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Dominique de Froberville, CEO de la Mauritius Freeport Development: «Le challenge pour le port franc sera d’aller chercher des marchés de niche»

20 juillet 2015, 08:44

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Dominique de Froberville, CEO de la Mauritius Freeport Development: «Le challenge pour le port franc sera d’aller chercher des marchés de niche»
 
Avec les accords signés pour le développement du port, le port franc sera un des secteurs qui en bénéficieront directement. Dominique de Froberville, le Chief Executive Officer de la Mauritius Freeport Development, l’un des principaux hubs de logistique et d’entreposage de cette zone, parle de l’importance stratégique du port franc et évoque des projets de développement prévus dans un futur proche…
 
Comment expliqueriezvous la notion de freeport au commun des mortels ?
Le freeport est un concept d’opérations logistiques sous un régime fiscal particulier. Il permet aux opérateurs spécialisés dans l’entreposage et la distribution d’opérer sous certaines conditions pour redistribuer les produits vers des marchés hors du pays. Cela inclut aussi des entreprises spécialisées dans la petite transformation. Dans le cas de Maurice, il y a des avantages fiscaux que le pays a mis en place. Ces avantages sont évalués selon la stratégie économique du pays. Concrètement, nous pouvons prendre l’exemple des droits de douane intéressants.
 
Si on parle d’avantages fiscaux pour les entreprises, de quoi bénéficie le pays en retour ?
Premièrement, il y a l’investissement. L’investissement dans l’infrastructure se fait en milliards de roupies. De plus, c’est un secteur qui crée de l’emploi. Le pays bénéficie du transfert de technologie, car le port franc attire aussi les opérateurs internationaux. Par exemple, chez MFD, nous collaborons avec Princes Tuna. Ces groupes viennent avec leurs technologies et leurs compétences. L’installation de ces compagnies permet aussi à tout un groupe de services annexes locaux de s’installer, que ce soit dans le secteur de l’informatique, de la mécanique ou du gardiennage.
 
Combien d’employés compte le port franc ?
Plusieurs milliers. Rien qu’à la MFD, entre nos clients et les opérateurs, nous comptons plus de 2 000 personnes actives sur le site. Donc vous voyez bien que le marché de l’emploi bénéfi cie directement de ce secteur.
 
Revenons au coeur du port franc. Quelles en sont les activités majeures ?
À Maurice, il y a trois activités principales. Il y a les produits de la mer, le stockage et la distribution des produits et la transformation légère. La transformation légère concerne les opérateurs qui ont des usines à l’intérieur de la zone où ils transforment de la matière première en produit fini ou à moitié fini pour l’exportation vers des marchés régionaux ou vers l’Asie ou l’Europe dans certains cas.
 
Maurice n’est pas le seul pays où opère un port franc. Qu’est ce qui fait que le pays est plus compétitif que d’autres ?
Tout d’abord, nous avons un port qui fonctionne correctement. Il y a certes moyen de l’améliorer. Les tarifs sont très compétitifs, nous avons des opérateurs qui se sont adaptés aux clients, avec les infrastructures nécessaires. Puis, nous avons une connectivité aérienne et maritime très développée. Ajoutons à cela le système bancaire et la politique stable et nous avons un mélange d’avantages qui attirent les opérateurs.
 
Que faudrait-il faire pour parfaire le port, selon vous ?
Il ne faudrait pas parler en termes de perfection mais de capacité en ce qui concerne l’amélioration. Nous avons constaté que plus le port est grand, plus il nous est possible de faire des économies d’échelle, de nous diversifi er tout en proposant des tarifs intéressants. Port-Louis a la capacité d’avoir 1 000 mètres de quai avec dix portiques qui gèrent au-delà d’un million de containers par an.
 
Actuellement, nous sommes nettement en dessous de ce chiffre. C’est l’objectif que Port-Louis devrait viser en termes de capacité de gestion. Mais il ne faut pas mettre de côté la productivité. Pour arriver à être productif, il faudrait améliorer le nombre de mouvements par heure que chaque crane peut effectuer en vue d’atteindre les normes internationales. Puis, il faut réduire le temps d’attente des bateaux car l’attente d’une demi-journée coûte et les armateurs ne sont pas disposés à se rendre dans un port où cela leur revient cher.
 
Puis, la diversification constante est primordiale. Il faut arriver au point où lorsqu’un armateur pense à l’océan Indien, son choix se dirige vers nous sans qu’il ne se pose de questions. Le port doit avoir en tête le business régional car le marché local offre très peu de possibilités de progression. Pour résumer, il faut attirer plus de lignes maritimes ou augmenter les échanges avec les lignes existantes pour augmenter le nombre de containers traités.
 
