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Victoires aux assises: Rama Valayden, un cas à part

10 août 2015, 11:48

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Victoires aux assises: Rama Valayden, un cas à part

La libération de Sanjeev Nunkoo dans l’affaire Lam Po Tang, le 30 juillet, s’ajoute au palmarès de Me Rama Valayden. Ce dernier avait notamment défendu avec succès Sandip Moneea, blanchi après le meurtre de Michaela Harte, le 12 juillet 2012. Quel que soit le cas, Me Rama Valayden explique qu’il part d’un principe clair : «Nothing is taken for granted.»

 

L’homme de loi nous présente les deux étapes clés de son processus : préparation assidue du procès puis travail de persuasion des jurés. Il commence par réaliser un travail d’investigation indépendant de celui effectué par la police. Plusieurs aspects sont abordés, comme le caractère social d’une affaire. En effet, les témoignages du voisinage ont eu un impact important dans l’affaire Lam Po Tang. Ils ont prouvé qu’il était impossible que le suspect ait été physiquement présent sur les lieux du crime au moment des faits.

 

Aspect théâtral

 

L’avocat procède alors à une reconstitution des faits. Me Rama Valayden confie que pour l’affaire Harte, il est resté pendant quatre heures dans la chambre 1025 de l’ex-Legends, où la nouvelle mariée a été retrouvée morte. Pour la même affaire, il admet être retourné 13 fois à l’hôtel, aujourd’hui rebaptisé Lux* Grand-Gaube, afin d’en connaître les moindres recoins.

 

Me Rama Valayden travaille ensuite sur la défense à partir des informations recueillies. Il monte une équipe d’avocats pour chaque cas et celle-ci étudie minutieusement les détails de son enquête pour bâtir le meilleur argumentaire lors du procès. «À la fin, je dois maîtriser le dossier sur le bout des doigts. Toutes mes questions doivent être décidées au préalable car elles auront un lien direct avec ma plaidoirie.» Un des membres de son équipe, dans le cas Lam Po Tang, Me Nadeem Hyderkhan, nous confie que souvent, il rentrait juste pour dormir et manger. Et encore, ajoute-t-il, il arrivait souvent  de dîner au bureau.

 

«Un avocat ne doit pas croire qu’en quelques mots, il changera l’opinion publique.» Selon Me Rama Valayden, le procès commence bien avant la plaidoirie car les affaires de meurtre finissent invariablement aux assises. Il insiste : «Un avocat travaillant sur un cas de meurtre doit peser ses mots et garder une constance en faisant une déclaration publique dès qu’il accepte l’affaire.» Chaque étape est bien calculée, chaque mot, chaque question est lourde de sens et joue un rôle spécifique.

 

Les jurés ne sont pas, en règle générale, des personnes ayant une formation juridique. C’est ce que confirme Me Rama Valayden : en cour, les arguments qu’il présente sont d’une clarté évidente. «Les jurés doivent être convaincus que je ne bluffe pas». À cela, il ajoute des gestes à l’aspect théâtral. À titre d’exemple, dans l’affaire Lam Po Tang, l’avocat s’est passé le couteau sur la main 30 fois et s’en est sorti avec une simple blessure, voulant démontrer que le meurtrier n’a pas pu utiliser cet instrument pour infliger les coups mortels en 15 minutes. De plus, dans l’affaire Harte, il s’est donné des claques en cour pour prouver que la violence ne laisse pas toujours des marques.

 

La personnalité de l’avocat n’a-t-elle pas également une certaine influence sur le jury ? Certainement, répond Me Rama Valayden. Il mise beaucoup, aux assises, sur la bonne entente avec les jurés. Un travail de recherche est effectué en amont sur ces derniers et l’avocat prononce son discours de telle sorte que celui-ci s'adresse à chaque juré, sans compter qu’il a une grande éloquence.

 

Les failles du système

 

Le modus operandi de la police et la façon dont les enquêtes sont menées ont souvent été critiqués de part et d’autre, surtout dans des affaires médiatisées. Selon Me Rama Valayden, il faudrait d’abord une réforme législative et, par la suite, une réforme au niveau de la police. «Une poursuite basée principalement sur des aveux est aujourd’hui dépassée», confie-t-il. Le Conseil privé a reconnu ce fait dans le cas : Pora v The Queen. Cependant, «à Maurice, nous sommes restés dans un système établi au XIXe siècle où la confession est la Queen of evidence», déplore-t-il.

 

Cet avis est partagé par Me Nadeem Hyderkahan, qui faisait aussi partie de la défense dans l’affaire Lam Po Tang. Il décrit le système actuel comme étant révolu ; pour lui aussi, une réforme s’impose.

 

Les avocats préconisent également une formation plus étendue, spécialisée et élaborée pour les enquêteurs afin de rehausser la qualité des enquêtes policières. Me Rama Valayden soutient qu’il faut instituer une plus grande méritocratie au sein de la police et que si les choses n’ont pas évolué jusqu’à ce jour, c’est surtout par manque de volonté politique. Cela dit, les avocats de la défense dans l’affaire Lam Po Tang précisent que la force policière est composée de membres remplis de bonne volonté et de professionnalisme.

 

Digne successeur de sir Gaëtan Duval ?

 

Au vu du parcours de sir Gaëtan Duval, qui a été nommé Queen’s Counsel – car il n’a jamais perdu de procès aux assises – la comparaison est vite faite entre Me Rama Valayden et celui-ci. Ce dernier a du reste été le «pupil» de sir Gaëtan Duval.

 

Pour Me Yousuf Mohamed, SC, ces hommes sont tous deux de très bons avocats. Toutefois, selon lui, il n’y a aucune comparaison à faire. «Gaëtan Duval avait un sixième sens quand il s’agissait des affaires aux assises. Il pouvait prendre connaissance des détails du dossier le jour du procès et en sortir gagnant.» Me Rama Valayden, quant à lui, a une méthode de préparation beaucoup plus assidue dans son travail. Cependant, il est indéniable que Me Rama Valayden et sir Gaëtan Duval ont deux choses en commun : l’art de convaincre les jurés et une maîtrise parfaite du système pénal mauricien.