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Marie Anne Heuclin: femme de foot
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Marie Anne Heuclin: femme de foot
Dix ans. C’est le temps qu’a passé Marie Anne Heuclin sur les terrains de football de Bretagne. De cette époque, l’ancienne arbitre a conservé coupures de presse et carnets de bord dans lesquels elle a noté les détails des matchs qu’elle a arbitrés. Avec sa licence d’arbitre, ce sont autant de trophées qui lui rappellent que durant une décennie, elle a passé tous ses dimanches, voire certains de ses samedis, à courir et à veiller au grain pendant que 22 joueurs se disputaient un ballon.
Aujourd’hui, cela fait quatre ans que cette Vacoassienne d’origine s’est retirée du monde du football avec, à la clé, la médaille d’arbitrage de l’Union nationale des arbitres français (UNAF). C’est une médaille qui est normalement donnée à tout arbitre qui se retire après au moins 13 ans de services. Mais comme Marie Anne Heuclin est la seule femme arbitre à avoir tenu bon dans la Ligue de Bretagne, son club demande à l’UNAF de faire exception à la règle et de lui offrir la médaille. Demande qui est acceptée et qui s’accompagne même d’une modification des règles : désormais, la médaille est remise aux femmes arbitres après dix ans au lieu de treize.
Marie Anne Heuclin, née Lebon, a grandi dans une famille de sportifs. Elle joue d’ailleurs au foot avec ses frères. Au collège Bon et perpétuel secours, elle excelle en volley-ball et en athlétisme. À la fin du cycle secondaire, elle va à Toulon et rejoint sa sœur aînée qui est mariée à un Français. Après des études de comptabilité, elle s’apprête à rentrer à Maurice quand elle rencontre André Heuclin, qui travaille dans la marine française. C’est le coup de foudre. Ils se marient et auront trois enfants, aujourd’hui adultes.
La jeune femme revient ensuite à Maurice avec ses enfants en bas âge pour un an, alors que son mari est affecté en Martinique. Ils se retrouvent ensuite tous les deux en France et s’installent en Bretagne, dont est originaire André Heuclin. Quand ce dernier prend sa retraite anticipée, la famille décide de s’installer à Maurice. Ce qu’elle fait en 1991.
De retour dans son pays natal, Marie Anne Heuclin participe à un cours d’arbitrage féminin, sanctionné par un examen, avec cinq autres femmes. Elle prend du plaisir à apprendre les règlements basés sur l’arbitrage anglais et passe l’examen. Elle arbitre quelques matchs de football féminin et des matchs de jeunes. Mais comme l’aînée de leurs enfants doit entamer ses études supérieures, les Heuclin décident de repartir et s’installent à St Malo.
Toutefois, Marie Anne Heuclin ne veut pas abandonner l’arbitrage. Elle s’inscrit au club de l’Union sportive de St Malo. Elle rêve d’arbitrer des matchs de Ligue 1 ou 2 mais ceux-ci sont hors de sa portée car réservés à des arbitres de moins de 30 ans.
C’est donc sur la Nationale qu’elle jette son dévolu. Elle se remet à la théorie, retravaille son physique et maîtrise les règles du foot sur le bout des doigts. Elle participe ensuite à l’examen de la Ligue de Bretagne. «Ils m’ont fait arbitrer un match et là, ils ont jugé que j’arbitrais à l’anglaise. Cela signifi e que je laisse jouer le match plutôt que de sanctionner n’importe quelle petite faute. Mon raisonnement est le suivant : les gens paient pour venir voir un bon match et des buts, je ne vais pas arrêter le match pour des broutilles.» Elle est acceptée et obtient sa licence d’arbitre, seule femme au milieu de 350 arbitres hommes.
Pour pouvoir être arbitre, dit-elle, il faut être un brin autoritaire, avoir du caractère, de la discipline et bien entendu connaître le football. «Il faut avoir joué au foot pour connaître le jeu.» Tous les dimanches et parfois aussi les samedis, elle est de sortie, arbitrant les matchs de son département qui comprend les clubs de Brest, St Brieuc, Rennes, Quimper et Lorient. Pour les matchs plus importants, elle offi cie comme arbitre de touche.
Avant chaque match, elle téléphonait à ses collègues qui avaient déjà arbitré les clubs en lice pour savoir quels joueurs avaient tendance à être rébarbatifs. «Je me renseignais pour avoir à l’œil les plus susceptibles de me pourrir la vie pendant le match. Il faut dire que les coaches aussi avaient une façon bien à eux de dresser un joueur qui s’était montré récalcitrant. Ils le nommaient capitaine lors du prochain match. Cela conférait au gars une certaine responsabilité et il se surveillait.»
«Certains joueurs n’acceptaient pas d’être arbitrés par une femme»
Elle ne compte plus le nombre de matchs qu’elle a arbitrés, ni le nombre de cartons jaunes sortis pour «calmer les joueurs un peu nerveux». Par contre, elle sait qu’elle n’a donné que dix cartons rouges. Et pas pour des fautes de jeu. «Si j’ai sorti le carton rouge, c’est parce que certains joueurs n’acceptaient pas d’être arbitrés par une femme. J’ai eu droit à des réfl exions : ‘tu es une femme et tu ne sais pas courir ! Va apprendre à jouer au football !’ Ou encore ‘Va faire la vaisselle plutôt !’ Dessus, j’ai été intraitable car j’estime que j’ai mérité ma place autant que les arbitres hommes et que ce n’était pas normal de subir ainsi une discrimination parce qu’on est femme.» Mais ces remarques sexistes, confi et-elle, ne sont rien à côté de ce que disent les footballeuses. «Elles sont pires que les gars. Elles sont plus violentes et jurent comme des charretiers. C’est atroce.»
Au bout de dix ans, son mari commence cependant à trouver le temps long le weekend, surtout le dimanche. Elle décide donc de tirer sa révérence. «Je n’ai pas de regrets. J’ai eu de bons moments.» Depuis 2010, c’est donc devant son petit écran qu’elle suit les matchs de football. Pour garder la forme, elle court… mais développe une polyarthrite douloureuse qu’elle doit soignée avec des injections de cortisone. C’est ainsi quelle découvre par hasard le longe-côte ou la marche aquatique, introduite en France il y a huit ans. «Comme l’indique son nom, le longe-côte consiste à marcher dans l’eau jusqu’à hauteur de la poitrine et à un rythme régulier pendant une heure. Il ne faut qu’enfi ler des chaussons aquatiques et marcher sur un plancher aquatique nivelé. Flic-en-Flac, Péreybère et Mon-Choisy sont des plages idéales pour cela.»
Lorsqu’elle pratique le longe-côte en Bretagne, ses douleurs aux jointures diminuent et elle peut réduire sa dose de cortisone. Il y a deux mois, elle est revenue à Maurice avec son mari mais pas question d’abandonner le longe-côte. Elle veut désormais en faire profi ter les Mauriciens. «Avec le longe-côte, c’est la tonicité et le bien-être assurés. Cela fait travailler les articulations, la colonne vertébrale, la circulation sanguine, les muscles. Sans compter les bienfaits de l’iode pour l’organisme. Cette discipline s’adresse aux adultes. Quand on sort de là, on est fatigué mais c’est une fatigue saine.»
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