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Ecoutes: la France rappelle les Etats-Unis à leurs engagements

24 juin 2015, 16:41

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Ecoutes: la France rappelle les Etats-Unis à leurs engagements

La France a rappelé mercredi les Etats-Unis à leurs engagements après la publication d'informations sur les écoutes des présidents Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande par les services de renseignement américains entre 2006 et 2012.

 

Cette nouvelle salve de révélations sur les activités de la NSA par Wikileaks, relayées par le journal Libération et le site Mediapart, suscite un tollé à Paris où l'ambassadrice américaine Jane Hartley a été convoquée par les Affaires étrangères.

 

François Hollande, qui a réuni un conseil de défense et reçu des parlementaires en réaction, a décidé d'envoyer aux Etats-Unis le coordinateur du renseignement français, Didier Le Bret, pour faire le point avec les autorités américaines.

 

"Il s'agit de faits inacceptables qui ont déjà donné lieu à des mises au point entre les Etats-Unis et la France, notamment fin 2013, au moment des premières révélations", a déclaré la présidence dans un communiqué après le conseil de défense.

 

"Des engagements avaient été pris par les autorités américaines. Ils doivent être rappelés et strictement respectés. La France ne tolérera aucun agissement mettant en cause sa sécurité et la protection de ses intérêts", a ajouté l'Elysée.

 

En clair : ces comportements passés des services américains sont connus et Washington s'est déjà engagé à y mettre fin.

 

Le porte-parole du gouvernement a pris soin de préciser qu'il n'était aucunement question de rupture diplomatique.

 

"Face aux menaces auxquelles nous devons faire face (et) étant donné les liens qui nous unissent historiquement, il faut qu'on garde la mesure, qu'on cadre les choses", a dit Stéphane Le Foll lors du compte rendu du conseil des ministres.

 

Aux Etats-Unis, le porte-parole du National Security Council Ned Price a assuré que les activités de surveillance américaines n'étaient motivées aujourd'hui que par la sécurité nationale.

 

"Nous ne ciblons pas (...) les communications du président Hollande", a-t-il dit. "Nous travaillons de manière proche avec la France sur tous les sujets de préoccupation internationale et les Français sont des partenaires indispensables."

 

CINQ NOTES

 

Le site Wikileaks, fondé par Julian Assange, diffuse avec Libération et Mediapart sous le titre "Espionnage Elysée" des notes rendant compte d'écoutes téléphoniques de la NSA jusqu'au sommet de l'Etat français.

 

Selon Libération, leur contenu "ne révèle pas de secret d'Etat" mais témoigne "de l'intérêt porté à la France" par la NSA, dont la base de données contient des numéros de téléphone de très hauts responsables, dont Nicolas Sarkozy.

 

Y figurent des membres de l'entourage du prédécesseur de François Hollande ou de son gouvernement, dont Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée puis ministre de l'Intérieur, Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, ou les anciens secrétaires d'Etat Pierre Lellouche et Jean-Pierre Jouyet.

 

Ce dernier est l'actuel secrétaire général de l'Elysée.

 

Une note du 22 mai 2012, quelques jours après l'élection de François Hollande, fait état de réunions secrètes à Paris pour étudier, déjà, les conséquences d'une potentielle sortie de la Grèce de la zone euro. Selon une autre note, Nicolas Sarkozy déplorait en mars 2010 le recul américain sur un accord de coopération en matière de renseignement.

 

Elle cite des propos de Jean-David Levitte et Pierre Vimont, ambassadeur aux Etats-Unis, selon qui "le principal obstacle est le désir des Etats-Unis à continuer d'espionner la France".

 

Une autre rapporte une discussion entre Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé sur les moyens de relancer le processus de paix au Proche-Orient et une possible initiative avec le président russe Dimitri Medvedev.

 

Selon une quatrième, de 2008, Nicolas Sarkozy jugeait être "le seul" dirigeant à pouvoir régler la crise financière, qu'il imputait en grande partie à des erreurs américaines.

 

LA FRANCE PAS NAÏVE

 

Ces informations suscitent à Paris une indignation jusque dans les milieux réputés les plus pro-américains. Selon son entourage, Nicolas Sarkozy juge ainsi "inacceptables" ces méthodes, particulièrement venant d'alliés.

 

Son ancien ministre de la Défense Gérard Longuet évoque un "problème de confiance" mais dit ne pas être surpris. Pierre Lellouche, autre proche de l'ex-chef d'Etat, juge ces écoutes "extrêmement regrettables". Pour eux, Paris doit réagir.

 

"Nous redécouvrons que les Etats-Unis n'ont pas d'alliés, ils n'ont que des cibles ou des vassaux", a souligné pour sa part sur Twitter le député socialiste Jean-Jacques Urvoas, lui-même rapporteur d'une loi adoptée mercredi par le Parlement mais très contestée renforçant le renseignement français.

 

Le cofondateur du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon a réclamé l'arrêt des négociations sur le partenariat commercial transatlantique (TTIP) entre l'Europe et les Etats-Unis.

 

A l'autre extrême, la présidente du Front national, Marine Le Pen, dénonce une "menace directe" à la souveraineté du pays et demande aux autorités françaises de "réagir avec fermeté".

 

Mais en diplomate chevronné, Jean-David Levitte relativise dans Libération les informations de Wikileaks : il dit être "toujours parti du principe (qu'il était) écouté, et pas seulement par (les) amis et partenaires américains".

 

Quant à l'ancienne ministre de la Défense et des Affaires étrangères de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, Michèle Alliot-Marie, elle a assuré que la France n'avait jamais été naïve.

 

"Les conversations qu'il pouvait y avoir entre le ministre de la Défense et le président de la République se faisaient hors téléphone", a-t-elle dit sur iTELE.