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«Revivre les délestages de 76/77 serait une catastrophe», dit Gérard Hébrard
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«Revivre les délestages de 76/77 serait une catastrophe», dit Gérard Hébrard
1966. Gérard Hébrard n’a que 16 ans quand il débarque comme apprenti au CEB. Quarante-huit ans de carrière et 18 mois de retraite plus tard, il est, depuis avril, aux commandes de l’organisme. L’ingénieur de formation semble bien en selle pour y boucler un demi-siècle de carrière.
Quelle est la priorité du CEB face à la situation énergétique alarmante confirmée par l’expert de la Banque mondiale ?
Le mot alarmant n’est pas dans notre vocabulaire. Nous sommes dans une situation semblable à celles que nous avons connues dans le passé. Anticipant ce qui allait être recommandé, le CEB a pris les mesures qu’il faut bien avant que le rapport ne soit soumis dans sa forme finale.
Quelles sont ces mesures prises ?
Le contrat avec CEL a été renouvelé en juin dernier pour une capacité de 22 mégawatts (MW) alors que le rapport mentionne 10 MW seulement. Nous avons signé un accord avec Médine l’année dernière pour une puissance de 11 MW alors que le rapport parle de 4 MW seulement. Des tests assez concluants pour la baisse de tension ont été effectués ces dernières semaines sans que personne ne s’en aperçoive. Nous avons aussi terminé la planification de l’entretien de nos machines. L’appel d’offres pour les 60 MW de St-Louis a été lancé et nous espérons pouvoir finaliser le contrat d’achat pour la fin de l’année pour que les moteurs tournent en juin/juillet 2017. Nous avons aussi décidé d’étendre de trois ans le fonctionnement des moteurs de St-Louis qui ont déjà 37 ans.
L’extension de vie des moteurs de St-Louis ne se fera pas sans risque…
Nous sommes confiants que ces moteurs vont pouvoir tourner encore trois ans sans problème.
Que répondez-vous à ces soumissionnaires qui allèguent que vous privilégiez les moteurs MAN pour la centrale de St-Louis ?
Nous n’avons aucune préférence. Les moteurs sont en compétition. Nous utilisons depuis 2005 des moteurs Wärtsilä à St-Louis qui sont très bons. Nous savons que les moteurs MAN sont aussi très bons. Nous espérons qu’il y en aura d’autres.
Donnez-vous l’assurance que lepays ne subira aucun délestage à partirde l’année prochaine ?
Il n’y a aucune raison d’être alarmiste. Nous avons connu des situations pires dans le passé, dans les années 76/77, avec des délestages tous les jours avec les pannes de la centrale de Fort-Victoria. Nous n’allons pas revivre tout ça. Ce serait une trop grande catastrophe. Nous ne pensons pas que nous serons en difficulté l’année prochaine.
Les plans du CEB ne risquent-ils pas d’être compromis avec deux procès intentés en Cour suprême par la firme danoise BWSC et CT Power respectivement ?
Même BWSC ne croit pas trop à ses exigences. S’ils étaient certains de nous empêcher d’aller de l’avant avec le projet de St-Louis, ils n’auraient pas fait de demandes de clarification pour le présent appel d’offres. Quant à CT Power, le promoteur poursuit le gouvernement après l’annulation de son projet. Le CEB va de l’avant avec le projet de substitution. Soit, une centrale thermique d’une capacité de 135 à 150 MW aux Grandes Salines. Avec le combined cycle gas turbine (CCGT), elle va tourner au diesel léger pendant trois, quatre ans à partir de 2018 avant de passer au gaz naturel liquéfié (GNL) quand ce sera disponible.
Quel est le montant d’investissementspour la centrale CCGT des Grandes Salines ?
Environ Rs 7 milliards, qui sont moins que les Rs 10 milliards nécessaires pour CT Power. La centrale produira aussi une puissance plus importante que CT Power.
Des professionnels du secteur parlent d’une vingtaine de milliards de roupies…
(Il coupe) Attendez, il ne faut pas confondre. Il y a aussi un autre projet national pour l’importation du GNL, combustible par excellence qui est moins polluant, moins cher et plus abondant que le diesel. Cela concerne en partie le CEB pour la production électrique mais aussi pour les besoins des autobus et camions qui tournent au diesel, polluant ainsi notre environnement. Le GNL servira aussi pour le bunkering.
