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Nita Deerpalsing, directrice exécutive de Gender Links: «C’est plus difficile d’agir en tant que femme en politique»
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Nita Deerpalsing, directrice exécutive de Gender Links: «C’est plus difficile d’agir en tant que femme en politique»
La candidate battue aux dernières élections législatives s’est mise en congé du Parti travailliste. Elle a été recrutée comme directrice exécutive de l’organisation non gouvernementale Gender Links (GL). Elle évoque ses deux derniers mandats et les nouveaux défis qui l’attendent en Afrique du Sud, où elle sera basée.
Vous quittez le parti comme les rats quittent le navire ?
Les partis politiques en général ont une vie plus coriace que les événements électoraux et ça, c’est prouvé internationalement. Les partis passent par des hauts et des bas et rebondissent toujours. Je n’ai aucun souci pour les partis politiques à Maurice. Par contre, pour le bateau du pays, d’après ce que j’entends dire, le climat de confiance, le feel-good factor, ça n’y est pas vraiment.
Pour mon pays, je souhaite que les choses aillent mieux. Avec GL, j’ai la chance et l’honneur de continuer à faire ce que je faisais dans un domaine où je me suis engagée depuis 2005, c’est-à-dire être au service des autres. De 2005 à 2015, je l’ai fait au niveau de la politique partisane. Là, je serai à un autre niveau. Je vais continuer un engagement politique dans le sens le plus large. C’est une occasion d’être en action pour changer ou essayer de changer la vie des gens et notamment des femmes. Le fait que ce poste soit tenu par une Mauricienne, c’est aussi un honneur pour le pays.
De par votre formation actuarielle, on se serait attendu à vous voir dans le «Corporate World». Comment avez-vous atterri dans la société civile?
C’est vrai que je suis de formation actuarielle et que j’ai acquis une expérience en la matière au Canada. En janvier 2015, je me suis dit que je devais me réorienter. J’avais la possibilité de repartir pour le Canada où j’ai plein de contacts et d’amis et où j’ai eu quelques propositions de me joindre au CorporateWorld au niveau du management dans le domaine de la finance et l’actuariat.
À travers mes contacts européens, surtout quelques députés, on m’a proposé des choses en matière de développement international. J’ai réfléchi et j’ai réalisé que le Corporate World, je l’ai fait. I’ve been there, done that. Ayant pris un engagement politique, je voulais continuer à être dans l’action de changer le monde, même si c’était une petite contribution. Je me suis inscrite sur un portail international de développement professionnel pour executive jobs et un jour, j’ai reçu une alerte pour le poste de directrice exécutive de GL, une organisation non gouvernementale (ONG) d’Afrique australe que je connais un peu.
Ce recrutement était géré par une compagnie de recrutement basée à Oxford, en Grande-Bretagne, et le responsable de la compagnie m’a appelée pour une discussion informelle. Le processus de sélection a eu lieu et sur plus d’une centaine de postulants, dix personnes ont été interviewées via Skype et j’en faisais partie. De ces dix, six personnes ont été retenues. Nous avons été invitées à passer quatre à cinq interviews supplémentaires à Johannesburg, en Afrique du Sud, où est basée l’ONG et cela a culminé par une présentation devant le board. C’était très challenging.
Vous étiez confiante ?
J’ai fait de mon mieux. Je crois que les autres postulants étaient très méritants et avaient plus d’expérience en matière de société civile. Quand je me suis présentée devant le conseil d’administration, j’étais très confiante. Il y a eu une réflexion qui m’est passée par la tête à ce moment-là : je me suis dit que cela fait du bien d’être reconnue pour ses mérites a contrario de la politique à Maurice où d’autres critères entrent en jeu.
Quand prenez-vous le poste ?
Je commence dès lundi et mon contrat est de deux ans, renouvelable.
Avez-vous démissionné du PTr ?
