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De l’Estrac: «Une meilleure connectivité aérienne peut doper la croissance»

24 août 2015, 00:10

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De l’Estrac: «Une meilleure connectivité aérienne peut doper la croissance»

Jean Claude de l’Estrac avance qu’une meilleure connectivité aérienne peut être une source de croissance économique et de création d’emplois. Alors que son mandat à la COI tire à sa fin, son nom est cité pour piloter un important projet de desserte aérienne. Il ne confirme pas.

 

L’Economic Mission Statement du Premier ministre fait mention de la COI par rapport à la mise sur pied d’une compagnie maritime régionale. Sans détour: allez-vous piloter ce projet pour le gouvernement de sir Anerood?

Vous allez plus vite que la musique ! Je suis naturellement très heureux de constater que le plaidoyer que je n’ai pas cessé de faire en faveur d’une connectivité améliorée de la région en matière de desserte maritime et aérienne ait retenu l’attention du Premier ministre.

 

La COI a beaucoup travaillé sur la question et nous venons de recevoir le rapport final de nos consultants. Cette étude financée par l’Union européenne est d’ailleurs intitulée «Feasibility Study to improve connectivity and set the conditions for the setting up of a regional cabotage service in the SW Indian Ocean Region». Les consultants, Planet S.A, ont analysé toutes les options, y compris celle d’une amélioration du service plutôt que la création d’une nouvelle compagnie. Personnellement, je plaide pour la création d’une compagnie régionale, surtout si l’on se place, comme le fait le Premier ministre, à l’horizon de 2030.

 

Le fait que votre mandat à la tête de la COI tire à sa fin alimente les rumeurs. Dans les cercles du pouvoir, on cite votre nom pour reprendre les rênes d’un Air Mauritius «transformé» ou la nouvelle compagnie aérienne régionale annoncée par le Premier ministre… Qu’en est-il au juste ?

Wooa ! Je n’ai pas reçu ces propositions-là. Peut être pourriez-vous m’indiquer le prénom de ces «cercles du pouvoir»…

 

Mon mandat à la COI expire en juillet de l’année prochaine. C’est loin, mais c’est demain. Naturellement j’ai commencé à réfléchir à l’après COI, pour l’instant j’en suis à évaluer mes options.

 

En revanche, vous n’allez pas nier que vous avez récemment discuté avec la hiérarchie gouvernementale de l’un des projets qui vous sont chers : une compagnie régionale aérienne? En quoi celle-ci sera d’un apport pour Maurice qui gère déjà avec difficulté Air Mauritius, et pour la région?

L’une des commissions qui a travaillé sur l’Economic Mission Statement du Premier ministre avait souhaité m’entendre sur la question. Si besoin était, peut-être avons-nous pu démontrer combien une meilleure connectivité aérienne pouvait devenir une source de croissance économique et de création d’emplois.

 

Fort de nombreuses études menées, la dernière en date celle de KPMG, «Indian Ocean Aviation, The Way Forward» qui date d’un an, étude également financée par l’Union européenne, nous avons argué qu’une compagnie aérienne régionale est susceptible d’accroître le trafic et non pas créer des difficultés supplémentaires pour Air Mauritius. KPMG estime qu’une compagnie aérienne low cost sur un marché régional unique est susceptible d’augmenter le nombre de passagers par 40 %. Le président d’Air Mauritius, le Dr Arjoon Sudhoo, avait participé à ces discussions, et j’ai eu le sentiment que nous étions sur la même longueur d’onde.

 

Qui dicte la politique aérienne commerciale de la région : les compagnies aériennes ou les gouvernements?

Vous avez entendu, comme moi, le Premier ministre souligner que la politique aérienne doit tenir compte de «l’intérêt national» et de la croissance économique. Une manière de dire qu’elle ne doit pas être au seul service de la compagnie aérienne nationale. Parfois l’État doit choisir entre Air Mauritius et Mauritius !

