué au Certificate of Primary Education (CPE). Des classes de Pre Voc ont été créées dans quasiment tous les collèges régionaux d’État, les collèges confessionnels ou privés. Pourtant, tous, ou presque, dans le milieu éducatif s’accordent à dire que ces classes de Pre Voc n’ont pas donné des résultats escomptés. Du reste, il n’y a qu’à voir le mépris avec lequel certains parents ou collégiens de la filière mainstream considèrent les classes Pre Voc.
Pour Suresh Munbodh, spécialiste de planification d’éducation-Unesco et ancien directeur de l’Industrial and Vocational Training Board (IVTB), l’appellation Pre Voc, elle-même, est inappropriée. «Cette appellation vient de moi, lorsque j’étais directeur de l’IVTB au début des années 90. L’État m’avait attribué la responsabilité des «school drop outs». Un projet avait été créé qui s’appelait Pre Voc», laisse-t-il entendre. Le taux de réussite tournant autour de 97 %, le projet fonctionnait à merveille, ajoute-t-il. Cependant, lorsque le ministère de l’Éducation a pris les rennes, indique Suresh Munbodh, il y aurait eu un changement dans la façon d’éduquer les élèves qui, à long terme, a fait baisser le taux de réussite.
Dharam Gokhool, ancien ministre de l’Éducation, avance quant à lui que le système préprofessionnel (Pre Voc) actuel «n’a pas donné de résultats concluants» et que le taux d’abandon reste élevé, soit autour de 30 %. «C’est un projet qui n’a pas bénéficié d’une bonne préparation et n’a pas obtenu de ressources nécessaires», dit-il.
Surendra Bissoondoyal, ancien directeur du Mauritius Examinations Syndicate (MES) et actuel président de la Tertiary Education Commission (TEC) abonde dans le même sens. «Le Pre Voc est une aberration, résultant de notre système d’éducation qui privilégit uniquement le côté livresque dès le départ. Les élèves qui échouent aux examens du CPE portent un lourd fardeau toute leur vie ; c’est comme une affiche qu’on leur colle sur le dos et qui représente un obstacle à leur épanouissement social», martèle-t-il.
Faizal Jeeroburkhan, pédagogue et membre de Think Mauritius, indique, lui, que le Pre Voc a été mal conçu dès le départ. «C’était une solution facile pour caser les recalés du CPE mais l’on n’a pas pris en compte que pendant leur passage au primaire, ces enfants ont été ignorés et de ce fait, leur estime de soi et leur motivation étaient quasiment nulles», dit-il. Pour lui, l’absence de recherches reste «une grande faiblesse» du système éducatif. «C’est la raison pour laquelle j’insiste sur la mise en oeuvre d’un National Curriculum Research and Development Centre», avance-t-il.
Autour de lui, ils sont nombreux à insister sur la nécessité de revoir et de valoriser la filière préprofessionnelle. Suresh Munbodh estime que tous les élèves devaient «être lettrés et doivent savoir compter. Nous devrions éviter d’instaurer l’éducation préprofessionnelle pendant que les enfants sont encore dans leur jeune âge; ces derniers auraient besoin d’un minimum de cinq années d’éducation secondaire pour pouvoir être formés de façon appropriée et pouvoir contribuer à l’économie du pays», laisse-t-il entendre.
L’ancien directeur de l’IVTB ajoute que l’éducation technique est aussi importante que n’importe quelle autre filière d’éducation et ne devrait pas être considérée comme inférieure. «Nous devons attirer les meilleurs étudiants dans cette filière car à présent, nous n’avons pas beaucoup d’emplois qui peuvent être occupés par des personnes illettrées», lâche-t-il. Selon lui, la technologie évolue rapidement et la formation continue étant un must, cela pourra difficilement se mettre en place si les élèves n’ont pas une bonne base d’éducation.
«La proposition de revaloriser la filière préprofessionnelle est séduisante mais nous ne connaissons pas encore les détails liés aux ressources humaines, aux normes de qualité, etc.», dit Dharam Gokhool. Et d’ajouter que les modèles allemand ou singapourien pourraient inspirer l’État mauricien.
L’ancien ministre de l’Éducation estime que cette filière est porteuse d’emplois rémunérateurs. «On se rend compte aujourd’hui qu’un technicien qualifié peut gagner plus d’argent qu’un cadre», poursuit-il. Pour Surendra Bissoondoyal, le but du Nine-Year Schooling comme préconisé par l’État est «beaucoup plus sain» en éliminant les classes de Pre Voc et traitant les enfants «sans complexes». «Le système Pre Voc était basé sur une notion d’apartheid dans le système scolaire. L’éducation de base qui durera neuf ans sera préprofessionnelle pour tous les enfants», dit-il.
Faizal Jeeroburkhan, lui, a un autre avis. «Pour les élèves qui se trouvaient dans cette filière, l’accent était mis sur le besoin de réussir les examens du CPE. L’enjeu était faussé, avec la disparition du CPE, on pourra enfin se focaliser sur les vrais objectifs de l’éducation préprofessionnelle», explique-t-il. Selon lui, cette filière devrait être valorisée car l’élève peut ainsi se familiariser avec l’univers des métiers, les possibilités de formation et les diplômes. D’autre part, cette filière constitue aussi un moyen de combattre le chômage et d’ajuster l’équation entre l’offre et la demande au marché du travail.
Pour les acteurs du secteur de l’éducation, il est urgent d’opérer des changements au niveau des mentalités (surtout en ce qui concerne le travail manuel) et donner à la filière préprofessionnelle la place qu’elle mérite dans les écoles. Suresh Munbodh résume ainsi la question : «Si les élèves utilisent davantage leurs mains, cela ne veut pas dire qu’ils sont moins intelligents.»
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