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Marie Annick Nelson, Assistante commissaire des prisons: Une approche humaine envers les détenues

1 août 2015, 08:22

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Marie Annick Nelson, Assistante commissaire des prisons: Une approche humaine envers les détenues
Marie Annick Nelson a été nommée assistante commissaire des prisons depuis près d’un mois. Cette quinquagénaire évolue dans l’univers clos de la prison des femmes depuis près de 36 ans. Un métier qu’elle adore et qui lui semble taillé sur mesure.
 
C’est à 22 ans que cette native de St-Pierre, avant dernière d’une famille de huit enfants, postule pour être recrutée comme Prison Officer après avoir suivi un cours de secrétariat qui l’ennuyait. 36 ans se sont écoulés et Marie Annick Nelson est toujours dans ce milieu. Depuis près d’un mois, elle a été nommée assistante commissaire des prisons.
 
Au moment de son recrutement, c’est un commissaire des prisons britannique, quasiment en partance, qui lui fait passer l’interview et la bombarde de questions. Comme elle aime les gens et que son vis-à-vis le sent, elle est recrutée. Elle fait son entrée dans ce monde inconnu un 28 décembre.
 
Ne sachant pas vraiment quelle est la tenue de rigueur, elle porte de hauts talons. Elle est chaleureusement accueillie par feu une assistante surintendante. Mais la marche, de l’entrée jusqu’à la prison des femmes, est longue et elle peine sur ses talons. En rigolant, sa supérieure lui demande si elle compte venir travailler tous les jours en talons. La leçon est retenue.
 
À l’époque, la prison des femmes et celle des jeunes filles figurent dans la même enceinte, quoique séparées. Lorsque Marie Annick Nelson y débarque, il n’y a que deux détenues dans la prison des femmes et 23 jeunes filles dans le bloc qui leur est réservé. Elle dit n’avoir eu aucune appréhension à travailler dans une prison. «Ce sont des gens normaux, comme vous et moi», dit-elle. Au bout de six mois, elle est confirmée comme Prison Officer.
 
Durant les 35 années et six mois qui suivent, Marie Annick Nelson, qui a travaillé jusqu’ici sous les ordres de sept commissaires, fait la navette entre la prison des femmes et ce qui deviendra le RehabilitationYouth Centre pour les filles, qui sera transféré ailleurs en 1985. À la suite d’un examen, réussi en 1991, elle est nommée Principal Prison Officer Grade 1 et seconde le Orderly Officer. Avant 1995, elle est promue Chief Officer et ses responsabilités s’en trouvent accrues. Ses autres promotions suivent : en 2008, elle est nommée assistante surintendante, surintendante en 2011 et assistante commissaire des prisons, il y a un mois.
 
Si au départ elle travaille aussi de nuit, elle n’est plus tenue de le faire au gré de ses promotions. Mais elle doit tout de même venir à la prison pour des vérifications. Quand elle épouse Laurent, qui est sous-entrepreneur, elle a déjà entamé sa carrière dans le service pénitentiaire. Elle lui donne deux fils, un aujourd’hui âgé de 32 ans, qui est marié et qui vit en Grande-Bretagne et l’autre de 29 ans, qui ira bientôt rejoindre son frère.
 
Lorsqu’ils étaient encore petits, ses enfants ont souffert de son absence. «Oui, ils disaient que je n’étais pas là pour les grands événements. J’étais obligée de leur faire comprendre que je travaille pour leur bien-être et celui de la maisonnée. Ils ont fini par s’y habituer», dit-elle, expliquant qu’à son niveau, c’était surtout dur de ne pas pouvoir rester à leur chevet lorsqu’ils étaient souffrants. Mais qu’elle était bien entourée de la famille et que le travail reste le travail. «J’aime la supervision et la surveillance, la discipline, le bon déroulement des choses, le respect.»
 
Marie Annick Nelson a assisté à la hausse progressive du nombre de détenues, soit de deux à 121 aujourd’hui. De ce nombre, une quarantaine d’entre elles sont des étrangères. Les délits aussi se sont diversifiés, passant de simples vols au trafic de drogue. «Oui, la prison est une société en miniature», reconnaît-elle, sans vouloir rentrer dans les détails.
 
