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Paul Ng Hung Shin, chef exécutif à l’hôtel Trou-aux-Biches : Quarante-cinq ans d’excellence dans la restauration

15 août 2015, 12:34

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Paul Ng Hung Shin, chef exécutif à l’hôtel Trou-aux-Biches : Quarante-cinq ans d’excellence dans la restauration

«Cela ne m’avait jamais effleuré l’esprit que j’allais m’arrêter un jour. C’est triste oui, mais il fallait une fin», déclare calmement Paul Ng Hung Shin, 66 ans, qui est plus lent dans ses mouvements depuis son malaise. Tout en se prêtant au jeu des questions-réponses, ses yeux vont de nous aux toques blanches qu’il a formées et qui sont en pleine préparation de la mise en place pour le déjeuner.

 

«J’ai formé des centaines de jeunes. Certains ont été chez les concurrents et d’autres ont été recrutés sur des bateaux de croisières. Sortir de l’école de Paul Ng ouvre bien des portes !» À un moment, avoue-t-il, il nourrissait des craintes pour l’avenir du métier, «tant les jeunes n’étaient pas sérieux. J’ai repris confiance en la jeunesse avec un groupe de jeunes. Ils sont 25 et prêts à tous les sacrifices».

 

C’est de son père que Paul Ng tient son amour pour la cuisine. Celui-ci, originaire de Chine, est commerçant. Les Ng possèdent d’ailleurs la première boutique en dur à la cité de Plaisance qui vient juste d’émerger. Même après sa journée de travail, le Chinois se met derrière ses fourneaux. «Il était un fin cuisinier», se souvient son fils. C’est dans cet univers de commerce au détail et de plats mitonnés par son père que Paul Ng grandit, effectuant sa scolarité secondaire jusqu’en Form IV au Belle-Rose Central School, puis optant pour la filière technique, à savoir la cuisine. 

 

Il s’y intéresse pour deux raisons : il a déjà un intérêt pour la cuisine car, pour se faire un peu d’argent de poche, il fait des mines au restaurant Coin Idéal à RoseHill. Ensuite, étant fan de lecture, il tombe sur quelques livres de recettes et certains termes techniques lui sont une énigme. Un de ses cousins travaillant à l’hôtel Le Morne Brabant, il y fait son entrée comme plongeur. Il n’a alors que 16 ans. Sauf qu’étant observateur, tout en faisant la plonge, il note comment on prépare une sauce rouge, un dry curry, un rôti à l’ancienne, toutes les recettes d’antan.

 

 

«J’épiais tous leurs gestes...»

 

 

Le travail de plongeur est dur. Il commence à 6 h 30 et stoppe à 16 h 30 avec une pause de  35 minutes pour le déjeuner. Le service reprend à 18 heures et ne se termine pas avant minuit. Paul Ng est avide d’apprendre en regardant faire les autres. Si bien qu’un jour, il prend son courage à deux mains et demande qu’on veuille bien le laisser mettre la main à la pâte. «Ils étaient surpris de voir que je pouvais y arriver. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que j’épiais tous leurs gestes et que je prenais des notes.»

 

À l’époque, l’hôtellerie commence à prendre de l’essor. New Mauritius Hotels va construire un nouvel hôtel qui s’appellera Le Dinarobin. Une société française pionnière dans la formation professionnelle est appelée à assurer la formation du personnel, notamment en cuisine. Celle-ci se déroule au sein de la première école hôtelière des Casernes, à Curepipe. Le directeur du Morne Brabant, qui a perçu l’intérêt de Paul Ng pour la cuisine, l’envoie suivre la formation. Et là, il s’en donne à cœur joie. Il apprend les techniques de base et les termes de cuisine qui lui étaient méconnus prennent tout à coup leur sens. Les formateurs réalisent qu’il a la capacité de prendre les commandes et l’ambition d’y arriver. Ils voient en lui le futur chef du nouvel hôtel.

 

Les choses se passent comme prévu. Paul Ng est le premier chef mauricien à faire l’ouverture du Dinarobin. Il n’a que 20 ans et dirige une équipe d’une trentaine de personnes. Il passe six mois dans les cuisines de cet hôtel, tout en aidant aussi dans les cuisines de l’hôtel Trou-aux-Biches qui s’apprête à ouvrir ses portes. La société de formation française lui offre une bourse d’un an en France pour parfaire ses connaissances. Là, il fait des stages à l’École d’alimentation de Paris, dans les palaces Le Méridien et Le Novotel, de même que chez le célèbre pâtissier Gaston Lenôtre. Il passe aussi par le centre de catering d’Air France.

