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Ismaël Toorawa, Deputy Country Director-Operations du PNUD: Cultiver l’esprit d’entraide
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Ismaël Toorawa, Deputy Country Director-Operations du PNUD: Cultiver l’esprit d’entraide
La détresse humaine, ce Mauricien de 42 ans l’a touchée du doigt à plusieurs reprises au cours de sa carrière. Ismaël Toorawa est directeur du PNUD au Népal. Sa fonction, il l’entrevoit comme une opportunité qui lui permet d’aider une multitude de personnes ponctuellement. Rencontre.
Dans la hiérarchie des instances des Nations unies : trois Mauriciens. Et Ismaël Toorawa fait partie d’eux. Il est non seulement adjoint au directeur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Népal mais est aussi le directeur des opérations de cet important bureau.
À 42 ans, il a vu la détresse humaine à nombre de reprises puisqu’il était en poste aux Iles Salomon lorsque celles-ci ont été frappées par un séisme de magnitude 8.1. Il avait aussi déjà pris son affectation à Katmandou, la capitale du Népal, depuis presque deux ans lorsque cette République a été secouée en avril dernier par un tremblement de terre de magnitude 7.9.
Au-delà de recueillir des fonds – il n’est d’ailleurs pas peu fier que les Mauriciens aient généreusement contribué Rs 1 million au même titre que le Japon dont les revenus sont pourtant supérieurs à ceux de ses compatriotes – ce qu’il apprécie avec son emploi, c’est de pouvoir améliorer la vie de personnes à un moment où elles en ont le plus besoin.
«Lorsque ma fille Iman-Sara qui a dix ans me demande ce que je fais, je lui dis que je suis payé pour aider des gens que je ne reverrai sans doute jamais. Lorsqu’elle sera plus grande, je modulerai ma réponse en lui exposant le rôle d’une agence des Nations unies. Ce sont ces valeurs d’entraide, même ponctuelles, que je veux transmettre à mes enfants», dit-il.
Ce Curepipien, dont le père Yusuf est propriétaire de la librairie Toorawa, n’avait jamais imaginé alors qu’il étudiait l’économie et la littérature au collège St Joseph et au collège St Andrew’s qu’il serait admis dans le cercle assez fermé d’une agence des Nations unies. D’ailleurs, à la fin de sa scolarité secondaire, c’est en Malaisie qu’il va étudier l’économie après être tombé amoureux de ce pays lorsqu’il était adolescent.
Il entame alors son Bachelor of Arts dont le programme d’études est jumelé à celui de Middlesex University. C’est d’ailleurs dans ce pays qu’il rencontre Serena qu’il épouse par la suite. Il termine sa licence dans la même université anglaise où il complète aussi une maîtrise en gestion.
À son retour à Maurice, il galère pour trouver un emploi. Ces mois de chômage forcé lui font remettre ses choix en question jusqu’à ce qu’une Offshore Management Company le recrute comme Corporate Services Officer. L’aspect répétitif et monotone du travail le rebute. Et puis, avoue-t-il, si les horaires de travail étaient corrects, «les honoraires ne l’étaient pas». Il démissionne au bout de deux ans pour se joindre à une société de fret à Pointe-aux-Sables, la FTL, où il agit comme Administrative and ITManager. Là il s’éclate. «C’était bien car la direction me faisait suffisamment confiance pour m’autoriser à mettre ma main partout.»
Un de ses amis aperçoit dans la presse un avis de recrutement du bureau du PNUD à Maurice qui recherche un chargé des opérations. L’ami lui fait valoir que son profil correspond exactement à celui recherché et l’encourage à postuler. Il le fait.
Au bout d’un mois, il est sélectionné pour les entretiens avec les hauts cadres dont celui qui libère le poste et Ismaël Toorawa passe la rampe. Il doit encore être évalué en entretien par la représentante des Nations unies qui est à l’époque Rose Gakuba. Au lieu des 30 minutes habituelles d’entretien, la discussion dure deux heures.
Il est recruté. Son rôle est de gérer les finances, les ressources humaines, l’achat, l’informatique pour ne citer que ceux-là. Ismaël Toorawa aurait pu mener une vie tranquille car son contrat est permanent. Mais au bout de deux ans et demi, lui, rêve de responsabilités accrues et d’autres défis.