Mais pour s’être familiarisée avec détenues, qu’elle appelle par leurs prénoms ou par Madame et avoir connu leur histoire, Marie Annick Nelson déclare, qu’en majorité, ces femmes sont des victimes. «Bien qu’elles soient un peu plus éduquées que les détenues d’autrefois, la majorité d’entre elles ont joué de malchance dans leur vie. Et beaucoup d’entre elles ont été instrumentalisées par leur partenaire.»
 
Elle a aussi vu l’introduction des programmes de réhabilitation et le bien que cela fait aux détenues. «La prison a connu des hauts et des bas mais les programmes de réhabilitation ont apporté de grands changements sur les détenues. Elles ont compris que même si elles sont en prison pour quelque temps, les Prison Officers sont là pour que ce temps se passe au mieux. Les programmes de réhabilitation, surtout les Life Skills, les cours d’informatique et l’Art Therapy ont un grand impact sur ces femmes qui sont plus calmes, se comportent mieux et acceptent mieux la discipline.»
 
L’assistante commissaire des prisons insiste sur le fait que les détenues sont «des personnes normales, des humains comme vous et moi mais qui n’ont pas eu les mêmes chances que nous. Il faut croire qu’une personne peut changer et lui donner une seconde chance». Pour preuve, elle cite le cas de plusieurs anciennes détenues qu’elle croise en chemin mais qu’elle ne reconnaît pas et qui viennent se rappeler à son bon souvenir.
 
«Elles sont différentes physiquement, sont maquillées et travaillent. Elles viennent me saluer et cela fait plaisir de voir que l’accompagnement qu’on leur a offert a servi à quelque chose», dit-elle, en avouant qu’il lui arrive de penser que n’importe qui peut se retrouver en prison. «On aurait pu être à leur place. Il faut les traiter humainement et être à leur écoute tout le temps car elles n’ont que nous comme personnes externes avec qui communiquer».
 
Marie Annick Nelson a sous son contrôle 85 Prison Officers femmes, dont beaucoup ont moins de 25 ans. «Nous travaillons en collaboration. Nous nous entraîdons. Nous sommes une chaîne. Si un maillon cède, c’est toute la chaîne qui se casse». Elle encourage les jeunes à opter pour un travail à la prison. «C’est un travail formidable que d’aider les personnes ayant joué de malchance dans leur vie, de les aider à voir la société autrement et à se relever après avoir chuté».
 
Les conditions préalables pour exercer ce métier sont : être capable de donner de sa personne, de son temps, savoir faire preuve de respect envers autrui et être honnête envers le service. Marie Annick Nelson souhaite qu’il y ait un jour une femme commissaire de police. «Nous avons déjà une Deputy Commissioner des prisons. Donc, pourquoi pas une femme commissaire un jour ? Je souhaite qu’il y en ait une.»
 
Bien que plusieurs membres de sa fratrie soient établis en Grande-Bretagne, l’idée ne l’a jamais effleurée d’entamer des démarches pour émigrer. «J’aime mon pays. Ma maison est ici. Et j’adore mon boulot.» Pourtant, elle a été en vacances à plusieurs reprises dans ce pays. Alors que d’autres auraient profité de ce temps de repos bien mérité pour aller faire du shopping ou toute autre activité totalement étrangère à son travail, Marie-Annick Nelson a trouvé le moyen de se retrouver… en prison.
 
Une fois, c’était dans une prison des femmes à Londres. Une autre fois, c’était dans une prison haute sécurité dans la ville de Milton Keynes. Et la dernière fois, c’était dans une prison ouverte, toujours à Milton Keynes. «C’était une initiative personnelle. Je voulais voir comment on travaille là-bas». Autant dire qu’elle a du mal à s’éloigner de l’univers carcéral où qu’elle soit.
 
Si elle a retenu une chose de ses visites dans les prisons anglaises, c’est que certains détenus sont autorisés à aller travailler hors de la prison en journée. «Les Prison Officers vont faire des vérifications et les détenus regagnent la prison l’après-midi. Comme le fonctionnement de nos prisons est grandement calqué sur le modèle anglais, nous pourrions peut-être envisager cela pour les Open Prisons. Il faudrait l’essayer un jour… »