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Bruno Mettling, directeur des ressources humaines : «C’est normal que Mauritius Telecom prenne plus de risques qu’Orange»
11 octobre 2015, 08:50
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Bruno Mettling, directeur des ressources humaines : «C’est normal que Mauritius Telecom prenne plus de risques qu’Orange»
A sa charge 144 000 salariés. Bruno Mettling est l’adjoint au directeur général et directeur des ressources humaines du groupe Orange. En jeans et T-shirt, il nous reçoit entre deux événements festifs organisés à Maurice, avec plus de 400 des meilleurs vendeurs du groupe et qui viennent des 23 pays où opère celui-ci. Sans faire exprès, nous avons joué un peu les trouble-fête.
A l’idée de rencontrer le numéro deux du groupe Orange, je m’attendais à voir un homme en costume-cravate. C’est l’effet du soleil mauricien ?
-Ce n’est pas que le soleil. C’est tout simplement la volonté de partager un moment de fraternité au sein du groupe Orange. Nous avons réuni à Maurice plus de 400 des meilleurs vendeurs du groupe pour les récompenser et partager avec eux la stratégie d’Orange. Ils viennent de 23 pays différents, et puisqu’ils sont tous en T-shirt, j’ai voulu l’être aussi. Pour être avec eux, comme eux dans cette île paradisiaque.
La connexion Internet dans votre hôtel est-elle aussi paradisiaque ?
-Je le savais mais je n’avais pas mesuré, avant de passer trois jours à Maurice, à quel point les autorités publiques se sont mobilisées sur cet enjeu de la transformation numérique. J’ai rarement vu des autorités publiques aussi engagées pour réussir la transformation numérique. C’est important que les États se mobilisent. Et je pense qu’ici c’est le cas.
S’agissant des connexions, c’est un effort permanent. Les technologies évoluent, il y a de plus en plus de consommateurs de ces technologies, la consommation dans nos réseaux explose. Donc, il faut en permanence réinvestir. à Maurice, je sais que c’est Orange qui porte le coeur de l’investissement. Je suis frappé par la qualité des investissements qui sont réalisés pour équiper en fibre. C’est supérieur à la moyenne.
Bien sûr la tentation peut être toujours de dire «ça ne va pas assez vite, il y a des difficultés». Mais quand je compare ce qui se passe à Maurice, à ce qui se passe dans la plupart des pays où nous sommes présents, il y a des plans d’action, des projets, mais aussi et surtout des investissements qui suivent. Je suis très confiant que Maurice peut être un des pays leaders mondiaux – un des dix – dans le domaine de la transformation numérique.
Ça vous désolerait-il de savoir que Michael Porter, le gourou du management et du leadership, s’est plaint de la lenteur de la connexion à Maurice ? C’est la première, sinon la seule, chose dont il s’est plaint.
-Écoutez, c’est un problème permanent. Il faut imaginer que ce sont des centaines de millions de données que nous transportons. Le volume double tous les 18 mois. Face à cette transformation numérique, c’est vrai qu’il peut se produire des décalages dans une situation ou une zone. Mais globalement, l’investissement dans cette technologie du haut débit, de la fibre et de la 4G, est bien engagé ici à Maurice. Le coeur de la stratégie est là, et la réponse est à travers les investissements dans le haut débit que nous faisons. Maurice est incontestablement à la pointe, non seulement dans l’océan Indien, mais sur l’ensemble de la zone Afrique Moyen-Orient.
Que représentent Orange Maurice et Mauritius Telecom (MT) dans la stratégie mondiale du groupe Orange avec ses 248 millions de clients et 15 milliards de terminaux connectés ?
-Il n’y a pas petit ou grand pays Orange. Il y a systématiquement des présences d’Orange, qui permettent de développer ce service devenu indispensable. C’est la consolidation de tout cela qui fait la force du groupe. Si je prends l’exemple de MT, 1,2 million de clients et 2 500 salariés, c’est extrêmement important. Nous offrons un service essentiel aux populations. Nous sommes essentiels à l’investissement dans les entreprises et donc, vous êtes présents dans notre stratégie. Nous comptons énormément sur Maurice pour notre stratégie dans l’océan Indien et en Afrique.
