Publicité
[Vidéo] Fermeture de la pêche à l’ourite: les pêcheurs jouent le jeu
Par
Partager cet article
[Vidéo] Fermeture de la pêche à l’ourite: les pêcheurs jouent le jeu
Ils sont devenus des vigiles du poulpe. Et ce, pendant les deux mois où la pêche à l’ourite est interdite dans le Sud. Eux, ce sont les pêcheurs, qui conscients des enjeux, jouent le jeu. Mieux, ils assurent eux-mêmes la surveillance. Reportage au Morne.
Neuf heures du matin, le village du Morne bâille encore. Face à l’îlot Fourneau, le jardin d’enfants, désert, semble s’ennuyer ferme. Seul invité, le vent. Il fait le bonheur des kiters et recouvre les voix d’un petit groupe de pêcheurs. Tous portent le même tee-shirt : Fermtir lapes ourit, en gros caractères rouges. Comme une copie d’élève passée sous les griffes d’un professeur trop sévère. L’explication de cette mise au ban ? Le péché de surpêche, qui ravage les stocks en contrariant la reproduction. Conséquence : le pêcheur d’ourite est aujourd’hui menacé.
«On est en train de vider le coffre-fort»,passe à l’abordage Augustin, lunettes noires et sourire charmeur. Même tocsin pour Christian, qui s’affaire à rafistoler un casier à crabe : «Lagon vinn mizer. Pwason pena, viel mem pena.»
Depuis un mois, Augustin, Christian et les autres ont rangé leur harpon. Ils sont devenus des sentinelles du lagon. Cela semble anecdotique, mais c’est une première. Jamais la pêche à l’ourite n’avait été fermée à Maurice. L’idée : une fermeture saisonnière, du 10 août au 10 octobre, sur la bande littorale qui s’étend du Morne à Souillac. Une zone stratégique puisque 25 % de la production nationale de poulpe est capturée dans ces eaux.
Ce répit, le céphalopode le doit à un projet pilote porté par la Commission de l’océan Indien (COI) et la Mauritius Marine Conservation Society (MMCS). C’est eux qui ont mis en place cette fermeture, quitte à s’attirer au début l’opprobre d’une majorité de pêcheurs. «L’idée des groupes de surveillance est mal passée. ‘Trop dangereux’, disaient les pêcheurs. Ils craignaient des ennuis avec les braconniers», explique Dis Ittoo, de la MMCS. Dix réunions plus tard et le principe d’une petite indemnité journalière adoptée (Rs 200), c’était gagné.
«Il y a eu un gros travail d’explication dans chaque village», poursuit Dis. «On a fait venir un pêcheur de Rodrigues où la fermeture saisonnière donne de bons résultats (voir hors-texte).Les gens ont compris que protéger l’espèce, c’était préserver leur gagne-pain.»
Au Morne, une vingtaine de pêcheurs se relaient toute la semaine pour «checker» que personne ne passe entre les mailles du filet. «Et ça marche !» lâche la pétillante Marie-Josée, qui tient un «trisik» à l’entrée du village. Tous les jours, elle arpente la plage, un petit carnet à la main. «Je suis un peu la gardienne des gardiens !»
Voilà Albert, 70 ans et presque autant de saisons de pêche. Short de bain griffé et barbe généreuse, l’expert ès ourite tempête : «Bizin les zourit grosi ! Pa kapav tir tipti !» Tipti comme une petite bête de moins de six mois qui ne s’est pas encore reproduit. Sachant qu’à huit mois, une femelle peut produire 500 000 œufs, cela vaut effectivement le coup de la laisser passer l’hiver.
Jaquelin, lui, a d’abord vu le manque à gagner : «Lors des très bons jours, quinze livres d’ourites peuvent être prises dans le lagon». A Rs 80 la livre, la fermeture harponne froidement son porte-monnaie. Ce père de famille de 25 ans préfère en rire. «Gagn baté lakaz! Madam dimand ki nou pou manze !» Braver l’interdiction ? «Nan, vo myé atann oktob. Lerla ki pou gagn gro mamou», conclut-il, confiant.
Rodrigues : le poulpe aux œufs d’or
L’ourite rodriguais a été le premier, dès 2012, à goûter à la fermeture saisonnière de la pêche. Deux mois durant, dans toute l’île, il ne passe plus à la casserole. Depuis, la production annuelle est repartie en flèche. Elle dépasse désormais les 500 tonnes, selon les chiffres du Fisheries Department. Il faut remonter à 20 ans en arrière pour retrouver pareille pêche.
Publicité
Les plus récents