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Poche de pauvreté: Cité Lumière, le quartier de l’ombre

30 août 2015, 15:44

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Poche de pauvreté: Cité Lumière, le quartier de l’ombre

Nathan et Naïs rentrent de l’école. Ils sont bruyamment accueillis par leurs chiens. Les deux enfants, âgés respectivement de huit et six ans, pénètrent dans leur petite maison en bois et tôle qui menace de s’effondrer au moindre coup de vent. Ils habitent  Cité Lumière, la mal nommée, celle que Grand-Baie voudrait garder dans l’ombre, comme une verrue qui enlaidirait la face du village touristique du Nord.

 

Il y a quelques années, une trentaine de familles résidaient dans ce quartier, dont l’entrée se situe juste en face du centre de conférences international. Aujourd’hui, il en reste une dizaine qui affirment «n’avoir nulle part où aller» et qui restent donc dans cette poche de pauvreté.

 

Elle est identifiée comme telle par la National Empowerment Foundation, au même titre que 228 autres quartiers. Donc 229 zones qui attendent que le gouvernement mette en place son plan Marshall pour lutter contre la pauvreté.

 

«Ki nou pou kapav fer, nou mizer»

 

Mantee Beny fait partie des derniers habitants de Cité Lumière. Cette veuve de 65 ans est là depuis plus de 23 ans. Ses deux enfants ont grandi là. Elle y a même marié sa fille. «Notre maison était un peu plus au fond, mais un cyclone l’a complètement dévastée et on a dû en construire une autre, moins grande», confie-t-elle.

 

Aujourd’hui, elle n’a toujours ni eau ni électricité. La sexagénaire doit faire le va-et-vient jusqu’à la fontaine publique, se servant de tout ce qu’elle peut récupérer comme récipient. Et le soir venu, elle s’éclaire à la bougie. Avec tout ce que cela comporte de risques d’incendie. Mais la sécurité est un mot étranger à l’existence de Mantee. «Ki nou pou kapav fer, nou mizer», soupire-t-elle.

 

Dans sa petite cour s’amoncellent des bouteilles en plastique, des boîtes de conserve et des cannettes de bière vides, ramassées sur la plage, dans la rue et près des lieux de divertissement. Contre quelques dizaines de roupies, elle revend ces objets au kilo à des entreprises de recyclage «pour faire rouler la cuisine». Son fils, lui, travaille dans une discothèque du coin.

 

Une unique pièce qui sert de cuisine et de chambre à coucher

 

Sa maison est un véritable fourre-tout. Une unique pièce sert à la fois de cuisine et de chambre à coucher. Une bicoque à l’image des autres maisons de Cité Lumière, des amas de tôle, sans porte ni fenêtres, sans toilettes ni salle de bains. Pour se soulager, les habitants se rendent dans les bois, à côté. Les déchets jonchent le sol, pour le bonheur des moustiques et des rats. Lors de grosses averses, l'endroit est «invivable», nous dit-on.

 

Et pourtant, les habitants de Cité Lumière ne semblent pas attirer la sympathie de leurs concitoyens de Grand-Baie. Certains de ces derniers n’hésitent pas à parler de «nuisance».

 

Ce genre d’environnement, tous les travailleurs sociaux le disent, est un terrain propice à toutes sortes de fléaux : vol, drogue, violence, prostitution, inceste... Les habitants de Cité Lumière sont ainsi tenus responsables de tous les maux de la terre. Principalement des agressions contre les touristes, en nombre croissant ces dernières années. Plusieurs dépositions ont été consignées au poste de police de la localité. Mais même les représentants des forces de l’ordre n’osent s’aventurer à Cité Lumière, avoue, sans gêne, une source policière.

 

Grâce aux programmes d’intégration sociale du gouvernement, une vingtaine de familles qui habitaient auparavant la cité ont été relogées à Sottise. Quant aux autres... elles attendent toujours la lumière au bout du tunnel.

 

 

Mantee Beny habite le quartier depuis plus de 23 ans. Dans sa maison, elle n’a ni eau ni électricité.

 

 

Des toilettes de fortune ont été aménagées dans le petit bois, à côté.