Pourquoi Maurice est-elle un bon pont vers l’Afrique justement ?
-Toutes les enquêtes montrent que Maurice – en termes de démocratie, d’investissement, de gouvernance, de culture d’entreprise, d’équipements et de volonté de réussir la transformation numérique – est incontestablement le pays le plus avancé de la zone. Nous, nous avons besoin de s’appuyer sur ce type de tête de pont pour développer notre stratégie vers l’Afrique.
C’est financièrement pratique aussi non ? Quand Orange Maurice investit en Afrique, c’est le contribuable mauricien via MT qui prend le plus de risques ?
-Détrompez-vous. Investir dans les télécoms c’est au contraire se donner les moyens de réussir. Ceux qui n’auront pas pris le virage numérique auront, en termes d’emploi, de création d’activités et du business, les plus grandes difficultés. C’est au contraire extrêmement avisé de la part de votre gouvernement d’assumer sa responsabilité au sein de Mauritius Telecom et d’investir à l’étranger, pour être cette tête de pont. Bien sûr qu’il y a des risques. Dans le business, il y a toujours des risques.
Au Vanuatu par exemple, MT détient 90 % de l’investissement d’Orange. C’était une grande polémique nationale. Pourquoi c’est MT qui prend le plus de risques ?
-Ce n’est ni mon rôle, ni ma responsabilité d’entrer dans le débat politique qui est très vif et très dense à Maurice. Mais dès lors qu’on est actionnaire majoritaire d’une entreprise, il est normal que l’on pèse sur la stratégie, que l’on prenne sa part de risques. On ne peut pas être actionnaire majoritaire d’une entreprise et laisser aux autres le soin de l’accompagner. Entre l’État actionnaire de MT et son partenaire Orange, on a une qualité d’échanges et de débats de sorte que l’on aille en confiance au prorata de notre participation pour ce type d’investissement.
En somme, Orange décide, MT débourse, c’est ça ?
-Non. C’est mal connaître la réalité de vos représentants. On a à la tête de MT un entrepreneur. Tous ceux qui l’ont croisé le reconnaissent. C’est un atout pour nous. On se comprend. Il parle le langage de l’entreprise, de la responsabilité, et il défend les intérêts qu’il représente. C’est un partenaire exigeant, et cela nous convient car c’est comme ça qu’on travaille bien ensemble.
Cela ne vous dérange pas en tant que DRH que Sherry Sing soit un très bon ami de l’ex-ministre des TIC, que sa nomination ait été vivement critiquée puisque contrairement à ce qui avait été promis, il n’y a pas eu d’appel à candidatures et qu’il soit le fruit d’un copinage qui perdure de gouvernement en gouvernement ?
-Ce qui me dérange, c’est quand un actionnaire privé à 60 % nomme un dirigeant, personne ne se croit obligé de revisiter l’ensemble des éléments. Là, nous avons un actionnaire qui, selon les termes de l’accord avec Orange, désigne son représentant. Ce que moi je trouve positif, c’est qu’il a désigné un entrepreneur qui comprend les logiques de l’entreprise. C’est un atout pour réussir. Pour le reste, nous sommes dans le débat politique, et l’homme que je suis n’a pas à commenter le débat politique.
Le gouvernement français vous a récemment consulté pour un texte de loi sur le numérique au travail et dans votre document remis à la ministre du Travail, vous parlez du droit à la déconnexion. Le nº deux du groupe Orange demande à ses employés de se déconnecter. N’êtesvous pas vous-même un peu déconnecté des impératifs de productivité que prônent les entreprises ?