 

Cette année à l’étranger lui apprend une méthode d’organisation en cuisine et une nouvelle façon de faire de la pâtisserie, difficile toutefois à appliquer car les produits utilisés sont différents. À son retour, il fait la navette entre Le Dinarobin et l’hôtel Trou-aux-Biches. Parmi les événements auxquels il contribue à faire un succès, il y a notamment la conférence des chefs d’États et de gouvernements de l’Organisation commune africaine, malgache et mauricienne ou encore la conférence de l’Organisation de l’unité africaine. Au cours de ces manifestations, son équipe et lui doivent assurer entre 200 et 300 couverts à chaque service, les cuisines tournant alors 24 heures sur 24. 

 

C’est aussi Paul Ng qui dirige lors du Sommet de la francophonie au centre de conférences de Grand-Baie. Il est également le premier chef à avoir été détaché pendant un an pour aller à Dubayy, plus précisément au Méridien, en tant que chef de partie. Mais Paul Ng voulant exceller, au bout de neuf mois, il coiffe tout le monde au poteau en devenant chef exécutif. «J’avais déjà fait mes preuves à Maurice et je voulais me prouver que je pouvais devenir un chef international.» À son retour, il est muté à plein-temps à l’hôtel Trou-aux-Biches quand Michel Daruty de Grandpré, l’actuel directeur de l’hôtel, y est affecté comme directeur de la restauration. Une grande complicité unit d’ailleurs les deux hommes qui sont, entre autres, à la base de la création du restaurant gastronomique Le Pescatore, à Trou-aux-Biches.

 

Alain Chapel, le mentor

 

Celui qui va parfaire ses notions de cuisine gastronomique est feu Alain Chapel, chef qui a obtenu trois étoiles au guide Michelin. Les deux hommes sympathisent et Paul Ng est annuellement en stage dans le restaurant du chef étoilé, situé dans le village de Mionnay, près de Lyon. «Il y a la cuisine d’hôtel, celle de restaurant et la cuisine étoilée ! La cuisine étoilée met l’accent sur la fraîcheur des produits et les techniques de cuisson afin que les produits soient traités le plus naturellement possible pour conserver toutes leurs saveurs.» 

 

Alain Chapel est son mentor et ce, pendant plus d’une quinzaine d’années. À chacun de ses retours à Maurice, Paul Ng adapte les techniques apprises aux produits mauriciens. Les répliquer s’avère impossible. «En France, les produits proviennent de la ferme d’à-côté et les fruits de l’arbre. À Maurice, ce n’est pas la même chose.» Les années passent et Paul Ng continue à distiller son savoir-faire à l’hôtel Trou-aux-Biches, son plus grand plaisir étant «de pouvoir recevoir, faire plaisir et recueillir un simple bravo au final».

 

 Il est conscient que sa carrière a fait une sacrifiée : sa famille. «C’est mon seul coup de blues. Quand tout le monde fête, nous sommes au travail. Mon épouse, Marie-Josée, a élevé quasiment seule nos trois garçons (NdlR : John, qui a une licence en Food Science, possède la pâtisserie Café 80-83 à Grand-Baie, Brian exerce comme médecin en Australie et son dernier, William, étudie encore). Je la remercie pour ça. Les garçons ont dû souffrir de mon absence mais au fil du temps, ils ont compris que je faisais un métier exigeant.»

 

Il n’est qu’éloges pour Michel Daruty de Grandpré et Herbert Couacaud, l’ancien président directeur général du groupe Beachcomber, pour toutes les opportunités qui lui ont été offertes au cours de sa carrière. Pour pouvoir enfiler les chaussures du chef Paul, comme on l’appelle, il faut, explique-t-il, être prêt à consentir au dur labeur et à la discipline, «aller au charbon tout le temps», «être à l’affût des nouvelles techniques et avoir une bonne gestion de son personnel». 

 

Appelé à faire sa rétrospective, Paul Ng se contente de parler «d’un travail bien fait». Et d’ajouter, en riant : «Je n’ai pas laissé de casseroles derrière moi!» Une chose est sûre. La présence du chef Paul planera sur les cuisines des restaurants et dans les jardins de l’hôtel Trou-aux-Biches bien après son départ.