Parlant d’importations et d’exportations, selon les chiffres, on constate une croissance constante pour des produits comme les téléphones portables et les cigarettes. Bénéficie-t-on vraiment de cela ?
Pour que ce stockage puisse se faire, il faut qu’il y ait des opérateurs, des employés, des infrastructures et toute une panoplie d’autres services. La compagnie qui importe les téléphones d’un pays pour les acheminer vers un autre, ne fait pas que cela dans son entrepôt. Il y a une série d’activités autour qui génèrent de l’emploi. Il faut cesser de voir uniquement en termes de revenus que le pays peut engranger à travers les taxes. Il faut aussi tenir compte de l’industrie autour.
 
Parlons de développement. Avec les accords signés avec les différents pays pour développer le port, quel sera l’impact sur le port franc ?
L’impact est direct. Tout développement de Port-Louis ne pourra qu’être bénéfique au port franc. Plus le nombre de containers traités annuellement est important, plus il y aura de lignes maritimes qui toucheront Port-Louis. Nous nous transformerons en hub et les coûts vont baisser. Les services vont s’améliorer. L’armateur va certainement se tourner vers un port où il aura un bon service et le moins de problèmes possible. Un port développé lui proposera exactement cela.
 
Ce développement devrait-il inclure Rodrigues ?
Le développement ne devrait exclure personne. Rodrigues a certainement un potentiel. L’île est positionnée sur une ligne maritime principale. Nous savons que les eaux de Rodrigues sont poissonneuses, donc on peut envisager le développement du seafood là-bas, ou même des usines de transformations.
 
Avec le développement du port, quelles sont les mesures que le port franc devra prendre pour s’adapter ?
Il nous faudra être plus visibles sur les marchés internationaux, rencontrer plus de clients dans un but d’expansion. Nous accueillons favorablement les annonces qui ont été faites pour Jin Fei.
 
Il faut impérativement que l’accès au site soit construit, car actuellement, il n’est pas envisageable de s’y rendre par les routes existantes. Et cela devra se faire avant même de développer Jin Fei, car ce sera un facteur important que les opérateurs prendront en considération avant de s’impliquer.
 
Ce développement va-t-il attirer de nouvelles activités ?
Le port franc s’est limité à quelques axes de développement. L’agro-alimentaire, par exemple, est très peu présent, mais c’est un secteur qui présente des possibilités intéressantes.
 
Puis, il y a les marchés de niche à développer. Pour se diversifier, il faut savoir quels marchés nous voulons viser. L’Afrique est le marché phare que nous visons dans les années à venir. Donc, il nous faut savoir ce dont elle a besoin, d’où elle l’importe et comment on peut attirer ces opérateurs à s’implanter ici.
 
En marge du développement local, la MFD a aussi projet d’investir à l’étranger…
La MFD a rempli son contrat auprès du gouvernement. La totalité de la zone 5 qui nous a été allouée a été développée. Il est évident que l’épanouissement que nous envisageons se répercute sur les pays régionaux. Nous sommes en train d’analyser quelques pistes, mais nous n’avons encore rien défini. Nous sommes encore au stade d’études des marchés, de leurs besoins et de leurs évolutions. Il nous faut aussi voir quelles sont les facilités et infrastructures disponibles dans les pays de la région.
 
Comment voyez-vous l’avenir du port franc ? Où sera-t-il dans cinq ans ?
L’on aura progressé de 25 à 30 %. Les secteurs traditionnels seront toujours là, ils seront plus développés. Le challenge sera d’aller chercher les marchés niche. Soyons réalistes. On a beau parler de superficie, nous serons toujours une goutte d’eau sur le marché, comparé à Dubaï ou Singapour. De ce fait, nous ne devons pas nous battre sur le marché de masse. Il nous faut plutôt attirer les opérateurs impliqués dans ces marchés de niche. C’est ce qui va permettre notre évolution.
 
Mais les marchés de niche sont assez limités. Est-ce viable ?
Définitivement. Prenons l’exemple du riz. Si un exportateur veut s’attaquer au marché du riz pour le continent africain, la moitié de l’île ne sera pas suffisante pour le stockage. Notre capacité à traiter du volume est limitée, il faut qu’on arrive à traiter les petits volumes sur lesquelles les marges sont plus importantes.
 
Le stockage d’un téléphone portable par rapport à un kilo de farine est plus simple. Le marché africain représente des centaines de millions d’habitants donc forcément, le marché de niche y sera important aussi. La qualité trouve toujours preneur.
 
Revenons à l’exportation des téléphones portables. La compagnie qui fait le stockage importe et exporte des produits fi nis. Pourquoi ne pas envisager un secteur d’assemblage ici, dans le marché de développement ?