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Agressions dans les hôpitaux : infirmiers et médecins pas vaccinés
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Agressions dans les hôpitaux : infirmiers et médecins pas vaccinés
Œil au beurre noir, jurons contenant le mot «mama», gifles, baffes, claques. Autant de maux auxquels médecins, infirmiers et autres membres du personnel soignant des hôpitaux doivent faire face. Pas de discrimination sexuelle en ce qui concerne la violence. Hommes et femmes se retrouvent au centre du ring et aux soins intensifs.
À l’instar de Raghini, infirmière à l’hôpital de Flacq. En six ans de carrière, la jeune femme, âgée de 28 ans, n’avait encore jamais vu ça. «Zouré la tou lé zour gagné mem sa, mé baté premyé fwa la…»
C’était il y a quelques semaines. L’alarme annonçant la fin des heures de visite retentissait. Mais le père de ce garçonnet d’un an et demi, lui, avait décidé de faire la sourde oreille. «Linn vinn guet mo collègue, linn demann li kifer li pe sonn lakloss for. Swadisan so zanfan inn gagne per akoz sa.»
Ni policier ni gardien
S’ensuivit une scène épique. La grand-mère de l’enfant s’est mise à insulter les infirmières. Il n’en fallait pas plus pour exciter davantage le père, qui a sorti le grand jeu. Raghini et sa collègue ont reçu, dans le désordre : des coups de pied, des coups de poing, des coups aux côtes, à la tête et ailleurs. «Nou ti en sang. Nounn gagne sok. Ti kapav fini la morgue sa.»
Traumatisée, elle l’est toujours. Mais elle reprendra, malgré les blessures psychologiques, le chemin de l’hôpital dans une semaine, après 21 jours d’arrêt de travail. Outre ses bas et ses chaussons d’infirmière, la peur l’accompagnera aussi lorsqu’elle reprendra du service. D’autant plus qu’elle a entendu dire que le père, boxeur à ses heures perdues, était retourné à l’hôpital pour y faire ausculter son fils il y a quelques jours. «Je ne sais pas s’il a été en prison, mais je sais que je risque de croiser son chemin encore une fois.»
Le jour de l’agression, il n’y avait ni policier ni gardien. C’est un collègue qui a alerté les forces de l’ordre, précise-t-elle, visiblement encore sonnée. Les comprimés de paracétamol n’y peuvent rien, la pilule est toujours aussi dure à avaler. Les cauchemars reviennent avec insistance. «Je revois toute la scène dans ma tête, c’est comme être actrice dans un film d’horreur.»
Un Far West local
Vandana s’est également crue au Far West le jour où elle a été agressée. Elle a dû faire face à une Calamity Jane, confie l’infirmière de 34 ans, qui exerce dans un hôpital situé dans les Plaines-Wilhems. La salle d’attente était bondée, comme pratiquement tous les jours. «J’ai appelé un patient plusieurs fois mais en vain. Il s’était trompé de porte.»
Une trentaine de minutes plus tard, la femme du patient en question a dû sentir grimper sa pression artérielle. Car elle est entrée dans une colère noire et s’est mise à traiter l’infirmière de tous les noms d’oiseaux. «Gro gro bêtises, pa kapav repéter sa.» N’étant pas du genre à se laisser faire, Vandana a demandé à la furie de se calmer. Il n’en fallait pas plus pour que le volcan entre vraiment en éruption. Résultat des courses : un match de catch à sens unique, entrecoupé de gros mots bien de chez nous.
«Mes collègues et les médecins se sont interposés. Le mari de la femme a bien essayé de la calmer, mais il en a lui aussi pris pour son grade.» N’y avait-il pasde policier sur place ? «Il y en a un qui est posté à l’entrée de la salle d’attente, mais il avait encore disparu, comme à son habitude.» Vandana s’est alorsrendue au poste de policede la localité. «Zonn dirmwa pa pou kapav pranmo statement parski pakoné sipa fam la missyé laso maîtresse, sipa so fam. Je n’ai pas tout compris, tout ce que je sais c’est que cette malotrue s’en est tirée à bon compte.»
Chose qui révolte le Dr WasseemBallam, président de la MedicalHealth Officers Association(MHOA). «Si l’agresseur a un casier vierge, il s’en sort avec une amende. Sinon, il passe trois à cinq jours en prison. Il faut revoir la loi», s’insurge-t-il. Il tientà revenir sur le cas de cette doctoresseexerçant à l’hôpital du Nord, qui a dûsubir une intervention chirurgicaleaprès avoir été agressée, le 9 juin. «Je peux vous dire qu’elle est toujours mal en point, physiquement et moralement.»
Le ministère de la Santé banalise les incidents
Les agressions, il en connaît un rayon, ayant déjà reçu «enn kout tête» alors qu’il était en poste à l’hôpital de Rose-Belle, en 2010. Une petite fille s’est présentée dans la salle de consultation, accompagnée par ses parents, relate le Dr Ballam. L’état fiévreux et les difficultés respiratoires de l’enfant l’ont conduit à demander une radiographie, notamment. Le père de l’enfant, qui était en état d’ébriété avancé, s’est alors mis à l’insulter. «Li dire mwa ki X-ray to pe demann mo piti fer, mwa ki dokter la, enn ferfout to pa koné twa.»
Diagnostic : un coup de boule, des bosses, des lunettes brisées, de belles égratignures pour le médecin et trois jours à l’ombre pour le papa-catcheur. Pour le président de la MHOA, les hôpitaux sont devenus de vrais champs de bataille au cours des derniers mois. Pourquoi ? «Tout va mal. L’administration a tort. Nos revendications ne sont pas entendues.» Selon lui, le ministère a tendance à banaliser les incidents, ajoutant de l’eau au moulin de certaines «têtes brûlées, qui se croient du coup tout permis».
Que dire aux patients qui qualifient le service hospitalier d’exécrable ? À ceux qui déplorent la façon de faire du personnel soignant ? «Les gens peuvent attendre 3 ou 4 heures dans une clinique, mais dans les hôpitaux, après une heure, c’est l’émeute ! Ils peuvent attendre des heures dans une file à la banque, même s’ils étouffent. Pourquoi ne tabassent-ils pas le manager et sa bande ?»
Des caméras placées dans les centres de santé
Autre fait à déplorer : le manque de personnel. «Les médecins qui sont de garde prennent leur service à 9 heures, pour terminer le lendemain à 16 heures… Nous sommes humains. Comment voulez-vous exercer le métier comme il se doit dans de telles conditions ?» Quel remède miracle préconiser pour éradiquer cette épidémie de violence ? La prescription se trouve entre les mains du ministère de la Santé, selon lui.
Sollicité pour une réaction vendredi, le ministre de tutelle, Anil Gayan, a expliqué qu’il suivait la situation de près. Des caméras seront ainsi placées dans les centres de santé, alors que des affiches mettant en garde les potentiels agresseurs sur les risques qu’ils encourent ornent déjà les mûrs des hôpitaux. «D’autres mesures viendront en temps et lieu», ajoute-t-il.
«Pourvu que les autorités ne sombrent pas dans un coma profond», conclut le Dr Ballam.
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