En avril 2005, il postule pour un Leadership Development Programme d’une durée de quatre ans et il fait partie des sélectionnés. Il est envoyé comme chargé de programmes et des opérations au bureau du PNUD situé sur l’île de Guadalcanal, une des 1 000 îles de l’archipel Salomon.
Ismaël Toorawa découvre un très petit bureau fonctionnant avec cinq autochtones et un budget annuel de 500 000 USD. Si 500 000 personnes d’une dizaine d’ethnies différentes parlant une centaine de langues peuplent ces îles, Honiara, la capitale de Guadalcanal où se trouve le bureau du PNUD, n’en comporte que 30 000, autant dire l’équivalent de la population de Beau-Bassin–Rose-Hill.
Il est agréablement surpris par les habitants qui manifestent une solidarité à toute épreuve envers les personnes du même village qu’eux. «Selon les normes des pays développés, on les considèrerait pauvres car ils n’ont pas de belles maisons, ni de belles voitures. Mais ils mangent très bien car ils élèvent des poules, des cochons, des vaches, pêchent du poisson et du homard, cultivent des légumes sans pesticides. Mais par-dessus tout, ils ont un sens hors du commun de solidarité envers ce qu’ils appellent Wantok, le patois pour One Talk, c’est-à dire les personnes du même village qu’eux», raconte Ismaël Toorawa qui précise qu’au contact des habitants, il est devenu plus humble.
Dans le cadre de ses responsabilités professionnelles, il a fait en sorte que le PNUD les aide pour l’organisation des élections et coordonne la venue d’observateurs. Il met aussi en place un important projet de gouvernance local qui a fait augmenter le budget annuel considérablement, passant de 500 000 USD à 15 millions USD.
En 2008, toutefois, lui et son épouse, qui est enceinte de leur fils, Suleiman, vivent leur premier tremblement de terre qui fait 52 morts et 3 000 réfugiés internes. Traumatisée, Serena lui demande de changer d’affectation. Il est envoyé comme chef de l’unité gouvernance au Cambodge où le budget annuel à gérer est de 21 millions USD.
Ayant adoré la simplicité des habitants de l’archipel Salomon, il met du temps à trouver ses marques en Asie du Sud-Est mais lorsqu’il y arrive, il met en place des projetspour les élections locales avant d’être nommé directeur des opérations.Le budget sous sa responsabilité passe alors à 40 millions USD.
Vu son expérience, Ismaël Toorawa entreprend une revue approfondie de toutes les business processes du bureau, il innove et introduit de nouveaux programmes qui trouvent un écho auprès d’autres bureaux du PNUD. Comme le Young Professional Officers Programme qui consiste à identifier et recruter des jeunes fraîchement émoulus d’universités réputés pour insuffler du sang nouveau et défier le statut quo. Ou encore le Oversight Meetings qui est une réunion mensuelle entre tous les managers pour qu’ils fassent un bilan mensuel de leur travail. Ismaël Toorawa créé même des indicateurs pour chaque département afin de les aider dans cet exercice.
Sollicité par la directrice pays du Népal pour qu’il assume le poste de directeur des opérations, il arrive dans cette République avec sa famille en août 2013. Il y initie un exercice de Change Management pour apporter plus d’efficacitéet d’efficience aux opérations du PNUD. Son style ne fait pas toujours des heureux mais il n’en a cure. «Le monde change, évolue et si nous voulons survivre en tant qu’agence des NU, nous devons changer nos procédures et nous adapter aux réalités.» C’est un vent de changement qu’il amène dans le bureau de Katmandou.
Jusqu’à ce que le tremblement de terre d’avril avec ses 10 000 morts, ses 600 000 maisons totalement détruites, ses 300 000 maisons partiellement détruites, ses 2,8 millions de personnes directement ou indirectement affectées, ses 400 000 enfants nécessitant un espace scolaire et 500 000 personnes nécessitant une assistance pour leurs besoins alimentaires au quotidien, lui fassent prendre une autre dimension.
Il lui faut appliquer un important programme de réhabilitation au coût de 115 millions USD et qui repose sur quatre piliers : l’aide au gouvernement, l’accompagnement des micro-entrepreneurs afin de pérenniser leur business, renforcer la gouvernance locale et rétablir les services publics et le renforcement des capacités pour la gestion des risques des catastrophes naturelles.
Ce père d’un petit dernier, Izaac, âgé de deux ans, a une certitude : c’est de vouloir rester au sein d’une agence des Nations unies car ces affectations lui permettent «de continuer à grandir…»
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