-On sait bien que face à l’explosion des données, la transformation numérique est une fantastique opportunité. Mais il y a aussi des risques. Parmi les risques, il faut l’assumer en tant qu’opérateur, il y a l’excès de connectivité, notamment professionnelle. C’est important que l’équilibre, vie privée-vie professionnelle, permette à tous les salariés d’avoir des temps de déconnexion.
C’est bon pour eux, pour leur santé, mais c’est bon aussi pour les entreprises. Ces gens qui arrivent le lundi matin, qui n’ont pas déconnecté tout le week-end, qui ont traité leurs e-mails, qui arrivent avec les yeux fatigués, qui n’ont pas reconstitué leur force de travail, c’est mauvais non seulement pour leur santé, et c’est pas bon pour l’entreprise non plus.
La maturité de la transformation numérique suppose ainsi qu’on veille à ce que les salariés aient un droit à la déconnexion. Aucun salarié ne devrait se voir reprocher de ne pas avoir été connecté en dehors des heures de travail. C’est un enjeu important, y compris pour un opérateur, parce que c’est ce qui assurera une transition harmonieuse vers la transformation numérique.
Vous imaginez un employé du groupe Orange rejeter l’appel en voyant que c’est vous, le No deux de tout le groupe, qui appelez ? Il serait mort de trouille, n’est-ce pas ?
-Non. C’est un enjeu pour les entreprises et leur efficacité et elles doivent s’éduquer au bon usage du numérique. Le mail du viceprésident, oui c’est un syndrome qu’il faut combattre encore plus dans la transformation numérique. Les dirigeants doivent être exemplaires et apprendre à respecter ces temps de déconnexion professionnelle.
C’est en raison de votre vécu dans le groupe Orange que vous avez un penchant particulier aujourd’hui pour la santé de l’employé ? Je parle là de la crise des suicides qui a secoué Orange ces dernières années.
-Qui ne peut pas être marqué par une crise de suicides aussi importante que celle qu’on a connue ? On a beaucoup travaillé sur ces questions, on s’est remobilisé, et nous sommes une des trois entreprises au monde qui est «top employeur» sur trois continents différents. La réponse d’Orange a été de comprendre la crise, de transformer l’entreprise et c’est vrai qu’il reste une sensibilité très forte à Orange sur les problématiques d’équilibre vie privée, vie publique et sur les questions de santé au travail.
Honnêtement ? Oui, cette crise se ressent dans le document que je présente au gouvernement français. Mais ces difficultés qu’on a connues sont à la fois anciennes et très compliquées à analyser. Ce qui est sûr c’est que la santé au travail et le bien-être des salariés sont un enjeu majeur pour toutes les entreprises au monde. J’ai rejoint Orange pour tourner la page, et évidemment le DRH que je suis a été marqué par ces événements. Mais ce qui me marque aujourd’hui, c’est la capacité qu’on ait eu collectivement à tourner une page, et reconstruire une dynamique.
Dans l’actualité mondiale, Edward Snowden a révélé le programme «Schtroumpfs des services d’écoutes britanniques». Une technologie permettant d’allumer, sans que vous le sachiez, le micro de votre portable pour que tout ce qui se dit autour de vous soit entendu. Vous y croyez-vous ?
-Je suis prudent. L’évolution des technologies est très rapide et très puissante. Il y a en matière de liberté, de vrais risques qu’il faut anticiper et moi, je suis de ceux qui disent qu’il faut très clairement et loyalement définir les enjeux de sécurité, mais aussi des protections des libertés individuelles. à Orange nous avons une charte extrêmement claire des droits de nos clients, de nos devoirs par rapport à eux, sur l’utilisation des données les concernant.
La protection des données, justement, c’est un très grand débat ici. Décrétée anticonstitutionnelle en France, la carte d’identité biométrique a été adoptée par Maurice dans une énorme controverse. Quelle est votre opinion ?
-Il y a des enjeux de sécurité, de liberté et de protection des Etats. C’est extrêmement sensible. Mais je me garderai bien de vous donner des leçons sur la manière de gérer ces enjeux.
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