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Cédric Rekha: jeune déraciné

14 septembre 2015, 08:13

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Cédric Rekha: jeune déraciné
Il a quitté son île natale. S’il est venu à Maurice, c’est pour pouvoir continuer ses études. Et, hormis le mal du pays et le blues inhérent à la séparation d’avec les siens, cet adolescent de 17 ans doit composer avec des élèves peu amènes et un manque criant de loisirs. Il peut heureusement compter sur Les Amis d’Agaléga…
 
Deux uniformes, une paire de chaussures, un sac, du matériel scolaire, la somme de Rs 2 000 mensuellement et deux excursions par an. Voilà à quoi se résume toute la contribution de l’Outer Island Development Corporation (OIDC) à chaque Agaléen venant compléter sa scolarité secondaire à Maurice. L’argent est reversé directement au centre AMA (Les Amis d’Agaléga), où sont hébergés les garçons agaléens.
 
Cédric, lui, y vit depuis l’ouverture il y a trois ans, car il a dû refaire sa Form V. Sa mère, Josiane, employée par le ministère de l’Economie océanique et des îles éparses, lui envoie chaque mois Rs 2 000. Mais lorsqu’il prélève Rs 600 pour ses leçons particulières d’anglais et de français, la somme qui lui reste ne lui permet aucune folie. «Avek seki resté, mo asté mo bann zafer personel me souvent, li pa asé.»
 
Cédric est originaire de La Fourche à Agaléga. C’est grâce à la lutte menée par le syndicaliste Jack Bizlall et le diocèse de Port-Louis, que la scolarité des Agaléens a pu être étendue jusqu’en Form III dans leur île. Mais pour compléter le reste de leur scolarité secondaire, ils doivent forcément venir à Maurice. Et là, c’est le déchirement. «Premyé lané, ti difisil pou mwa parski mo byen atasé ar mama. Mo ti byen sagrin.»
 
Il y a ensuite la surprise de se retrouver dans une immense école, le MEDCO Trinity de Port-Louis, et dans une salle de classe bondée avec une quarantaine d’élèves alors qu’à Agaléga, l’école est ouverte et le maximum d’élèves par salle de classe varie de quatre à sept…
 
Et c’est sans compter les airs de supériorité et les railleries de certains élèves. «Zot kriyé moi Agaléga ! Ils en font de même avec un autre Agaléen qui fréquente la même école. Ou byen zot dir mwa ena zis coco dan mo zil. Mo agasé mé mo les zot kozé.»
 
Hormis le football qu’il joue à l’école ou encore le samedi au stade Kaya à Roche-Bois, il n’a aucun loisir. Difficile d’en avoir lorsque l’argent ne suit pas. «Mo en plas.» Il peut certes consulter les ordinateurs du centre, qui sont connectés à l’Internet et qui lui permettent denaviguer et faire ses recherches scolaires, mais aussi sur une bibliothèque garnie de livres. Mais ce sont autant d’activités qui le confinent au centre. «Mo pena lwasir», avoue-il.
 
Depuis que sa grand-mère maternelle est venue vivre à Maurice chez une tante, il lui rend visite tous les 15 jours et cela modifie un tantinet sa routine. Cédric attend novembre avec impatience car c’est le mois où il regagnera Agaléga et retrouvera les siens jusqu’à janvier.
 
Il estime que le gouvernement sortant n’a pas fait grand-chose pour les Agaléens venant étudier à Maurice. «On ne nous considère pas comme des citoyens à part entière. Il n’y a pas encore eu de grands devéloppements à Agaléga et ceux qui viennent ici n’ont pas de loisir. Li ti pu idéal si mo ti kapav kontinyé mo letid laba. Dan Maurice, dan tou ti kwin vilaz, district council fer bann aktivité pou bann abitan. Agaléga ankor pe atann. Ziska aster, gouverneman inn tret bann Morisien enn façon ek bann Agaleens enn lot fason. Li pas zis...»
 
Il a foi en la nouvelle direction de l’OIDC, censée travailler avec les ministères de la Jeunesse et des sports et de la Culture pour égayer la vie des élèves Agaléens. «Mo esperé parent ministry pou truv enn solisyon pou nou… », conclut-il.

AMA
Accent sur le bien-être et l’éducation des Agaléens
AMA, qui loue la maison autrefois occupée par le Mouvement pour le Progrès de Roche-Bois, existe depuis 2003. L’association a été fondée par des Agaléens de souche. Son objectif est d’oeuvrer pour le bien-être des Agaléens et les aider à compléter leurs études avec succès. AMA est actuellement présidée par Laval Soopramanien dont les parents sont originaires d’Agaléga. Sa fierté est que trois Agaléens ont réussi cette année à décrocher leur Higher School Certificate. L’association héberge actuellement quatre jeunes, dont Cédric. Hormis les Rs 2 000 reçues de l’OIDC pour chaque enfant, AMA opérait jusqu’à mai dernier avec des fonds du CSR. Depuis, «bann bailleurs inn komans tir l’ail. Mo oblizé dezabiy Pierre pou habiy Paul, paye enn faktir, gard enn lot ziska so limit, koupé transé. La tet pé manzé ar sa», déplore Laval Soopramanien.