 

À Maurice, Air Mauritius est prise entre son rôle de compagnie privée qui doit faire des profits et celui de transporteur national au service du tourisme. Les deux sont-ils conciliables ?

Pas toujours ! Mais il est possible de tirer une ligne de démarcation : l’opérateur ne doit pas se muer en régulateur.

 

Si demain vous devenez le conseiller de SAJ sur les dessertes maritimes et aériennes sur la région et l’Afrique, que recommanderez-vous en priorité ?

Le Premier ministre n’a pas besoin de mes conseils. Il y a dans l’équipe de sir Anerood quelques connaisseurs du monde de l’aérien régional. Mon ami Georges Chung a été un des premiers à proposer la création d’une compagnie aérienne. Il avait commandité une étude, je crois que c’était en 1997, elle retrouve aujourd’hui toute sa pertinence : «African Island Airways Economic case for Mauritius and the Region. »

 

Vous n’êtes pas un expert en aviation. Est-ce que le bon sens suffit pour diriger une compagnie aérienne ?

Réponse courte : non il ne faut surtout pas être un expert en aviation pour diriger une compagnie aérienne. L’expert c’est celui qui est l’un des conseillers du CEO. Depuis sir Harry Tirvengadum, aucun de nos CEO à Mauritius n’a été un «expert». Mais sans doute, faut-il un peu plus que du bon sens.

 

Votre mandat à la COI tire à sa fin. On vous a souvent senti pris dans un dilemme : l’organisme est un facilitateur, voire un catalyseur. Étiez-vous frustré des fois de ne pas pouvoir prendre les décisions que vous souhaitiez, par exemple sur le projet de cabotage ? Quel bilan tirez-vous de vos quatre ans à la COI ?

Le temps du bilan n’est pas totalement arrivé. Je m’active sur les chantiers inachevés, d’autres s’ouvrent, j’aurais à peine le temps de poser les fondations, mais l’essentiel est acquis, notamment les financements, grâce aux 150 millions d’euros du 11e Fonds européen de développement pour la période 2015-2020. J’ai signé l’accord en juin dernier à Bruxelles.

 

Mais vous avez raison, j’ai aussi des motifs de frustration. Je ne manquerais pas de me défouler quand le moment viendra…

 

Si vous ne faites pas votre «come-back» politique auprès du gouvernement mauricien, retournerez-vous, comme prétendent d’autres rumeurs, à la presse ?

Ah la presse, les médias ! Vous savez comme moi, mon cher Nad, que la presse est un virus dont on ne guérit pas. Alors, c’est forcément une de mes options…La presse écrite, la radio, la télévision… Mais plus jamais de politique si vous entendez par là la politique active. Cela fait 20 ans que j’honore ma parole.

 

Vous avez écouté le discours du Premier ministre, les réactions semblent mitigées, quelle est votre analyse ?

Il faut prendre cette intervention pour ce qu’elle est : un nécessaire exercice de communication après une période de flottement causée par un ensemble de facteurs, l’affaire BAI, les nettoyages tous azimuts devenus comme une fin en soi, les ennuis judiciaires de Pravind Jugnauth, le sentiment de trial and error des premiers mois. Tout cela avait fini par reléguer l’économie au second plan. Il fallait replacer la question de la croissance économique au centre du débat national. C’est fait, et de belle manière sous l’autorité d’un Premier ministre comme revigoré.

 

J’ai entendu des critiques à l’effet que le discours n’annonce rien de nouveau. Moi cela me rassure. Il y aurait eu matière à s’interroger, si cinq mois après le discours du Budget, sept mois après le programme gouvernemental, une toute nouvelle orientation avait été proposée. Je trouve l’approche plutôt cohérente.

 

La nouveauté est dans le contrat de cogouvernance économique proposé au secteur privé, formellement reconnu dans son rôle de créateur de richesses. Et ensuite la désignation publique des freins au développement qu’est parfois la bureaucratie gouvernementale. Sir Anerood veut des fonctionnaires qui sont des facilitateurs et non des empêcheurs. Il va falloir qu’il se réveille tôt…