Non, j’ai pris un congé politique. J’ai vécu dans plusieurs pays et durant ma vie antérieure, j’ai sans doute dû être une nomade. Je suis avant tout une citoyenne du monde. Home is where I hang my hat. Lorsque j’étais au Canada, j’étais engagée dans le mouvement Students Against Apartheid et j’ai toujours eu envie de m’engager quelque part, de changer le monde.
Après la politique active, j’ai réalisé qu’il est facile de s’asseoir sur un canapé et de refaire le monde mais plus difficile de relever ses manches et d’agir en tant que femme en politique active. J’ai toujours eu envie d’être dans l’action, de faire quelque chose pour améliorer le sort des gens. Je l’ai fait tantôt mal, tantôt bien, et peut-être un peu trop parfois mais je l’assume. Je suis une passionnée. Quand je crois en quelque chose, je le fais avec passion et là, I look forward de m’engager.
Comme vous n’avez pas démissionné du PTr, ne craignez-vous pas de colorer politiquement cette ONG apolitique ?
Je suis une professionnelle avant tout. Toutes les personnes avec qui je m’engage me connaissent. C’est clair que je ne serai pas dans la politique partisane. De toute façon, être membre d’un parti politique est un droit fondamental de n’importe quel citoyen. Je ne donnerai aucune coloration politique à l’ONG.
En tant que directrice exécutive de GL, vous allez défendre les femmes. Or, lors d’un incident durant un meeting du 1er mai à Quatre-Bornes, vous ne vous êtes pas défendue…
Primo, puisque je n’avais rien entendu sur le moment, il n’y avait rien à défendre. J’en ai pris connaissance lorsque la bande-son a été diffusée sur les ondes des radios. Deuzio, je ne me suis pas fait d’illusion. La meute out there voulait à tout prix m’utiliser, m’instrumentaliser pour son propre agenda. Mais I do not dance to other’s tunes. Tertio, je l’ai géré à ma manière, je n’avais pas besoin que la meute m’impose ses intentions de dénigrement. La validation de ce que je suis ne vient pas du fait que l’on me flatte ou que l’on me dénigre car étant entière dans l’âme, je suis immunisée contre ça.
Vous attendiez-vous à ce que les coffres de votre leader contiennent autant d’argent ?
Je ne veux pas entrer dans des sujets controversés. Le financement des partis politiques est sous-jacent dans votre question. Il y a une grande hypocrisie et une grande naïveté dans tout cela. Ce n’est un secret pour personne que les campagnes électorales roulent avec de l’argent et c’est ainsi dans le monde entier. À Maurice, il n’y a pas de réglementation. Vivement qu’il y en ait une, ainsi qu’un cadre régulateur. Mais ne nous faisons pas d’illusions : même s’il existe un cadre étatique et régulateur, les partis auront toujours des dons qui passeront hors de ce cadre.
Quelles seront vos attributions exactes à GL?
GL est une ONG internationale dont l’action se situe dans les 15 pays de la SADC. Elle a des bureaux dans dix d’entre eux et dans les autres, des project sites. Ma priorité sera de pérenniser l’action de GL, de remonter son profil. Je rends hommage à Colleen Lowe Morna, la directrice exécutive sortante qui a fondé et transformé cette ONG. Il y a plusieurs ONG internationales comme OXFAM qui ont pris naissance dans l’hémisphère nord et GL est une des rares ONG à émaner de l’hémisphère sud. Je travaillerai avec tous les acteurs des 15 pays, ceux à l’international, des bailleurs de fonds et d’autres agences internationales.
Maurice et le Botswana sont les deux seuls pays de la SADC à n’avoir pas signé le Protocole sur le genre et le développement. Qu’allezvous faire pour que Maurice le signe ?
GL continuera son lobbying. Il faudrait voir le Parquet car il paraît qu’il y a un problème au niveau de la Constitution. Je pense que l’on peut arriver à un compromis. Ce serait dommage que Maurice soit le seul pays non-signataire d’un instrument régional qui consacre la parité hommes-femmes à tous les niveaux.
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