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Jannick Ricaud-Laval : Plasticwoman au coeur d’or !

25 octobre 2015, 12:46

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Jannick Ricaud-Laval : Plasticwoman au coeur d’or !

Jannick, 37 ans, nous reçoit dans une maisonnée en dur située en face de sa maison à Baie-du-Cap, qui lui sert temporairement de store pour ses bouteilles en plastique vides. «Comme c’est payé au poids et que le plastique ne pèse pas lourd, je préfère attendre d’avoir une bonne quantité de bouteilles avant de demander à Polypet Recyclers Ltd (PRL) de venir les récupérer», explique-t-elle. 

 

Depuis l’adolescence, Jannick fait du social dans un mouvement de sa paroisse de St François d’Assise. À  16 ans, elle décide de faire de l’entraide sa mission. Elle commence par agir comme secrétaire pour le projet Liberasyon Peser de Caritas, qui comme l’indique son nom, vient en aide aux pêcheurs. 

 

Après quatre années passées à l’Abri de Nuit de Roche-Bois à s’occuper de l’hébergement des tontons sans domicile fixe, elle obtient un diplôme en Front office auprès de l’École hôtelière d’Ébène. Elle prend alors de l’emploi à l’hôtel Le Telfair. Mais très vite, elle réalise «qu’entre le social et l’hôtellerie, il y a un monde».

 

«Qui dit saisonnier, dit souvent jours chômés faute d’embauche»

 

Elle retourne au social en devenant formatrice en Life Skills pour le compte de Caritas. Elle réalise qu’avec la fermeture de la sucrerie de  Bel-Ombre, en 1999, de nombreux habitants de la région sont sans emploi fixe. Ils doivent se rabattre sur des emplois saisonniers d’aide-maçon et de laboureur. Et qui dit saisonnier, dit souvent jours chômés faute d’embauche et fins de mois difficiles pour les familles. Une quinzaine de personnes sont dans ce cas. En 2013, Jannick décide de faire quelque chose pour eux. 

 

Ainsi, trois fois par semaine, cette mère de trois enfants enfourche son vélo et sillonne le bord de mer entre son village natal et Bel-Ombre, en quête de bouteilles en plastique vides jetées dans la nature par des inciviques. Elle les range dans de grands sacs et une fois un volume conséquent obtenu, elle les vend à PRL.

 

«Avec dix sacs de bouteilles en plastique, j’obtiens Rs 800. Ce n’est pas beaucoup mais cela me permet d’acheter des aliments de base comme du riz, du lait, des conserves, des grains secs pour ces familles. Je fais d’une pierre deux coups puisque j’aide, tout en préservant l’environnement.»

 

 Si les vivres s’épuisent, elle en emprunte auprès du secours d’urgence de Caritas, à Chemin-Grenier. «J’aide ces familles dans le besoin pour trois mois seulement car je ne veux pas encourager l’assistanat.» Mais le 8 mars dernier, après les pluies diluviennes qui se sont abattues sur le sud du pays,  les maisons de 250 personnes ont été inondées et leurs provisions abîmées. Jannick s’est alors débrouillée comme elle a pu pour leur venir en aide.

 

 Bien que les luxueux hôtels du Sud doivent avoir quantité de bouteilles en plastique vides, elle n’en reçoit pas d’eux. En revanche, deux petits restaurants lui livrent les leurs. Et en signe de reconnaissance pour son aide, certains bénéficiaires et leurs enfants lui en apportent et l’aident à les déboucher et à les rapetisser. 

 

  «Les gens sont de plus en plus pollueurs»

 

D’autre part, cela fait des années que la population est sensibilisée à la protection de l’environnement. Mais Jannick note une détérioration de la situation sur le terrain. «Oui, les gens sont de plus en plus pollueurs. Pendant les dernières vacances, j’ai fait un Clean-Up Day entre La Prairie et Baie-du-Cap et nous avons ramassé  10 sacs de bouteilles en  plastique. Sans compter les autres déchets laissés derrière tels que les canettes de bière, les gobelets et assiettes  en plastique.» 

 

Elle ajoute qu’à Macondé, il y a un endroit spécifique où s’amoncellent des bouteilles en plastique. Elle pense que cela doit provenir d’un petit restaurant. 

 

«Pour récupérer cette quantité de bouteilles, il me faudra un transport !» Autre chose qui l’a choquée et déçue, c’est la tentative d’une restauratrice, qui lui donnait des bouteilles en plastique vides, d’obtenir des vivres d’elle à l’issue des inondations du 8 mars. «J’ai refusé car je savais bien que sa maison avait été épargnée. Depuis, je ne vois plus la couleur de ses bouteilles, et elle ne me dit plus bonjour.»

 

 Par ailleurs, depuis trois mois, Jannick n’a pas reçu de demande de vivres. C’est bon signe. «Cela signifie que les habitants ont trouvé du travail.» Ce qui lui plaît le plus dans le fait d’aider les autres, c’est de voir l’angoisse de ces personnes prises à la gorge se muer en sourire de soulagement lorsqu’elles repartent avec des vivres. «Elles ont été libérées d’un poids. C’est beau à voir.»

 

Avec ou sans bénéficiaires à sa charge, elle continue à amasser les bouteilles en plastique vides. Car on ne sait jamais quand la roue du destin peut tourner...