Quel sera le coût de production énergétique avec le CCGT ?
Nous allons pouvoir produire de l’électricité dans les environs de Rs 5,50 ou Rs 5,70 par kilowatt/heure.
À la centrale de Nicolay, le coût est pourtant de Rs 39...
Il ne faut pas comparer une centrale de base à une centrale de pointe. Le prix est élevé à Nicolay où les premières machines ont été mises en route en 1988 car c’est une centrale d’une vieille technologie qui tourne au kérosène, combustible utilisé par les avions et qui est très onéreux. Comme c’est une centrale d’appoint, de secours, nous l’utilisons très peu.
La centrale des Grandes Salines va tourner en base, soit 7 500 heures par an contre 300/400 heures par an pour Nicolay. Elle va produire plus d’énergie et par conséquent le coût par kilowattheure sera également bien moindre que ce que nous payons pour les énergies renouvelables, soit plus de Rs 6.
Avec le CCGT, le CEB n’est-il pas en train d’investir gros pour une utilisation minime ?
La centrale des Grandes Salines va produire environ 750 à 800 gigawattheures et ne sera pas sous-utilisée. Pour avoir la masse critique d’utilisation du GNL, les centrales à Fort-Victoria et à St-Louis seront aussi converties pour tourner au GNL. Maintenant, certes nous avons un problème (il revient sur ce terme, ajoutant «à mettre entre parenthèses»). Il nous faut capitaliser là-dessus pour avoir une vision qui serait avantageuse pour les générations futures.
Quel est l’autre alternative au projet des Grandes Salines ?
C’est déjà le plan B du CEB après l’abandon du plan A - CT Power. Le site alternatif serait l’intérieur du Fort-George. Nous allons entretenir et maintenir tous les aspects historiques comme sur un site analogue à Fort-Victoria où nous avons une centrale depuis le début des années 60.
Un combustible autre que le GNL n’est-il pas envisageable ?
Actuellement et malheureusement, en combustibles fossiles accessibles à Maurice, il y a le charbon, le diesel et le gaz qui arrivent. Il y a les énergies renouvelables mais malgré tous nos efforts, elles ne vont pas pouvoir remplacer les centrales de base de par leur nature car nous ne sommes pas encore arrivés à avoir des systèmes fiables de stockage à grande échelle et qui ne sont pas chers.
Pourquoi ne pas considérer la proposition du leader de l’opposition pour le lancement d’un appel d’offres international ?
Nous savons très bien le résultat. Ça équivaudrait à mettre du charbon, qui est le combustible fossile le moins cher, partout. C’est contraire à la politique de l’État.
L’avenir de la bagasse et des planteurs n’est-il pas menacé avec l’arrivée du CCGT ?
Au contraire, nous prévoyons dans nos projections jusqu’en 2025 que la production d’énergie à partir de la bagasse et aussi des feuilles de canne qu’on laisse dans les champs et des têtes de canne, va passer du seuil de 350 gigawattheure actuellement à un seuil de 480 gigawattheure.
La nouvelle centrale d’Alteo est «on board» donc ?
Entre autres. C’est un projet qui tient la route. Le contrat avec FUEL prend fin en 2018 et nous aurons à rouvrir les négociations pour un renouvellement de ses équipements.
Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il s’agit pour Alteo d’un autre «unsolicited bid» comme dans le cas de CT Power ?
Ça n’a rien à voir avec un unsolicited bid. Alteo est la première centrale de toute la région qui tourne depuis 1984, même avant La Réunion. Les équipements ont déjà 31 ans. En 2018, ce sera presque la limite d’âge. C’est tout à fait normal que les propriétaires pensent à un renouvellement de leurs équipements.
Confirmez-vous que cette année le CEB va réaliser des profits de Rs 3,5 milliards avec la dégringolade du cours de l’huile lourde et du charbon sur le marché mondial ?
Rs 2,5 milliards plutôt et on pense que ce chiffre s’approche de la réalité.
Qu’envisage de faire le CEB avec cette manne tombée du ciel ?
Le CEB a Rs 6 milliards de dettes. Il a besoin de Rs 7 milliards pour sa nouvelle centrale et il doit aussi investir gros dans l’infrastructure du transport et de la distribution pour être à la hauteur des aléas climatiques. Tout le monde sait que les cyclones sont de plus en plus forts comme à Vanuatu cette année avec des vents de 280 km/h.
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