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Bienvenue à Kosovo

10 octobre 2015, 11:07

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Bienvenue à Kosovo
Pieds nus, ils nous épient à travers un portail en tôle entrouvert. Ces enfants en bas âge habitent l’une des bicoques de fortune défraichies qui se tiennent devant nos yeux, à Kosovo.
 
Non, nous ne sommes pas dans ce pays déchiré entre la Serbie et l’Albanie. Pays réputé comme l’un des plus pauvres d’Europe que fuit sa population par dizaine de milliers chaque jour pour tenter de rejoindre l’eldorado, à l’ouest.
 
Nous sommes bel et bien à Maurice. À Résidence Chebecs, située entre Coromandel et Beau-Bassin. Les conditions d’extrême pauvreté dans lesquelles vivent une dizaine de familles ont poussé les chauffeurs de taxi du coin à baptiser l’endroit, Kosovo.
 
Jeudi, en début d’après-midi, l’on s’y est aventuré. En longeant la rue après le centre municipal Sir Gaëtan Duval, sur notre droite, nous découvrons six habitations en tôle. Elles accueillent huit familles depuis plus de 17 ans. Ce n’est pas moins la vétusté de ces cabanes qui nous frappe que le contraste de l’autre côté de la rue : de belles maisons en dur, bien entretenues, se dressent devant nos yeux.
 
En s’approchant des bicoques, nous remarquons une ribambelle d’enfants dans l’une des cours. Leur mère, un bébé dans les bras, ne tarde pas à faire son apparition. Christelle Jackson, 31 ans, est veuve et mère de huit enfants. Cela fait maintenant trois ans qu’elle a emménagé ici avec son nouveau concubin, maçon à temps partiel. Christelle Jackson ne travaille pas mais elle dit toucher une pension de veuve de Rs 9 000 chaque mois.
 
La jeune femme s’improvise guide d’un jour. La visite commence. Elle nous montre d’abord son coin douche/toilette à ciel ouvert. C’est en fait un w.-c. en piteux état sans conduit aucun qui sert de toilette à la famille. Devant notre air étonné, elle lâche sans détour : «Aucune famille n’a de toilettes ici. Certaines utilisent des seaux qu’elles déversent par la suite dans la nature.»
 
 
La visite se poursuit. Notre guide nous emmène dans la pièce qui sert de salon aux Jackson. Au milieu des fauteuils usés, à côté d’un lit et d’un meuble-télé rafistolé, deux fillettes, les vêtements sales, nous fixent du regard. «Elles ne se sont pas rendues à l’école aujourd’hui», lance d’emblée leur mère, comme pour se défendre.
 
Des voisins de l’autre côté de la rue ne tiennent pas le même discours. Ils avancent que les enfants de Christelle Jackson ne sont pas scolarisés. «Si vous les voyez dans cet état c’est parce qu’ils ne font pas d’effort pour sortir de cette situation déplorable. Dès qu’ils perçoivent un peu d’argent, ils le dépensent en achetant des boissons alcoolisées», dit une voisine. Ces familles auraient pu acheter du lait et autres nécessités pour les enfants à la place, argue-t-elle.
 
 
Toutefois, notre interlocutrice se garde bien de faire part de ses remontrances à ses voisins moins bien lotis. Mariée à un haut cadre des forces de l’ordre, elle avoue ne rien dire par peur de représailles. «Par les temps qui courent, du jour au lendemain, on peut vous attaquer sans aucune pitié», fait-elle valoir.
 
Interrogé quant à cette situation, le député de la circonscription Rajesh Bhagwan se dit, lui aussi, révolté qu’en 2015 des familles puissent vivre ainsi. «C’est inacceptable ! Je connais bien le coin et Kosovo est une nuisance environnementale», lâche-t-il sans ménagement. Ces huit familles, dit-il, ont pourtant bénéficié d’un lopin de terre depuis 2011 mais à ce jour, rien. «Ils ne bougent pas parce qu’ici ils ont tout. Par exemple, ils ont l’eau et l’électricité gratuitement.»